Fantasmes ou frayeurs réelles ? Le 12 avril, Le Monde consacrait sa une au "big brother du renseignement français" en affirmant que les services de renseignement disposaient d'un "programme secret de surveillance" permettant "d'intercepter et de stocker des milliards de données et de communication". Une information censée alimenter la crainte d'une surveillance généralisée au moment où le parlement se penche sur la nouvelle loi renseignement. Pour faire la part des choses entre les risques et les fantasmes de cette loi et des systèmes de surveillance déjà en place, nous avons invité Eduardo Rihan-Cypel, député socialiste, porte-parole du PS et membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, Alexandre Archambault, ancien cadre chez Free, et Andrea Fradin journaliste à Rue 89 et auteur d'un article sur le sujet.
Nom de code : PNCD, pour Pôle national de cryptanalyse et de décryptement. D'après Le Monde, c'est un programme qui permettrait aux services de renseignement de surveiller les communications en France et à l'étranger. Un "Big brother" dont l'existence a été confirmée par François Hollande en direct sur Canal+... Sauf que comme l'a démontré Jean-Marc Manach dans une chronique, Le Monde s'est planté et Hollande s'est sans doute emmêlé les pinceaux. Le terme de PNCD ne renvoie pas à un système de surveillance, mais à un programme permettant à la DGSE de décoder les communications internationales interceptées. "Il y a une grande paranoia [a propos] d'une machine qui capterait tout ce qui se passe dans le monde et qui le décoderait en même temps", déclare Eduardo Rihan-Cypel. Le PNCD a été créé en 1999 pour décrypter les messages. "Ce sont des super calculateurs capables de casser des codes", explique le député PS. Ce n'est donc pas un programme de surveillance. Quel rapport avec la loi Renseignement ? Désormais, les communications provenant de pays étrangers vers la France, interceptées par la DGSE, "rebasculent dans le cadre de la loi", précise le député PS. Encore faudrait-il être certain que la DGSE n'intercepte que des communications provenant de l'étranger et pas les communications en France, souligne Andréa Fradin de Rue 89.
La loi de renseignement intérieur prévoit l'utilisation d'une technique, résumée par le terme de "boites noires" mais Rihan-Cypel préfère parler d’algorithmes, pour détecter des "comportements suspects" d'internautes susceptibles d'être en voie de radicalisation. Mais qu'est-ce qu'un comportement suspect ? Le comportement d'un journaliste, comme Jean-Marc Manach, qui consulte des vidéos de djihadistes pour préparer un article, peut-il être suspect ? Une surveillance de ce type est-elle techniquement possible ? Archambault, l'ancien cadre de Free en doute : "Vous ne verrez qu'une minorité du trafic et vous verrez un trafic qui ne sera pas exploitable", assure-t-il au député PS.
Et comment s'assurer du contrôle démocratique de cette surveillance électronique, à partir du moment où l'enveloppe budgétaire nécessaire à la mise en place d'un tel système n'est pas connue ? "Ce n'est pas parce que c'est caché, qu'il n'y a pas de contrôle démocratique", se justifie Rihan-Cypel.