Reprendre la main sur son travail

L’Ugict-Cgt a diligenté, avec les statisticiens des syndicats Cgt de la Dares et de la Drees, une enquête inédite sur le monde du travail en confinement.

L’enseignement majeur de l’enquête, c’est le non-respect généralisé du Code du travail et des droits sociaux. Pour les salariés « en présentiel », c’est l’insuffisance de la protection ; pour ceux en chômage partiel, c’est l’explosion du travail dissimulé, pour un tiers d’entre eux, avec des employeurs empochant malgré tout les aides de l’État. Enfin, pour ceux basculés à la hussarde dans un télétravail en mode dégradé et maltraitant, c’est l’explosion des risques psychosociaux : 33 % des encadrants ont développé des troubles de l’anxiété et 41 % des douleurs physiques inhabituelles.

 

À l’heure du déconfinement le Medef entend franchir une étape décisive. Premier enjeu, faire de la dérogation présentée au titre de l’état d’urgence sanitaire la nouvelle règle. Deuxième enjeu : tirer les enseignements de l’expérimentation à grande échelle du télétravail. Le Medef y voit des perspectives très lucratives. Perspective d’ubérisation du travail intellectuel : puisque nombre de cadres, d’ingénieurs, de salariés experts peuvent travailler chez eux, avec leur matériel personnel, sur la base de missions prédéfinies, pourquoi ne pas faire du télétravail une nouvelle forme d’emploi ? À la clef, des économies substantielles sur les espaces de travail, sur la masse salariale, un éclatement des collectifs pour briser les cohésions revendicatives, une responsabilité juridique dégagée vis-à-vis de ces nouveaux tâcherons mobilisables à la demande et à moindre coût.

 

Perspective de délocalisation du travail intellectuel : celui-ci dégage d’ores et déjà la plus forte plus-value. La délocalisation vers l’Asie ou l’Amérique latine représenterait le jackpot pour les mercenaires du Cac 40. Selon leurs estimations, 40 % des emplois qualifiés seraient ainsi « délocalisables ». Il est donc essentiel de ne pas laisser le télétravail aux mains du Medef.

 

À rebours des ordonnances Macron de 2018 permettant d’imposer le télétravail sans accord collectif ni avenant au contrat de travail, il faut l’encadrer rigoureusement. La Cgt ne part pas d’une page blanche : son Ugict a élaboré, depuis une quinzaine d’années, des propositions déclinées en quatre volets : clarification des règles juridiques ; articulation entre télétravail régulier, occasionnel et informel ; moyens accordés à l’encadrement pour réguler le télétravail, préserver les collectifs de travail et la santé ; renforcement des moyens des représentants du personnel et des syndicats pour qu’ils puissent assumer leurs missions face à ces nouvelles modalités. Les salariés ont déjà payé un lourd tribut au coronavirus. Il faut un changement radical de cap pour leur redonner la main sur leur travail.

 

Marie-José Kotlicki
coSecrétaire générale de l’Ugict-Cgt
Directrice d’options

 

 

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