Enquête Ugict ➾ Les constats sévères de l’encadrement sur les employeurs

Comme la grande masse des salariés, l’encadrement au sens large (cadres et professions techniciennes et intermédiaires) s’accorde à juger insuffisantes les dispositions mises en place, même si sa vision est pondérée par leur exercice de réorganisation du travail et de mise en place de ces dispositions. Celles et ceux qui ont eu à superviser le travail d’autres salariés sur les mesures de prévention développent une analyse plus sévère que celle des salariés directement concernés. Dans un contexte qu’on peut qualifier de difficile, le besoin de se faire entendre s’exprime avec netteté, d’autant plus que les pressions sont lourdes :

– 14 % des encadrants déclarent ainsi avoir reçu, durant la période de confinement, des pressions ou consignes inadaptées à la sécurité sanitaire des collègues ou aux normes professionnelles. Ce chiffre monte à 41 % dans la fonction publique hospitalière !
– 27 % des encadrants indiquent que s’ils avaient disposé d’un droit d’alerte, de refus et de proposition alternative relatif à la situation sanitaire ou aux normes professionnelles, ils l’auraient exercé dès le début de la crise.

 

Ce besoin reste, entre autres raisons, bridé par une méconnaissance réelle de la responsabilité juridique de l’encadrement. Ils sont ainsi 80 % à considérer que leur responsabilité ne peut pas être engagée. À tort. En cas de problème, les cadres servent souvent de boucs émissaires. Il n’est pas rare que leur responsabilité soit engagée devant les tribunaux. C’est le cas par exemple dans l’affaire de la catastrophe ferroviaire de Brétigny : c’est un jeune cadre de proximité, chargé de superviser l’entretien des voies, qui a été mis en examen pour homicides et blessures involontaires.

 

Les représentants du personnel : un rôle central en période de crise

 

50 % des instances représentatives du personnel (Irp) disent avoir été consultées (tout à fait ou plutôt) et 34 % estiment ne pas l’avoir été assez (15 % répondent « pas du tout »). 55 % disent que tout ou partie de leurs propositions en matière de prévention et de protection des salariés ont été prises en compte. Les Irp ont donc joué un rôle central, confirmé par l’encadrement qui indique que lorsque la direction a modifié ses mesures de protection et de prévention, c’est suite à l’expression des réticences des salariés (47,5 %) et à l’intervention des représentants du personnel (44 %). Pour autant, seul un quart des représentants du personnel indique que des mesures supplémentaires ont été mises en place pour leur permettre de garder le contact avec les salariés. Alors qu’une majorité de salariés n’étaient plus sur site et que, même pour ceux-là, du fait du confinement, les déplacements des élus et des syndicats étaient restreints voire impossibles, cette proportion d’un quart met en cause la possibilité effective pour les salariés de faire remonter leurs alertes à leurs représentants. De fait, rares sont les entreprises à avoir un accord sur l’utilisation des adresses mail permettant aux élus et aux syndicats d’informer et de consulter les salariés.

 

Les conséquences de ces obstacles à la communication ressortent clairement de la perception par les salariés du rôle des représentants du personnel. Ils sont 37 % à ne pas savoir s’ils ont été consultés sur l’organisation du travail du fait du confinement, et 64 % à ne pas savoir s’ils ont obtenu satisfaction sur leurs demandes.

 

Un débat contradictoire avec la direction

 

41 % des représentants du personnel indiquent avoir eu un désaccord avec la direction parce qu’elle souhaitait maintenir certains salariés sur le lieu de travail. Un quart explique que ce désaccord persiste et qu’ils n’ont pas été entendus sur ce point. 52 % des représentants du personnel indiquent avoir eu un désaccord avec la direction parce qu’elle ne prenait pas les mesures de prévention et de protection nécessaires. 28 % expliquent que ce désaccord persiste et qu’ils n’ont pas été entendus sur ce point. Ces chiffres attestent d’une part de l’utilité des représentants du personnel puisque, dans près de la moitié des cas, ceux-ci ont pu faire changer la donne. Mais, d’autre part, ils jettent une lumière crue sur l’immense déficit qui grève la reconnaissance du fait syndical. Qu’en période de crise sanitaire inédite, un quart des représentants du personnel expliquent que leurs propositions sur l’organisation du travail et les mesures de prévention et de protection n’ont pas été prises en compte en dit long sur l’ampleur du déni patronal quant au dialogue social.

 

Sécurité et organisation du travail

 

L’analyse des encadrant·es est plus sévère que celle des salariés directement concernés :

 

– 45 % disent que l’employeur n’a pas mis en place de distance de sécurité d’au moins un mètre entre les personnes.

– 62 % qu’il n’a pas mis à disposition de masques et de gants en quantité suffisante.

– 55 % qu’il n’a pas mis à disposition de moyens de désinfection des surfaces ou des objets souillés.

– 64 % qu’il n’a pas mis en place d’arrêt maladie préventif pour les salarié·es vulnérables.

– 65 % qu’il n’a pas mis en place d’éloignement immédiat des salariés malades et des collègues ayant été en contact les jours précédents.

– 91 % qu’il n’a pas mis en place d’alternative à l’utilisation des transports en commun.

– 14 % disent que leur employeur n’a pris aucune mesure de prévention et de protection.

– 33 % indiquent que l’employeur n’a pas mis d’équipement informatique à disposition (ordinateur, téléphone, logiciel).

– 80 % que l’employeur n’a pas mis en place un droit à la déconnexion pour garantir les périodes de repos.

– 80 % que l’employeur n’a pas défini les plages horaires précises durant lesquelles le ou la salariée doit être joignable.

– 82 % que l’employeur n’a pas réduit le temps ni la charge de travail pour les parents d’enfants de moins de 16 ans.

– 84 % que l’employeur n’a pas pris en charge les frais de connexion et de logiciels .

– 15 % des encadrant·es estiment même qu’aucune mesure n’a été mise en place dans le cadre du télétravail.

 

L. S.

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