Santé ➾ Le lourd tribut des soignants

Plus exposés et beaucoup plus contaminés.

 

Au 27 avril, les syndicats recensent au moins 11 844 soignantes et soignants contaminés par le Sars-Cov2, ceux identifiés après dépistage, qui représentent 2,2 % des effectifs de ces établissements. C’est le double d’un premier chiffrage établi au 16 avril. C’est le triple d’une évaluation (0,7 %) établie fin avril par la Direction générale de la santé, sur la population en âge de travailler. Et c’est 11,5 fois supérieur au chiffre retenu pour la population dans son ensemble.

 

Ce chiffre alarmant ne se fonde que sur un cinquième des effectifs totaux de ces secteurs. Il reste sans doute très en dessous de la réalité, puisqu’il ne prend pas en compte les asymptomatiques, ni ceux qui ont continué à travailler ou n’ont pu se faire tester : 55 % des questionnaires rapportent que l’accès au dépistage n’a pas été possible. Et pour 16 % des établissements, des soignants malades ont été maintenus en poste, le taux montant à 28,4 % dans ceux de plus 1 500 agents.

 

La surexposition au virus – jusqu’à 30 % de salariés touchés dans certains services – résulte de l’insuffisance de matériel de protection, signalée dans 63 % des établissements. Les syndicats identifient les services dédiés au Covid+ comme sources principales de contamination (pour 55 %), suivis par les urgences et la réanimation. Les questionnaires signalent également que le virus a circulé dans de nombreux services non dédiés, et a touché des personnels non soignants. À cette date, on estime que plusieurs dizaines de personnes ont payé cet engagement de leur vie.

 

Médecine du travail : arrêts de travail et maladie professionnelle aléatoires.

 

Dans 38 % des cas seulement, les personnels dépistés positifs ont bénéficié d’un suivi de la médecine du travail. Cela va de 70 % dans les grands établissements à 17 % pour les Ehpad, et à 37,6 % dans les structures moyennes. Avec des conséquences lourdes sur la circulation du virus, car les taux d’agents malades maintenus en service faute de remplaçants y ont été proportionnellement plus élevés. Les soignants malades ont-ils pu effectuer des démarches de reconnaissance en accident du travail ou de maladie professionnelle ? Seulement 20 % des syndicats disent que oui ; 49 % disent qu’ils ne savent pas. La démarche a été rendue administrativement complexe et semée d’embûches : il faut pouvoir prouver que la maladie a été contractée au travail et pas ailleurs. La déclaration est pourtant déterminante pour pouvoir continuer à percevoir son plein salaire en cas de complication de l’état de santé. Les policiers ont, par exemple, obtenu du ministre de l’Intérieur des garanties de prise en charge automatique. La médecine du travail n’a par ailleurs pas toujours recensé ni protégé les salariés fragiles, avec là encore des disparités en fonction de la taille des structures – de 48 % à 62 % de réponses positives. Dans 28 % des petites structures, les personnels à risque ne se sont vu proposer aucune solution.

 

Droit du travail, droit syndical, il y a plus urgent…

 

Deux tiers des syndicats (66 %) dénoncent une remise en cause des droits des salariés. Parmi les pratiques imposées aux personnels : les mobilités forcées d’un service à un autre, les changements d’horaires autoritaires, le non-respect des rythmes et horaires de travail, les dépassements d’horaires, la remise en cause du droit aux congés, l’arrêt de formations. Y compris dans les zones peu affectées par la maladie, où les agents ont été mis d’office en service sur douze heures, en Rtt ou en télétravail. Fin avril, 29 % des établissements n’avaient toujours pas tenu de Chsct spécifique sur l’épidémie, et là où il y en a eu, les réponses aux questions n’ont été satisfaisantes que dans la moitié des cas. Les syndicats ont lancé des alertes, surtout dans les gros établissements. Pour 64 %, l’activité syndicale n’a pas subi d’entrave explicite mais a de fait été limitée par l’urgence, se soldant par la suppression de la consultation des instances représentatives ou des décharges syndicales. Les syndicats ne devraient en tout cas pas chômer dans la période à venir, les primes conditionnées ou les décorations comme seules marques de reconnaissance étant vécues comme insupportables.

 

V. G.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *