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18ème congrès Ugict-CGT

Partie 1 – Un nouveau modèle de développement pour ouvrir de nouvelles perspectives

1.3. 

 

1.3.   Dix ans après, les leçons de la crise de 2008 n’ont pas été tirées. Les économistes sont de plus en plus nombreux à reconnaître qu’une nouvelle crise peut se produire. Pire, pourtant causée par la finance et la spéculation, la crise a été utilisée, notamment en Union européenne, pour imposer cure d’austérité, recul des États sociaux et des droits des salarié-e-s et des populations : la « stratégie du choc ». La mondialisation des échanges et la volatilité du capital permettent la mise en place d’une stratégie de dumping social, environnemental et fiscal au niveau international. D’abord centrées sur la production industrielle, les délocalisations touchent désormais le travail qualifié, le secteur des services et les technologies de pointe, démentant la thèse aux relents coloniaux de partage des tâches entre les pays émergents et développés. Enfermée dans des politiques austéritaires réduisant le rôle des États et ouvrant son territoire et ses services publics à la concurrence, l’Europe se marginalise politiquement et économiquement dans le monde, confrontée à la progression des régimes autoritaires. Le monde unipolaire de l’après-guerre froide dirigé par les États-Unis s’estompe face à la montée de la Chine et des émergents. L’incapacité à apporter des réponses collectives à la crise des réfugié-e-s ou aux guerres aux Proche et Moyen-Orient démontre la fragilisation des instances internationales (et notamment de l’ONU) et la perte de leadership des démocraties occidentales.

1.5.  La financiarisation du monde démontre pourtant chaque jour qu’elle représente :

  • 1.6.  – une impasse démocratique, avec la prise de pouvoir des multinationales et institutions financières, qui, malgré le choix des peuples, imposent dans chaque pays du monde leur modèle unique « There Is No Alternative »
  • 1.7. – Une impasse sociale, avec l’explosion des inégalités et la captation des richesses par les 1 % les plus riches
  • 1.8.  – Une impasse environnementale
  • 1.9. – Une impasse économique, avec le choix du low cost au détriment de la qualité et du long terme.

1.10. Cette fuite en avant entraîne au quotidien une perte de sens du travail, la montée des oppositions au sein du monde du travail. Oppositions nationales, raciales, religieuses, mais aussi entre catégories professionnelles, qui se traduisent dans les urnes mais aussi sur les lieux de travail. Notre syndicalisme a la responsabilité d’ouvrir des perspectives progressistes et rassembleuses en traitant les spécificités issues des rapports sociaux pour rassembler les 99 %.

1.11.  Notre expertise professionnelle, notre qualification, notre rôle et notre place dans le processus de travail, notre engagement syndical, nous donnent des clés pour penser et mettre en œuvre des alternatives. L’enjeu est de retrouver du pouvoir d’agir et la maîtrise du sens et du contenu de notre travail.

1.12.  Pour construire ces perspectives d’avenir et incarner un syndicalisme qui porte des propositions de sortie de crise, nous fixons comme priorité lors du prochain mandat d’approfondir, proposer et agir autour de cinq questions. Pour que ce travail ne se limite pas à une réflexion d’en haut de la direction de l’Ugict-CGT, l’enjeu est de construire avec nos organisations et les ICTAM, pour l’ancrer aux problématiques territoriales et professionnelles et partir des aspirations des ICTAM.

1.13. 

1. Faire de la révolution numérique un levier de progrès social et environnemental

1.14.  Plus rapide que les précédentes, la révolution numérique n’en est qu’à ses débuts. Refusant le déterminisme technologique, l’Ugict-CGT a fait de cette question une priorité, convaincue que le sens et le contenu des transformations dépendra du rapport de forces. Producteurs et utilisateurs des technologies, l’enjeu est de donner aux ingés, cadres, techs et agents de maîtrise les moyens de peser sur leur contenu. Pour schématiser, deux grandes transformations sont à l’œuvre :

  • 1.15. – Le développement de l’intelligence artificielle et les nouvelles possibilités de robotisation, notamment dans le secteur des services et sur l’emploi intermédiaire et qualifié
  • 1.16.  – Le développement de l’économie des données, reposant sur un faible nombre de salarié-e-s et une masse d’utilisateurs, peu d’investissements, de production et d’immobilisations matérielles. Plutôt que de parler d’économie collaborative, terme valise utilisé pour parler d’Uber comme des AMAP (associations permettant le lien direct producteur agricole/consommateur), nous préférons distinguer entre
    1.17.  le capitalisme de plateforme, accaparé par les géants du numérique ; GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et autres NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, et Uber), transforme les données des utilisateurs en de nouvelles richesses, ouvrant une nouvelle ère du capitalisme.
    1.18.  Le coopérativisme de plateforme, ou économie du partage, avec une finalité affichée de progrès social et environnemental, permettant de créer ensemble des biens collectifs ou de les donner et échanger sans but lucratif.

1.19.  Le numérique impacte l’ensemble des sujets revendicatifs tout comme la vie syndicale, il est donc traité tout au long du document d’orientation. D’un point de vue macro-économique, il nous faut notamment porter les questions suivantes :

  • 1.20.  – gagner un débat public sur ce qui doit être automatisé ou pas
  • 1.21.  – Gagner l’évaluation des gains de productivité pour les placer au service du progrès social et environnemental et notamment de l’emploi en réduisant le temps de travail
  • 1.22. – Analyser les conséquences de la captation de la valeur induite par l’économie des données. Les GAFAM créent leurs richesses, sans structure industrielle ni salarié.es en captant les valeurs produites par d’autres et bousculent ainsi profondément les équilibres
  • 1.23. – Préserver notre droit du travail et notre modèle de protection sociale, qui doivent l’un et l’autre être garantis et créer de nouveaux droits pour l’ensemble du monde du travail
  • 1.24.  – Réformer la fiscalité avec une taxation de la valeur sur son lieu de création, et la taxation de l’utilisation à des fins lucratives des données publiques ou collaboratives
  • 1.25.  – Développer les services publics pour empêcher la fracture numérique : maintenir des lieux d’accueil physiques et téléphoniques et permettre à l’ensemble des territoires d’avoir accès au haut débit, voire au très haut débit avec les nouveaux usages.
  • 1.26.  – Protéger les libertés, avec le contrôle et l’encadrement strict de la collecte et de l’utilisation des données personnelles face aux multinationales et aux dérives autoritaires des États
  • 1.27.  – Développer des outils nationaux et européens pour préserver notre sûreté nationale et nos enjeux stratégiques et industriels face à l’hégémonie nord-américaine
  • 1.28. – Protéger l’économie du partage qui doit être, à l’image de l’Économie Sociale et Solidaire, définie de manière précise et contraignante, et doit avoir accès à des financements alternatifs aux fonds spéculatifs tels que le financement public ou participatif non lucratif
  • 1.29. – Soutenir et protéger les « communs », notamment en matière d’accès à la connaissance, garantissant le partage de l’usage d’une ressource et une gestion commune, comme Wikipedia ou les logiciels libres. Limiter les droits de propriété des éditeurs de revues scientifiques pour permettre aux auteurs de diffuser leurs recherches est un exemple de levier pour créer des communs de la connaissance

1.30.  La campagne initiée par l’Ugict-CGT à l’automne 2017 « Construire le numérique autrement » doit nous permettre, au plus près des ICTAM, de porter des revendications permettant de peser concrètement sur le sens et le contenu de la révolution numérique. Elle doit être déclinée, complétée et adaptée à chaque territoire et profession.

1.31. 

2. Libérer l’entreprise de l’étau de la finance

1.32.  Les années 80 ont vu le capitalisme financier supplanter le capitalisme industriel et notre pays s’enfoncer dans une financiarisation sans fin. Le Wall Street management soumet l’organisation du travail, les rapports hiérarchiques et les orientations stratégiques à la prédation financière. En filialisant, sous-traitant et externalisant comme en multipliant les statuts des travailleurs et travailleuses, il fait exploser la communauté de travail. En modifiant les frontières spatio-temporelles, le numérique décuple ces logiques.

1.33.  Il n’y a pas de définition légale de l’entreprise. Le droit commercial ne connaît que la société de capitaux, dont l’objet social est de maximiser la rentabilité du capital investi et le droit du travail limite la responsabilité envers les salarié-e-s à l’employeur en titre. Cette carence juridique déséquilibre le système de pouvoir au sein de l’entreprise.

1.34. Elle permet d’assimiler les dirigeant-e-s à de simples mandataires des actionnaires et de les intéresser au rendement du capital par un système de rémunération avec des stock-options, des actions gratuites, etc.

1.35. Nous refusons l’identification de l’entreprise à la société de capitaux et nous portons une nouvelle définition juridique de l’entreprise, comme collectif humain créateur de richesses, et un nouveau statut du chef d’entreprise, distinct du simple mandataire désigné-e par les actionnaires. Il s’agit de renforcer le rôle des salarié.es par de nouveaux droits et pouvoirs qui leur permettent de maîtriser les choix et les critères de gestion et de décider des orientations stratégiques. Il s’agit aussi de restaurer le rôle contributif de l’encadrement, de façon à faire primer l’avis de celles et ceux qui défendent les intérêts de l’entreprise à moyen et long termes.

1.36.  Limitée à un devoir de loyauté aux directives financières, la responsabilité professionnelle doit être réhabilitée et adossée à l’intérêt général, avec un droit de refus, d’alerte et de proposition alternative pour faire primer l’éthique professionnelle. Les Instances Représentatives du Personnel (IRP) doivent disposer de droits d’informations élargis et de pouvoirs supplémentaires (dont des droits de veto), pour peser sur les orientations stratégiques de l’ensemble de la chaîne de production à laquelle elles, ils sont intégré-e-s.

1.37.  Les salarié-e-s doivent être représenté-e-s dans l’ensemble des instances et notamment les conseils d’administration dans lesquels elles, ils doivent représenter au moins 50 % et être directement élu-e-s par les salarié-e-s. Dans les entreprises chargées d’un service public, les salarié-e-s doivent représenter un tiers des voix, le solde étant partagé à parts égales entre les représentant-e-s de l’État et ceux des usagers.

1.38. À travers ses « Rencontres d’Options », son « Manifeste pour définanciariser l’entreprise », comme de son interpellation des député-e-s avec « 35 propositions pour une nouvelle définition de l’entreprise et du management », l’Ugict-CGT a permis de faire émerger cette question dans le débat public. Il s’agit d’un sujet majeur pour les ICTAM, qui ne sont plus associé-e-s à la définition des orientations stratégiques des entreprises. Elles, ils attendent un syndicalisme qui restaure leur rôle contributif, et leur permette d’interroger les orientations retenues par les actionnaires, et de débattre et proposer collectivement des alternatives. Plutôt que d’arriver avec des propositions toutes faites, nous devons nous appuyer sur l’expertise et l’accès à l’information des ICTAM pour construire avec eux nos analyses et propositions sur les orientations stratégiques des entreprises. Les administrateurs salarié-e-s et élu-e-s CGT doivent faire des retours d’informations réguliers avec les salarié-e-s.

1.39.

3. Traiter les questions industrielles en lien avec les questions environnementales

1.40.  Les ICTAM sont particulièrement sensibles aux enjeux environnementaux1 . Du fait de leur place dans le processus de production et de leurs responsabilités professionnelles, ils peuvent jouer un rôle déterminant.

1.41. Faire de la question environnementale un enjeu majeur de notre syndicalisme, c’est refuser de se limiter à la nécessaire évolution des comportements de consommation et interroger le mode de production des richesses, le sens et le contenu de la croissance.

1.42.  Le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources naturelles, le recul de la biodiversité longtemps niés ou minorés, sont aujourd’hui flagrants, dépassant même les prévisions les plus pessimistes. Si la prise en compte de ces questions a progressé, la déconnexion entre les enjeux sociaux et les enjeux environnementaux permet à de nombreuses multinationales de surfer sur une communication « verte » pour masquer leurs pratiques polluantes : c’est le capitalisme vert.

1.43.  Le changement climatique est intrinsèquement lié aux inégalités économiques : les 1 % les plus riches du monde ont une empreinte carbone moyenne 175 fois supérieure à celle des 10 % les plus pauvres2.

Pire, ce sont les plus pauvres qui paient l’addition du changement climatique, et les plus riches qui en récupèrent les dividendes, liés au juteux marché des énergies fossiles, à la surexploitation des ressources naturelles ou encore aux nouveaux marchés (risques naturels, climatisation…). La financiarisation de l’économie, en soumettant les orientations des entreprises aux exigences de rentabilité à court terme du capital, s’attaque dans un même mouvement au social et à l’environnement, à l’intérêt des salarié-e-s comme à ceux de l’ensemble des citoyen-ne-s.

1.44.  Si le changement climatique représente de graves menaces, il peut aussi nous servir de levier pour démontrer les impasses du capitalisme et imposer un autre modèle de développement. En nous appuyant sur notre conception du développement humain durable, il nous faut donner du contenu au slogan « Changer le système, pas le climat », lancé par la coalition mondiale constituée à l’occasion de la COP21 (et dont étaient membres la CGT et la Confédération Syndicale Internationale), et faire vivre son exigence de justice climatique.

1.45.  En nous appuyant sur les aspirations de nos catégories, il nous faut agir sur :

1.46.  – De nouveaux droits pour l’encadrement et les IRP sur les questions environnementales

1.47.  Des moteurs truqués, aux conditions de travail scandaleuses dans les abattoirs, en passant par l’utilisation de matières toxiques, voire interdites dans des produits de consommation, l’éthique professionnelle des salarié-e-s est souvent mise à mal. Les problématiques environnementales souffrent aujourd’hui d’être l’ « acteur manquant ». Pour garantir leur prise en compte, les IRP doivent être consolidées et voir leurs prérogatives et moyens d’actions élargis pour pouvoir intervenir pleinement sur les questions environnementales.

1.48.  Pour pouvoir intégrer ces enjeux au quotidien dans leur travail, la formation initiale et continue des ICTAM, notamment celle des ingénieur-e-s, doit intégrer pleinement les questions environnementales. Avec le droit d’alerte et de propositions alternatives, la responsabilité professionnelle doit se traduire par une responsabilité sociale et environnementale. Dans cet esprit, les ingénieur-e-s doivent disposer d’un droit d’alerte technologique. La loi « devoir de vigilance » qui responsabilise les donneurs d’ordres sur les normes sociales et environnementales des sous-traitants est un levier à utiliser.

1.49. – La relocalisation de la production

1.50.  Les délocalisations transfèrent la pollution vers les pays émergents et permettent avec une production low cost de s’exonérer des normes environnementales. Le transport lié au commerce international génère 33 % des émissions de gaz à effet de serre3 et est en forte croissance : + 75 % en 2013 par rapport à 1990, et potentiellement +290 % à l’horizon 20504. Pourtant, elles sont absentes de l’accord de Paris et ne sont pas comptabilisées dans les émissions de gaz à effet de serre des États.

1.51.  Le développement de circuits courts est une priorité environnementale et sociale, qui nécessite notamment de faire payer le juste coût du transport de marchandise en intégrant l’ensemble des coûts qui lui sont imputables (notamment d’infrastructure et de pollution) et une modulation des droits de douanes en fonction des normes environnementales et sociales du pays de production pour empêcher les pratiques de dumping.

1.52.  – L’économie circulaire pour révolutionner les modes de production et de consommation.

1.53.  Le modèle des pays développés consistant à épuiser les ressources d’un côté et accumuler les déchets de l’autre est suicidaire. La consommation de l’humanité dépasse chaque année de 70 % les ressources naturelles disponibles, tirée par les pays développés (la consommation des Français représente 300 % des ressources disponibles, des Américains de 500 %…)5.

1.54.  L’enjeu est de passer d’une économie linéaire à une économie circulaire, en modifiant :

  • 1.55.  la production, avec une écoconception des produits (visant à valoriser leur durabilité, limiter les déchets qu’ils produisent et leur consommation d’énergie), l’économie de la fonctionnalité (privilégier l’usage ou le service sur la possession) et un approvisionnement durable
  • 1.56.  La consommation, en développant les pratiques de réparation et en allongeant la durée d’usage
  • 1.57.  Le recyclage des déchets

1.58.  L’économie circulaire est un moyen de dépasser le productivisme et le consumérisme, de passer de la vente d’objets neufs à la fourniture de prestations de qualité. L’enjeu est de sortir de l’obsolescence programmée des objets. L’objectif est de rendre le système productif compatible avec la biosphère tout en satisfaisant les besoins d’une population de plus en plus nombreuse. L’économie circulaire intègre toutes les activités productives, y compris les activités agricoles (agroécologie…). L’économie circulaire, en centrant sur l’usage plus que sur la propriété permet de dépasser la division industrie/service. Le numérique et l’économie des données sont un levier pour passer de la vente d’un produit à la vente d’un service. Là où le capital fractionne ces activités pour permettre la captation de la valeur par les géants du numérique, nous défendons une vision intégrée pour garantir une juste distribution de la valeur créée.

1.59.  Nos interventions sur les orientations stratégiques, comme dans les projets industriels que nous portons, doivent s’intégrer dans cet objectif d’économie circulaire. Pour empêcher les effets de communication, l’économie circulaire doit faire l’objet d’une définition claire et de politiques incitatives des pouvoirs publics, notamment en termes de financement des projets industriels et d’accès aux marchés publics.

1.60.  – Diversifier le mix énergétique

1.61.  Pour cela, il s’agit notamment de :

  • 1.62.  maîtriser la consommation d’énergie, notamment fossile, en modifiant les modes de production et d’organisation, l’habitat (grand plan d’isolation thermique, limitation de l’étalement urbain…) et les transports (développement du ferroviaire, du fluvial…). Ce scénario doit être articulé à la nécessité de faire décroître les inégalités sociales et de réindustrialiser le pays
  • 1.63.  Augmenter considérablement les énergies renouvelables dans le mix énergétique. Il s’agit d’organiser ces secteurs en filières industrielles capables de créer des emplois qualifiés sur le territoire et non en niches spéculatives
  • 1.64.  Travailler à la constitution d’un pôle public de l’énergie intégrant l’ensemble de la filière
  • 1.65. Renforcer considérablement les moyens dévolus à la recherche sur les énergies non productrices de gaz à effet de serre.

1.66. – Développer les services publics et les infrastructures

1.67. Le marché et les logiques de concurrence ont déjà fait la preuve de leur incapacité à répondre aux enjeux environnementaux et sociaux. Pour y répondre, une impulsion stratégique de long terme par la puissance publique est indispensable, adossée à un plan d’investissement public. Il s’agit notamment de développer les infrastructures publiques :

1.68.  au service d’un maillage de proximité du territoire, avec notamment une offre de transports publics à haute qualité environnementale (exemple : le ferroviaire)

1.69.  À l’opposé des partenariats publics-privés, qui placent les collectivités sous la dépendance des multinationales, il nous faut regagner la gestion publique de nombreux secteurs, et notamment la remunicipalisation de l’eau et de la gestion des déchets.

1.70.  – Pour un nouveau modèle de croissance fondé sur le développement humain et écologique

1.71.  C’est la notion même de Produit intérieur brut (PIB), de richesse et donc de croissance qu’il faut redéfinir. Quel est le sens du PIB aujourd’hui, en partie artificiel du fait de l’intégration de bulles spéculatives indépendamment des richesses réellement créées ? Quel est le sens d’une mesure qui n’intègre pas les richesses immatérielles liées par exemple au bien-être, à l’accès au savoir, à la culture, à la santé…? Quel est le sens de politiques publiques qui placent comme mantra « le retour de la croissance » alors que nous savons désormais qu’elle ne se traduit naturellement ni par des créations d’emplois de qualité, ni par la réduction des inégalités, ni par la satisfaction des besoins…

1.72. De nombreuses critiques économiques et sociales ont été formulées sur les insuffisances du PIB, et de nombreux indices alternatifs ont été élaborés, comme l’Indice de développement humain (IDH) construit par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Notre engagement dans le mouvement syndical international doit nous permettre de renforcer ces travaux de manière à disposer d’indicateurs complémentaires. Le fait de redéfinir ce qu’est la richesse et ce qu’est la croissance est un levier pour donner du sens à notre travail et permettre aux ICTAM d’inscrire leur activité quotidienne dans une dynamique de progrès pour satisfaire les besoins.

1.73.

4. Répondre à l’internationalisation du travail des ICTAM par celle des luttes

1.74. Au cœur des stratégies internationales, les ICTAM aspirent à pouvoir exercer leur responsabilité sociale à l’échelle internationale en adossant leur professionnalisme à l’intérêt général.

1.75.  L’augmentation de la mobilité des ICTAM, comme de la diffusion de l’information, renforce les convergences à l’échelle internationale et peut être un levier pour faire émerger une forme de citoyenneté mondiale et de responsabilité sociale internationale des cadres. Pour être crédible auprès des ICTAM, nous devons démontrer que nous avons une compréhension et une stratégie à l’échelle internationale. Loin d’être une activité institutionnelle, nous avons besoin, pour peser sur les lieux de décision et les orientations stratégiques des entreprises de mettre l’international au cœur de notre activité syndicale quotidienne.

1.76.  La mondialisation des échanges et la globalisation du capital permettent la mise en place de stratégies internationales de dumping social, environnemental et fiscal, mettant à bas les systèmes de redistribution des richesses et de protection sociale construits après-guerre. Toujours davantage détenu par les multinationales, les agences de notations et structures financières, le pouvoir échappe aux salarié-e-s et aux citoyens-ne-s.

1.77.  50 % du capital des entreprises du CAC 40 (et 43 % du capital des entreprises françaises cotées, contre 25 % en 1995) sont détenus par des investisseurs étrangers. Une internationalisation du capital à la mesure de l’expansion de leur activité à l’étranger, puisque les entreprises du CAC 40 réalisent environ 70 % de leur chiffre d’affaires et comptent à peu près autant de ses salarié-e-s hors de France.

1.78.  Les ICTAM sont directement concerné-e-s par cette internationalisation :

  • 1.79. – par une mobilité internationale de leurs emplois de plus en plus importante, le pillage des  cerveaux formés dans les pays émergents constituant un levier de compétitivité pour les pays développés, de plus les délocalisations touchent souvent les emplois d’ICTAM
  • 1.80.  – Par un travail internationalisé : lien avec des sous-traitants dans d’autres pays, travail dans des multinationales, négociation de marchés à l’étranger,… avec mobilité, pratique de l’anglais, travail en horaires décalés pour échanger avec leurs interlocuteurs.
  • 1.81.  – Par la mise en concurrence des normes sociales entre différents pays pour exiger plus d’aides ou exonérations de cotisations sociales pour  baisser le prix du travail.

1.82. Nous proposons

  • 1.83.  Notre implication dans Eurocadres doit permettre de mener des batailles syndicales européennes communes, comme nous l’avons fait en étant à l’initiative d’une grande coalition contre la directive Secret des affaires. Nous proposerons de mener des campagnes revendicatives européennes, notamment pour gagner un statut européen des lanceurs d’alerte, la réduction du temps de travail ou encore la reconnaissance des qualifications et la mobilité européenne des cadres.
  • 1.84.  – Le droit d’alerte, de refus et de propositions alternatives que nous revendiquons doit permettre aux ICTAM d’exercer leur responsabilité sociale dans le cadre de leur activité internationale (gestion de la sous-traitance, négociation de marchés…).

1.85.  La récente loi sur la responsabilité des multinationales, et la loi Sapin 2 sur les lanceurs d’alerte, arrachées par les ONG et la CGT, offrent de premiers points d’appuis pour responsabiliser les donneurs d’ordres et reconstituer les chaînes de production.

1.86.  Elle doit maintenant se traduire par des droits et moyens d’interventions nouveaux pour les ICTAM et les IRP. L’Ugict-CGT mettra à disposition un guide de la responsabilité sociale pour accompagner les ICTAM et les syndicats dans l’utilisation de ces outils.

  • 1.87.  – Il nous faut gagner la généralisation des comités de groupe Europe et Monde pour permettre aux IRP de peser sur les orientations stratégiques des entreprises et les lieux de décision et construire des stratégies syndicales communes à tous les pays d’implantation et bénéficier de véritables moyens d’intervention.
  • 1.88. – Gagner des normes sociales contraignantes internationales pour les ICTAM, comme sur la reconnaissance de la qualification ou l’éthique professionnelle par exemple.

1.89.

5. Services publics, enseignement supérieur et recherche : des investissements indispensables pour notre avenir

1.90.  Les services publics et la fonction publique sont fragilisés par les politiques d’austérité et managériales fondées sur des critères gestionnaires court-termistes qui relèguent au second plan les missions de service public. La réforme des collectivités territoriales, comme celle des hôpitaux éloignent les services publics des populations et placent nos catégories en première ligne pour appliquer des politiques qu’ils ne partagent pas.

1.91.  Pourtant, la qualité de notre service public, nos infrastructures, l’implication et le professionnalisme des agent-e-s garantissent l’État de droit, le vivre ensemble et l’égalité des droits. Il s’agit également d’un levier déterminant pour l’égalité entre les femmes et les hommes (prise en charge de la petite enfance et des personnes âgées…). Cela passe par :

  • 1.92. – Un investissement public répondant aux besoins des populations, notamment aux nouveaux enjeux auxquels nous sommes confrontés, comme le réchauffement climatique, la révolution numérique, l’égalité femmes/hommes, la montée des inégalités sociales et territoriales, les migrations ou le vieillissement de la population.
  • 1.93.  Plutôt que de supprimer des services de proximité, le numérique nécessite davantage de services publics, pour garantir à chacun-e le même accès, et créer de nouveaux services pour développer le lien social avec davantage de proximité et d’implication des usagers.
  • 1.94.  – Une politique territoriale garantissant la proximité et l’égalité d’accès aux services publics
  • 1.95.  – Protéger les besoins fondamentaux de la marchandisation
  • 1.96.  – Le renforcement de la place et du rôle de l’encadrement, souvent entravé dans l’exercice de ses responsabilités par des politiques managériales méconnaissant les métiers, missions et la réalité du travail.

1.97.  L’état de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) est préoccupant pour l’avenir de notre pays. Ces secteurs sont paupérisés par un sous-financement chronique qui va perdurer, voire s’aggraver, sous l’égide du gouvernement actuel. Premier pays de l’OCDE pour ce qui est du niveau des aides fiscales et publiques apportées à la Recherche & Développement (R&D) des entreprises (le Crédit impôt recherche (CIR), à lui seul, représente près du tiers du budget public consacré à la recherche), la France se caractérise pourtant par un niveau particulièrement faible en termes de dépenses R&D privées, signe que les aides sont détournées de leur objectif et alimentent les dividendes et la financiarisation des entreprises. La multiplication des surstructures de management et des financements par appels à projets, instaurées ces dernières années, génère une opacité qui détruit la cohérence nationale du secteur.

 

1.98.  La sous-dotation en postes de titulaires et la recrudescence des contrats sur projets font exploser la précarité et orientent de plus en plus les recherches vers le court terme. Le tissu de la recherche amont nécessaire à l’avancée du front des connaissances et à l’irruption de découvertes généralement inattendues, s’en trouve peu à peu détruit. Par ailleurs, dans le secteur privé, l’exigence de rentabilité conduit à une focalisation des recherches avec retours sur investissements immédiats. Tout cela entraine une vraie perte de sens quant au contenu des métiers dans la recherche.

1.99.  Quant à l’enseignement supérieur, le sous-financement des universités est le premier responsable de l’échec massif des étudiant-e-s en première année. Pire, alors que les universités sont asphyxiées par l’augmentation démographique du nombre d’étudiant-e-s, au lieu de débloquer les moyens nécessaires, le gouvernement remet en cause, par la sélection, la possibilité pour toutes et tous de faire des études supérieures ou de choisir leur filière.

1.100.  Veiller à ce que la recherche puisse permettre de développer les capacités de production et d’innovation profitables à la collectivité en créant les conditions d’une diffusion la plus large possible, tout en garantissant aux citoyens une véritable information sur les choix qui affecteront demain la société dans laquelle ils vivent, est une préoccupation majeure de la CGT. Pour cela, les pouvoirs publics doivent se donner les moyens pour un haut niveau de recherche publique à large spectre, allant du fondamental à l’appliqué et contraindre le monde économique à investir dans la recherche, et notamment dans la recherche à moyen-long termes.

1.101.  La CGT est également attachée à ce qu’une société irriguée par l’accès égal au savoir, capable de faire de ses travailleurs, de ses citoyens, les acteurs du monde de demain émancipés et épanouis, soit dans les objectifs de l’enseignement supérieur.

Nous souscrivons donc à la nécessité d’élever le niveau général de qualification pour accompagner l’évolution de la société, qu’elle soit sociale, culturelle ou économique et cela tout au long de la vie et nous nous opposons à la sélection à l’université.

1.102.  L’Ugict-CGT portera ces orientations dans le cadre du collectif « Recherche » qu’elle anime au plan confédéral, au Cneser, dans les IUT et à la Commission des titres d’ingénieur (CTI) où elle représente la CGT. Elle portera les priorités suivantes :

  • 1.103.  – un plan d’investissement pour atteindre les 3 % du PIB dans la recherche et les 2 % dans l’enseignement supérieur (aujourd’hui la France plafonne aux environs de 2,25 % pour ce qui est de la recherche et 1.5 % en ce qui concerne l’enseignement supérieur).

  • 1.104.  – La mise en place d’une obligation de financement mutualisé de la recherche par l’ensemble des entreprises à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires
  • 1.105.  – La suppression du Crédit impôt recherche dans sa forme actuelle et son remplacement par des aides directes dont l’attribution se ferait sous contrôle et sous conditions
  • 1.106.  – La transformation des pôles de compétitivité en pôles de coopération et de développement R&D pour permettre notamment aux PME-PMI-ETI, qui disposent de peu de moyens à consacrer à la recherche moyen-long termes d’y accéder plus facilement en s’adossant aux organismes publics de recherche et d’enseignement supérieur
  • 1.107.  – La reconnaissance du doctorat et des diplômes de l’enseignement supérieur dans les conventions collectives et la fonction publique
  • 1.108.  – Un plan de titularisation pour résorber la précarité accompagné d’un plan de recrutement massif, d’une revalorisation des salaires et des carrières.

1.109.  Durant le mandat, nous proposons de construire une campagne

  • 1.110. – pour une utilisation différente des aides publiques aux entreprises ; en dénonçant notamment le détournement du Crédit impôt recherche dans chaque entreprise, grâce aux informations dont disposent les IRP et les ingénieur-e-s et chercheur-se-s
  • 1.111.  – Pour gagner la reconnaissance du doctorat et des diplômes de l’enseignement supérieur dans les conventions collectives et un niveau important d’embauche des jeunes diplômé-e-s formé-e-s par et pour la recherche
  • 1.112.  – Pour contraindre la sphère publique et privée à investir beaucoup plus dans la recherche et notamment dans la recherche moyen-long termes.

 

Texte mis en ligne le : 19 janvier 2018
Version mise à jour le : 30 mars 2018

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