Courrier adressé à Madame Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission
de la culture, de l’éducation et de la communication :
Les 25 et 26 mai, le Sénat, après la commission des Affaires culturelles que vous présidez, va examiner, après l’article 1 déjà adopté, la proposition de loi déposée par le député Patrick Bloche « visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias ».
Les organisations syndicales SNJ et SNJ-CGT vous ont déjà amplement fait part de leurs critiques et propositions. Plus largement, elles vous ont rappelé que légiférer en procédure accélérée sur la liberté de la presse, un des pivots de la démocratie française, était particulièrement dangereux et malvenu quand les travaux pour établir la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse avaient duré 18 mois.
Ces organisations syndicales ont aussi proclamé qu’elles appelaient de leurs vœux une vraie loi de réforme du secteur qui passerait par :
- une loi anti-concentrations,
- une mise à plat de tout le système des aides à la presse pour qu’elles servent, en toute transparence, les buts pour lesquels elles ont été instituées : qualité de l’information et pluralisme.
Les « sauveurs » ne manquent pas autour de nous. Mais nous n’avons pas d’exemple, dans un passé récent qu’un journal ait vraiment été sauvé par un rachat.
Actuellement, le désengagement blâmable de l’Etat a permis que se constituent, dans un vaste jeu de Monopoly au profit des Bolloré, Dassault, Drahi et autres milliardaires, d’immenses groupes de presse, qui à l’instar d’Altice contribuent à détruire le pluralisme et à gravement amoindrir la qualité des contenus éditoriaux en les vendant à des fournisseurs d’accès (téléphonie, internet) dont le seul intérêt est de vendre, pas d’informer. Ce sont ces mêmes groupes qui, sans aucune nécessité, touchent, chaque année, les aides à la presse. Sans compter qu’un groupe comme Altice se voit ouvrir des lignes de crédit de 50 milliards d’euros pour enterrer le pluralisme mais qu’un titre indépendant comme l’Humanité se voit refuser aides et prêts bancaires....
Dans la presse quotidienne nationale, un seul quotidien est réellement indépendant. Il est menacé de disparition.
L’Humanité, notre journal, connaît depuis plusieurs mois une crise financière grave qui met son existence en péril. Outre qu’elle aurait des incidences sur l’emploi de plus de 200 salariés, journalistes, employés et cadres, sa disparition serait une grave atteinte au pluralisme des idées et à l’expression de la démocratie.
Pour nous, représentants des personnels qui, chaque jour, fabriquons ce journal dans des conditions de plus en plus précaires, deux points semblent essentiels :
- Une aide d’urgence, débloquée sur les fonds d’aide à la presse, comme cela s’est fait par le passé pour d’autres titres, qui permette à notre journal de restaurer sa trésorerie immédiatement.
- Un plan de réorientation des aides à la presse, reprises en main par l’Etat, qui garantisse la survie de l’Humanité comme de tous les journaux en réelles difficultés.
Devant le phénomène de concentration des titres aux mains de quelques-uns, nous estimons qu’il est du rôle des pouvoirs publics de prendre toutes les mesures pour garantir l’existence et la liberté de la presse en veillant à une répartition des aides plus équitable, ce que la loi que vous êtes en train d’examiner, passe sous silence.
Nous vous demandons de recevoir une délégation de salariés de l’Humanité pour aborder ces questions et chercher ensemble des solutions.
Nous voulons rester indépendants et ne doutons pas de notre avenir si les règles du jeu de la démocratie sont respectées.
Dans l’attente d’une réponse positive, nous vous prions de recevoir l’expression de nos salutations distinguées.
Les salariés de la Société nouvelle du journal l’Humanité (SNJH), soutenus par l’intersyndicale SNJ-CGT, SNJ, SGLCE-CGT, BP UFICT-LC CGT