[Technologies] Une surveillance peut en cacher d’autres

Un nouveau « contrat civique » émerge et renforce l’idée que les libertés publiques constitueraient des freins à la sécurité collective.

La pandémie de Covid‑19 ne déroge pas à la règle. Incapable de mobiliser les moyens sanitaires à juste échelle, le gouvernement n’a guère comme stratégie qu’un confinement qui prend déjà des allures punitives, stigmatise certaines populations, certains quartiers, et s’impose de fait comme la pierre de touche d’une « bonne citoyenneté sanitaire ». La décision démocratique se trouve brutalisée : l’exécutif gouverne par ordonnances, le Parlement est dispersé façon puzzle et le confinement exacerbe les discriminations, les situations de crise. Dans le domaine de la vie privée, l’Observatoire des libertés et du numérique (Oln) 1 souligne le risque qu’il y a à privilégier, pour organiser la fin du confinement, des outils numériques basés sur l’utilisation des données des téléphones portables. Le 8 avril Matignon a d’ailleurs indiqué travailler sur une application pour téléphone portable téléchargeable à titre volontaire, déclenchant un échange de données permettant à son tour, et en cas d’un signalement « positif », le « suivi » de toutes les personnes rencontrées.

Au-delà des détails techniques, il s’agit d’une utilisation des données personnelles constituant une grave atteinte aux libertés, sans aucune garantie ni sur la procédure, ni sur le sort des informations, ni sur les termes du consentement… L’atteinte au secret médical et à la confidentialité des données de santé est aussi en cause, car ces applications présentent une possibilité d’identifier les malades et de les stigmatiser. Quant aux discriminations, elles concerneront les populations sans portable, ainsi que celles et ceux qui n’auront pas installé l’application et s’en trouveront, de fait, suspects… Cette course au tout technologique se déroule comme si le gouvernement tentait de masquer ses manques et ses erreurs avec des outils présentés comme autant de solutions miracles. Et comme si, dans ce domaine également, il préparait « l’après ». L. S.

1. Organisations membres de l’Oln : Cecil, Creis-Terminal, Globenet, Ligue des droits de l’homme, La Quadrature du Net, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

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