Le sanitaire au gré des humeurs ; gare à la baguette !

La souplesse d’usage de certains mots n’a d’égal que l’usage que d’éminentes personnalités font de la souplesse. C’est peu dire. Lorsque Donald Trump porte un masque en privé, c’est pour son bien. Lorsqu’il l’ôte devant les caméras de télévision, c’est pour son bien également. Le premier est sanitaire et le second, électoral. La contradiction saute aux yeux mais ce n’est pas pour autant, hélas, qu’elle les éclaire. Il en va de même en notre beau pays, où l’on défend les gens en leur défendant de se défendre. Ce pour quoi le président a créé un conseil de défense destiné à défendre qu’on puisse lui défendre de promulguer ses défenses comme ses autorisations, celles-ci contredisant celles-là au gré de ses humeurs, lesquelles sont volages.

 

Le monde des festivals et du spectacle – suspendu d’exercice professionnel – a ainsi appris que le Puy du Fou, spectacle tendance vendéenne et, en même temps, chouchouté par Emmanuel Macron, va pouvoir rouvrir. On suppose donc que le coronavirus, présumé de droite, ne s’en prendra pas au public enchanté par les valeurs contre-révolutionnaires et royalistes. En revanche, les amoureux de lyrique, de théâtre et de création – cohortes plus ou moins suspectes de sympathie pour la devise républicaine – seraient comme blés sous la grêle. D’où l’autorisation accordée à celui-là pour son bien et l’interdiction opposée aux autres, pour leur non-mal. Les drones continueront donc à filmer et à stocker nos allées et venues, la police continuera à s’opposer à ces allées et venues, et le conseil de défense continuera à aller et venir, gérant l’urgence sanitaire comme on commande un régiment : à la baguette. Ainsi en va-t-il dans un monde de drones fureteurs, d’interdits cogneurs, de discours moralisateurs et de caprices jupitériens. Un monde de mal en pis. « Défense de rire » n’est pas loin…

 

Pierre Tartakowsky