L’obscurantisme et les dictatures sont inconciliables avec la liberté d’informer. Les attentats contre Charlie Hebdo le 7 janvier et contre une conférence « Art, blasphème et liberté d'expression » à Copenhague en février dernier démontrent douloureusement que notre profession reste une cible pour ceux qui ne tolèrent pas la liberté d’expression. L’actualité de notre combat pour la liberté de la presse est ainsi tragiquement mise en évidence.
Mais la violence et la barbarie ne sont pas les seules manières d’étouffer la liberté de la presse. Face aux discours compassionnels faut-il rappeler que Charlie Hebdo risquait avant l’attentat de disparaître faute d’une juste politique des aides à la presse ? On peut tuer le pluralisme en le privant des moyens de vivre. On peut tuer l’information en multipliant les pressions sur les journalistes. Les interventions des gouvernements successifs dans le choix des éditorialistes, des dirigeants de la presse écrite ou audiovisuelle doivent cesser. Nous revendiquons le contrôle des rédactions sur les choix éditoriaux. La question clé est aujourd’hui l’indépendance juridique des rédactions.
Les pressions économiques sur une presse en difficulté, la mainmise des industriels et des banquiers sur les chaînes privées, les restrictions budgétaires sur l’audiovisuel public et sur l’AFP sont aussi des obstacles à une information de qualité et à notre liberté d’informer.
Telle entreprise organise le flicage de ses salariés ? « Mieux vaut se faire discret, c’est un gros annonceur. » Telle autre vend des cosmétiques du genre « Avant j’avais des rides, maintenant j’ai des boutons » ? « Chut, elle nous achète des spots. » Tel média appartient à un gros groupe industriel qui délocalise ? « Doucement, il ne faut pas dire du mal des actionnaires. » N’est-il pas temps de dénoncer l’accaparemment des Dassault, Bouygues, Lagardère, Niel, Bergé, Pigasse ou autres Bolloré, Drahi, Crédit mutuel ou Crédit agricole ? Cette dépendance des médias à l’égard des grandes entreprises et de la publicité engendre trop souvent une autocensure des rédactions, une forme sournoise d’atteinte à la liberté de la presse.
Nous revendiquons des droits nouveaux pour que les journalistes puissent diffuser une information utile au grand public, sans censure ni contrainte.
Le SNJ-CGT a pris l’initiative d’une riposte contre la loi dite « Macron » dans sa totalité, et en particulier contre des articles sur le « secret des affaires ». Au prétexte de protéger les entreprises contre la concurrence, le gouvernement s’apprêtait à faire voter une mesure contre l’information du public et des journalistes. Ce projet (art. 64) prévoyait une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende pour avoir révélé sans autorisation ou pour avoir détourné toute information protégée au titre du secret des affaires.
Avec cette disposition, les laboratoires Servier, par exemple, auraient pu poursuivre, au moment des faits, la pneumologue qui a révélé à la presse le scandale du Médiator.
Le SNJ-CGT, avec le des avocats de France et la Ligue des droits de l’Homme, a fait échec à cette disposition, finalement retirée.
Cependant, la vigilance et la mobilisation s’imposent, car une directive européenne sur ce sujet, semblable à cette disposition sur le secret des affaires est en cours d’élaboration. La lutte n’est pas terminée.
De la même manière nous attendons toujours une nouvelle loi garantissant une protection efficace des sources.
Notre syndicat est membre de la Fédération internationale des journalistes, qui regroupe environ 600 000 membres, dans plus de cent pays. Le combat pour la liberté de la presse est universel.
On a vu parader dans la manifestation pour Charlie Hebdo des chefs d’État dont la présence tragi-comique ne pouvait qu’indigner. Et il a fallu toute la détermination des syndicats de journalistes pour que ces tartuffes ne marchent pas devant les familles et la rédaction de Charlie Hebdo. Pour n’en citer qu’un, le premier ministre turc, qui censure Charlie dans son pays, emprisonne les journalistes par dizaines mais prétend défendre la liberté de la presse à Paris.
De Gaza, où les journalistes se font tirer dessus ès-qualités, à Dallas où le journaliste Barrett Brown croupit en prison pour avoir fait son travail d'investigation. Partout où la liberté de la presse est méprisée, voire combattue, le SNJ-CGT est partie prenante de la solidarité internationale.
Notre syndicat a conscience que la liberté de la presse est l’affaire de tous les acteurs salariés de notre profession. C’est dans l’unité qu’il faut dénoncer les restrictions budgétaires entravant l’audiovisuel public, les menaces sur l’avenir de l’AFP, les fermetures de titres, mais aussi les dérives de l’information low cost et la réduction dramatique des enquêtes sur le terrain.
L’élection des représentants des journalistes à la CCIJP est une occasion pour nous tous et toutes de montrer notre attachement à cette profession, à ses valeurs, à son indépendance et à son utilité pour la démocratie.
La carte de presse est un outil de travail. Elle est attribuée par une commission paritaire, dont les représentants des journalistes sont élus. Contrairement à d’autres pays où l’employeur en décide, ce mode d’attribution protège l’indépendance des journalistes. Le vote triennal pour son élection est donc important.
En effet, le gouvernement et le patronat viennent de restreindre le paritarisme des conseils de prud’hommes (loi Macron). Ils ont pris prétexte pour ce faire de la faible participation aux élections prud’homales de 2008. Si les journalistes ne font pas l’effort de voter, ce même prétexte peut servir contre la CCIJP. Au contraire, une participation importante au scrutin confortera la Commission. En votant dès le 1er tour, nous aiderons notre profession à se protéger contre de possibles remises en cause d’un facteur important de liberté dans la recherche et le traitement de l’information.
L’argent aussi entre en jeu. L’organisation d’un second tour a un prix et cet argent sera mieux utilisé ailleurs (modernisation des moyens, stabilité des droits d’examen, salaires des employé/e/s, etc.)
Pour ce bilan, il faudra se satisfaire d’avoir résisté. S’il nous est arrivé d’obtenir des avancées par le passé (attribution des cartes de presse à des journalistes travaillant dans des sociétés de production ou sur Internet, demi-Smic comme niveau de revenus exigé), le mandat 2012-15 des élus du SNJ-CGT aura plutôt consisté à tenir bon sous différentes pressions.
Non, on ne peut pas être journaliste quand on travaille pour un site qui essaie de cacher son appartenance à une marque de produits de toilette masculine.
Oui, on peut être journaliste dans une émission comme le Petit Journal qui remplit à la télé un rôle souvent proche de celui de Charlie en presse écrite.
Non, on ne peut pas être journaliste quand on est auto-entrepreneur ou travailleur indépendant, car on devient alors simple prestataire et aucune clause de la convention collective (conscience ou droit de retrait) n’est plus applicable.
Non, on ne peut pas être journaliste et intermittent parce qu’essayer de dire, expliquer, décrypter la réalité n’a rien à voir avec un spectacle.
Nous avons d’ailleurs obtenu que la Commission rappelle très officiellement à l’ordre les producteurs et les diffuseurs, même dans le service public, qui abusent de cette confusion des genres. Privés de leur carte de presse, et donc d’une relative mais certaine protection, leurs envoyés spéciaux mettent parfois en péril leur sécurité pour assurer les marges financières de leur employeur.
Résister, c’est aussi tenir une ligne pour que les décisions de la Commission conservent leur cohérence, soient compréhensibles par tous. Il faut parfois se contenter d’avoir tenu ses positions, de ne pas avoir reculé : c’est autant de chemin gagné pour repartir dans le bon sens.
Les élu/e/s du SNJ-CGT
D’ici au 22 mai prochain, le CSA va désigner le nouveau président de France Télévisions (FTV). Une procédure en apparence plus transparente, plus démocratique que la nomination directe par le président de la République.
Si l’on gratte un peu, on perçoit vite l’illusion de démocratie. Le CSA, au vu de la provenance de ses membres, est une institution élitiste, parisienne et technocratique.
Alors que la télévision s’adresse à la grande masse de la population, le CSA reste fermé à la représentation des citoyens-téléspectateurs, des syndicats, associations, artistes et créateurs, aux territoires.
Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on accorder au CSA quand il déplore le manque de diversité sur les antennes de FTV, comme parmi son personnel ou lorsqu'il pointe le conformisme de la ligne éditoriale de ses journaux ?
Preuve supplémentaire d'un déni de démocratie, le CSA a décidé que les auditions des candidats à la présidence de FTV se feraient à huis clos. De toute façon, le « rapport Schwartz » a été commandé par le gouvernement pour imposer « sa feuille de route » au futur PDG de FTV devenu simple gestionnaire.
Le gouvernement socialiste est passé à côté d’une réforme qui aurait dû introduire plus de démocratie en élargissant la représentativité d’un nouveau CSA. Il donne des arguments aux démagogues prompts à dénoncer les élites pour mieux justifier une reprise en mains autoritaire, à l’instar de Nicolas Sarkozy en 2010.
Claude Guéneau, candidat à la Commission de 1re instance
L’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo a été un choc pour l’ensemble des militants de la CGT dont l’histoire syndicale a été nourrie des nombreux dessins de Charb, Wolinski, Tignous… Les publications de la CGT ont toujours accordé une grande place au dessin de presse. Nous ne sommes d’ailleurs pas épargnés par la caricature et nous en rions… le plus souvent. Car la liberté d’expression est un des fondements de notre démocratie et doit être défendue avec force.
Alors que la crise économique s’intensifie, que des millions de salariés sont exclus du marché du travail, les journalistes sont eux aussi touchés de plein fouet par les politiques d’austérité. Fermetures de titres, diminution constante des moyens accordés à l’audiovisuel public engendrent des suppressions de postes par milliers et une précarité grandissante. Avec de graves conséquences sur la qualité de l’information et le pluralisme.
Défendre la liberté de l’information est au coeur du combat mené par la CGT et le SNJ-CGT. C’est pourquoi je vous appelle à apporter votre soutien à ses candidat(e)s à l’élection de la CCIJP.
Pose de micros, surveillance informatique, géolocalisation… Un projet de loi gouvernemental veut mettre les citoyens sous surveillance.
La CNIL a dénoncé immédiatement ce « projet aux conséquences particulièrement graves sur la protection de la vie privée et des données personnelles ». Elle s’est notamment inquiétée que les journalistes, avocats et médecins ne soient pas protégés contre ces intrusions dans l’exercice de leur métier.
Le candidat Hollande avait promis une protection renforcée des sources des journalistes, mais sous sa présidence les attaques contre la liberté d’informer se sont multipliées. Après avoir déjoué la tentative « secret des affaires », nous voilà tous menacés d’être suspectés, écoutés, fliqués sous prétexte de rechercher quelques supposés « terroristes ».
Nous ne pouvons tolérer ces atteintes aux libertés individuelles et à la liberté de l’information. Ce n’est pas en agitant les périls qu’on mène le combat des idées face à la xénophobie et à l’intolérance. Au contraire, les journalistes ont besoin de plus de droits pour enquêter librement et donner aux citoyens toutes les clefs pour comprendre notre monde.
Emmanuel Vire, Secrétaire général du SNJ-CGT. Candidat à la Commission Supérieure