Ces drôles de drones qui policent au-dessus de nos têtes

 

Va-t-on réussir à infantiliser un pays, un peuple entier, vous et – même – moi ? Le projet est en bonne voie. On ne compte plus les occasions où l’autorité, se drapant d’une blanche toge ­politico-médicale, nous assène, comme les parents le susurrent à leurs chères têtes blondes : c’est-pour-ton-bien. Depuis que tout va mal, et par l’effet d’une dialectique purement dialectale, ce maître-mot est devenu maître des maux. Notre bien, donc, légitime quantité de choses que n’importe quelle éthique politique se devrait de réprouver. Mais au nom d’une morale étique, l’injustifiable devient judicieux, et l’illégal, préfiguration de lois à venir. Chère lectrice, cher lecteur, n’en doute pas : c’est-pour-ton-bien.

 

Tout récemment la préfecture de police de Paris s’est ainsi amusée – si, si, c’est le juste mot – à faire voler des drones pour contrôler le confinement, vérifier le port des masques, photographier la capitale et sa tour Eiffel pour en publier des photos sur son site internet. Cette montée au ciel ne visait, nous dit-on, qu’à veiller sur les Terriens. Pour-leur-bien, quoi d’autre ? Reste que ces merveilleuses petites machines volantes ont forcément été commandées, achetées, testées bien avant que le virus ne prenne lui-même son envol. Reste également que survoler Paris ne relève pas de la poésie – fût-elle en képi – mais de la régulation de l’espace aérien et qu’il y faut des au-to-ri-sa-tions. Que ladite préfecture avait omis de demander, cela va sans dire, le vol policier étant pour elle aussi naturel que celui du bourdon. Reste enfin que ce déploiement aérien a déplu à une bande de fâcheux sourcilleux et maniaques des libertés individuelles.

 

Que croyez-vous qu’il advint ? Le conseil d’État, dans un verdict à faire pâlir de jalousie les clowns aériens les plus déjantés, a certes donné raison à la Ligue des droits de l’homme et à la Quadrature du Net en reconnaissant l’absence de tout cadre légal spécifique à l’utilisation des images filmées. Mais, d’un double looping aussi osé qu’inattendu, il a conclu qu’il était urgent que les policiers interdits de vol se dotent rapidement d’un cadre juridique, maquillant ainsi une loi violée en loi tout court ; un risque, en sécurité ; et la liberté, en déambulation surveillée.

 

Pierre Tartakowsky