Le jour d’après se construit maintenant

Gestion par les coûts, dictature du court terme au mépris de l’anticipation et de la prévention, étouffement des alertes au prétexte de la loyauté… L’ampleur de la crise jette une lumière crue sur les conséquences du Wall Street management.

Les multiples appels à un profond changement de modèle démontrent que nos analyses ne peuvent maintenant plus être évacuées. Mais souvenons-nous. Que sont devenues les grandes promesses de 2008 ? Volatilisées. Pire, la crise a été instrumentalisée pour imposer austérité et recul des droits sociaux, suivant la « stratégie du choc ». Méfiance donc avec les discours de grands soirs qui visent trop souvent à préparer de petits lendemains.

La situation exige de porter un horizon de rupture et de tracer sans attendre un chemin pour y arriver. Encore une fois, les circonstances exceptionnelles sont un prétexte pour imposer des mesures d’exception. Sauf qu’à l’image de la menace terroriste, la crise sanitaire va s’inscrire dans la durée, et les dispositifs de surveillance de masse ou d’augmentation du temps de travail deviendront la nouvelle normalité. Le monde d’après s’inscrira dans le prolongement des mesures dites de gestion de crise.

À l’instar des réformes des retraites et de l’assurance chômage, dont la suspension équivaut à un enterrement de première classe, obtenons des dispositions immédiates qui changent la donne.

Revendiquons, face aux faillites qui se multiplient, un droit prioritaire de reprise par les salarié·es et la protection de nos entreprises face aux fonds vautours. Proposons que les aides publiques soient conditionnées à l’arrêt des dividendes, à la relocalisation de la production et à l’investissement dans la recherche. Obtenons un encadrement immédiat du télétravail alors que les burn-out explosent. Exigeons un droit d’alerte, de refus et d’alternative pour permettre à l’encadrement de garantir la santé et la sécurité des équipes. Gagnons la reconnaissance des qualifications et la revalorisation des métiers à prédominance féminine, à commencer par ceux des soignant·es, dont chacun mesure aujourd’hui le rôle central.

Au-delà, la mise à l’arrêt d’une partie de la production du pays est l’occasion de repenser le sens et le contenu de la croissance. Non, la sortie de crise ne passera pas par des mesures de relance de la consommation au mépris des enjeux environnementaux. Il s’agit au contraire de prioriser la réponse aux besoins sociaux et de répondre au défi climatique pour éviter de nouvelles crises. Investir dans l’« économie des soins » et créer un service public de prise en charge de la dépendance, de la petite enfance au grand âge. Relocaliser et transformer l’industrie avec une économie « circulaire », fondée sur la ­durabilité des produits, les circuits courts et la suppression des déchets…

Les chantiers à ouvrir sont colossaux. Ils commencent aujourd’hui très concrètement par la reconquête de notre professionnalisme.

Sophie Binet
cosecrétaire générale
de l’Ugict-Cgt

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