Les deux journalistes français arrêtés en août en Indonésie pour avoir effectué sans autorisation un reportage sur des rebelles séparatistes ont été condamnés vendredi à deux mois et demi de prison mais seront libérés lundi, la peine couvrant leur détention provisoire.
Thomas Dandois, 40 ans, et Valentine Bourrat, 29 ans, ont été reconnus coupables d'avoir abusé de leur visa de tourisme pour effectuer ce reportage pour la chaîne de télévision franco-allemande Arte en Papouasie, et condamnés à deux mois et demi de prison par le tribunal de district de Jayapura, capitale de cette province de l'est de l'archipel.
L'Indonésie surveille de très près les activités journalistiques en Papouasie, où les forces gouvernementales sont confrontées depuis plusieurs décennies à une rébellion séparatiste. Les journalistes étrangers sont obligés d'obtenir un visa de journaliste et une autorisation rarement accordés pour se rendre dans cette région.
L'avocat indonésien des journalistes, Aristo Pangaribuan, a déclaré à l'AFP que la décision du tribunal était "bonne" pour les deux Français qui vont pouvoir rentrer chez eux dès lundi, mais "pas très bonne" pour la couverture médiatique, dans la mesure où elle "ouvre la porte à la criminalisation des activités journalistiques".
Le procureur avait requis jeudi une peine de quatre mois de prison ferme contre les deux Français arrêtés le 6 août -- qui risquaient jusqu'à cinq ans d'emprisonnement -- et émis l'espoir que ce procès serve de mise en garde aux journalistes étrangers concernant les autorisations pour effectuer des reportages.
Selon l'Alliance indépendante des journalistes d'Indonésie, c'est la première fois que des journalistes étrangers sont condamnés en Papouasie pour avoir enfreint la législation relative à l'immigration.
D'autres journalistes étrangers interpellés par le passé pour avoir effectué des reportages sans autorisation en Papouasie ont été expulsés d'Indonésie. Mais le cas des Français est intervenu dans un contexte particulier.
Les rebelles rencontrés par les journalistes venaient des montagnes du centre de la Papouasie, dans le district de Lanny Jaya, où cinq séparatistes ont été abattus dans un échange de coups de feu avec des militaires le 1er août, soit quelques jours seulement avant l'interpellation des Français. Deux policiers avaient été tués peu de temps auparavant dans une embuscade attribuée au Mouvement de la Papouasie libre (OPM).
Thomas Dandois et Valentine Bourrat étaient entrés dans le pays avec un visa de tourisme et s'étaient rendus en Papouasie pour leur reportage. Le premier avait été interpellé dans un hôtel de la ville de Wamena en compagnie de trois membres de l'OPM, et sa collègue avait été appréhendée peu de temps après.
De nombreux Papous, peuple ancestral de Papouasie occidentale, une ancienne colonie des Pays-Bas rattachée à l'Indonésie en 1969, réclament l'indépendance comme la Papouasie Nouvelle-Guinée, autre moitié de cette grande île qui l'a obtenue en 1975 après avoir été une colonie australienne.
L'OPM, qui mène une rébellion armée depuis le rattachement controversé de la province, accuse les autorités indonésiennes d'entorses graves aux droits de l'homme contre les civils papous, et de corruption massive liée aux importantes ressources naturelles dans cette région riche en minerais.
Human Rights Watch (HRW) avait reproché la semaine dernière aux autorités indonésiennes de "faire obstacle à toute couverture médiatique indépendante de la province de Papouasie". L'ONG de défense des droits de l'homme et plusieurs syndicats de journalistes français avaient dénoncé les mesures de coercition contre les deux journalistes et réclamé leur libération immédiate.
De son côté, un chercheur de HRW basé à Jakarta, Andreas Harsono, a appelé les autorités indonésiennes à réviser le système lourd et complexe pour permettre aux journalistes étrangers d'accéder en Papouasie. Actuellement, une autorisation nécessite l'approbation de 18 ministères et institutions publiques.
AFP