Madame la Ministre,
Le gouvernement auquel vous appartenez a annoncé en début d’année vouloir réaliser de nouvelles économies drastiques sur les « dépenses publiques ». François Hollande a prévenu : son pacte de responsabilité sera financé par 50 milliards d'euros d'économies budgétaires d’ici à 2017.
Depuis le 23 janvier dernier, François Hollande a déjà présidé deux réunions du nouveau Conseil de la dépense publique, l'instance chargée de suivre la mise en oeuvre de ces 50 milliards d'euros d'économies. Ce Conseil, dont rien ne filtre dans le détail, prévoit des réformes structurelles en lien avec la modernisation de l’action publique : la MAP, sorte de RGPP socialiste.
Nous savons également que le gouvernement impose une accélération du calendrier des discussions budgétaires. C’est ainsi que le Premier ministre vous a adressé dès le 15 janvier, comme à chacun des ministres, une lettre de méthode. Nous savons aussi que depuis le 3 février Bernard Cazeneuve auditionne tour à tour les membres du gouvernement pour trouver ces 50 milliards d'euros. Ainsi, au mois d'avril, sur la base de ces différentes réunions, Matignon adressera aux ministres une « lettre de cadrage » précisant, pour chacune des années 2015 à 2017, « le volume d'économies qui devra être mis en oeuvre dans le champ de votre ministère et des opérateurs qui s'y rattachent ».
Ces décisions visant à satisfaire Bruxelles portent la marque d’un nouveau durcissement de la politique d’austérité menée contre la population et les services publics et dont chacun peut mesurer les conséquences sociales désastreuses. Elles interviennent dans un contexte où le budget de votre ministère a déjà subi des coupes claires dramatiques : - 4,5% en 2013 ; - 2% en 2014. Et alors que la rumeur bruisse d’une baisse de celui-ci de 20% sur les exercices 2015, 2016, 2017.
En arrivant rue de Valois à l’été 2012, vous aviez déclaré avoir trouvé « un ministère exsangue ». Vous reconnaissiez ainsi implicitement que la culture et les politiques publiques ne pourraient supporter plus longtemps ces baisses et ces restrictions.
Vous êtes à présent au pied du mur et vous devez la vérité aux personnels et aux professionnels de la culture comme aux créateurs.
Madame la Ministre, dans quel vif allez-vous trancher ? Où allez-vous couper ? Qu’allez-vous supprimer, fermer, sacrifier ? Qu’allez-vous céder aux intérêts privés et à ceux qui considèrent que la culture est une marchandise et un « business » comme les autres ?
Allez-vous baisser le rideau sur des festivals, fermer des musées, des théâtres, des écoles, des bibliothèques, des conservatoires… ? Allez-vous abandonner l’archéologie préventive et les politiques scientifiques et de recherche ? Allez-vous sacrifier les DRAC sur l’autel d’une décentralisation qui prend le chemin d’un dépeçage de la culture et s’apparente à un tournant réactionnaire ? Allez-vous laisser mourir la presse et regarder sans rien faire l’audiovisuel public se déliter ?
Allez-vous renoncer aux politiques publiques, à la démocratisation de la culture ?
Allez-vous renoncer à l’ambition d’une démocratie culturelle ?
Allez-vous, Madame Filippetti, vous rendre complice de l’enterrement en grandes pompes d’un ministère que même la droite la plus libérale n’a pas réussi à rayer de la carte du service public ?
Madame la Ministre, nous n’attendrons pas plus longtemps. Vous devez impérativement et immédiatement recevoir nos organisations syndicales et faire preuve de transparence et de loyauté. Vous le devez à votre ministère, à la culture dans son ensemble et à tous ses travailleurs.