Nicolas Sarkozy battu à l’élection présidentielle, son fameux « Casse-toi pov’con », lancé au salon de l’Agriculture en 2008 à un visiteur refusant de lui serrer la main, continue à le poursuivre. En effet, la cour européenne des droits de l’homme vient d’épingler la France et sa justice pour avoir condamné pour « offense » un citoyen qui avait brandi une affichette, reprenant la triste expression devant son auteur en déplacement à Laval.
Dans son arrêt, la Cour européenne relève que « le Gouvernement (français) soutient que la condamnation du requérant était prévue par la loi, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse, et nécessaire dans une société démocratique à la protection de l’ordre, au sens de la nécessité de protéger le représentant institutionnel incarnant l’une des plus hautes autorités de l’Etat des attaques verbales et physiques et qui tendent à porter atteinte aux institutions elles-mêmes (…) Le gouvernement estime que la protection accordée au président de la République répond à un besoin social impérieux. » Rien de moins !
La cour n’a pas suivi les arguments de Sarkozy et de son gouvernement. Mais ce jugement intéresse aussi les journalistes au premier chef ; en effet, la cour « rappelle que l’article 10 § 2 (de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours et du débat politique – dans lequel la liberté d’expression revêt la plus haute importance – ou des questions d’intérêt général. Les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance. »
En outre, la Cour « retient, d’autre part, qu’en reprenant à son compte une formule abrupte, utilisée par le président de la République lui-même, largement diffusée par les médias puis reprise et commentée par une vaste audience de façon fréquemment humoristique, le requérant a choisi d’exprimer sa critique sur le mode de l’impertinence satirique. Or, la Cour a souligné à plusieurs reprises que la satire est une forme d’expression artistique et de commentaire social qui, de par l’exagération et la déformation de la réalité qui la caractérise, vise naturellement à provoquer et à agiter.
C’est pourquoi il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d’un artiste – ou de toute autre personne – à s’exprimer par ce biais. »
- Le SNJ-CGT se félicite donc de ce jugement qui vient conforter la liberté d’expression des citoyens et des journalistes. Il réaffirme également le droit à l’impertinence satirique du créateur.
Le SNJ-CGT est particulièrement satisfait de voir que le « rédacteur en chef de tous les médias » soit désavoué une nouvelle fois. C’est un juste retour des choses, car celui qui a manipulé l’information pour la mettre au service de sa communication politique, se voit rappeler les fondements de la liberté d’expression.
Le 17 mars 2013