Appli syndicoop
d'amendements
et commentaires

 Menu
18ème congrès Ugict-CGT

Partie 2 – Des droits et garanties interprofessionnels pour les ICTAM

2.3. 

1. Dans le privé : du statut cadre au statut de l’encadrement

2.4.  La Convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, portant création du régime de retraite complémentaire AGIRC, est à l’origine du statut cadre dans le secteur privé. On doit à la CGT (à partir de l’apport de militants cadres, notamment de la chimie) et à Ambroise Croizat, simultanément Secrétaire général de la Fédération CGT de la métallurgie et ministre de la Sécurité sociale, la mise en place de cette convention liée à l’existence d’un plafonnement des prestations de retraite délivrées par la Sécurité sociale. Son principal objectif était de couvrir sans exception tous les salariés, cadres compris, sur la totalité de leur salaire par un dispositif de retraite en répartition : l’AGIRC, pour la partie de salaire supérieure au plafond de la Sécurité sociale, et la Sécurité sociale elle-même pour la partie de salaire inférieure à ce plafond.

2.5.  Le champ d’application de cette convention a permis de définir le périmètre de l’encadrement, englobant d’emblée non seulement les « cadres encadrants » mais aussi les personnels experts : ingénieur-e-s et technicien-ne-s supérieur-e-s.

2.6.  L’affiliation à l’AGIRC était et reste fondée sur la reconnaissance de la qualification initiale ou acquise en cours de carrière, la nature des responsabilités exercées et l’autonomie dans l’exercice de ces responsabilités.

2.7.  L’Accord national interprofessionnel (ANI) du 25 avril 1983 « relatif au personnel d’encadrement », toujours en vigueur bien qu’oublié, a le mérite de donner une définition de l’encadrement comme « constitué, d’une part, par les ingénieurs et cadres, d’autre part, par les salariés, tels que les agents de maîtrise, les techniciens et les VRP, dont la compétence, la qualification et les responsabilités le justifient selon des critères déterminés au sein de chaque branche professionnelle. »

2.8.  Le corpus réglementaire attaché au statut cadre n’a eu de cesse de s’étoffer au fil des décennies, droits et obligations venant s’inscrire pour l’essentiel dans le Code de la Sécurité sociale et dans le Code du travail : dispositions spécifiques en matière de prévoyance, section encadrement des prud’hommes, Agence pour l’Emploi des Cadres (APEC), etc.

2.9.  Parallèlement, ce statut a permis de préserver largement les non-cadres de certaines dispositions atypiques du droit du travail : individualisation du temps de travail avec les conventions annuelles de forfaits en heures, puis en jours, clause de mobilité, de non-concurrence, de confidentialité, délégations de pouvoir et individualisation de la rémunération. Il a également joué le rôle d’ascenseur social, en structurant les classifications professionnelles et en offrant une perspective de carrière pour des employés et des ouvriers passant successivement techniciens, agents de maîtrise, puis cadres.

2.10.  Le Medef depuis une vingtaine d’années a décidé d’en finir avec le statut « cadre ». En ligne de mire son périmètre qui serait, au regard des comparaisons internationales beaucoup trop étendu. Il veut le restreindre aux seuls cadres exerçant des fonctions d’encadrement, voire au cercle étroit des cadres dirigeant-e-s. Cette remise en cause concerne également l’ensemble des garanties composant le statut, en tout premier lieu l’obligation de reconnaître et rémunérer la qualification, mais aussi toutes les restrictions limitant le recours aux clauses contractuelles atypiques, les avenants cadres aux conventions collectives, les grilles de classification, etc.

2.11.  Avec l’accord du 30 octobre 2015, signé par toutes les organisations syndicales, à l’exception de la CGT et de FO, le patronat a franchi un cap décisif sur la voie du démantèlement du statut cadre, ce qui crée une menace majeure pour le devenir du statut des catégories A de la fonction publique. L’accord prévoit la disparition des régimes de retraite ARRCO et AGIRC au 1er janvier 2019 (cf. fiche 5). Or dans le secteur privé, l’AGIRC est le seul organisme à opérer une reconnaissance interprofessionnelle et opposable aux employeurs du statut cadre, dont elle garantit ainsi l’homogénéité nationale, préservant les professions et les territoires de toute forme de dumping.

2.12.  Ce faisant, les employeurs se trouvent de fait dispensés de reconnaître et rémunérer la qualification, les responsabilités et l’autonomie dans l’exercice de ces responsabilités. Le patronat détient ainsi le moyen de rémunérer les cadres comme des employé-e-s et les employé-e-s comme des précaires : le risque est celui d’un écrasement de toutes les grilles salariales.

2.13.  Compte tenu de leur rapport spécifique au travail, de leurs attentes quant au sens et à la finalité du travail, de l’impact social, économique et environnemental de leur activité, des risques spécifiques auxquels ils sont exposés (charge mentale, burn out, management coercitif…), les ICTAM ont tout au contraire besoin d’un statut renouvelé et renforcé.

2.14.  Dans le cadre du nouveau statut du travail salarié, l’Ugict-CGT revendique un nouveau statut de l’encadrement, ayant pour objectif de donner aux ICTAM les moyens d’exercer leur rôle contributif et leurs responsabilités sociales, environnementales et économiques dans le respect de l’éthique professionnelle. Il s’agit de doter les salarié-e-s qualifié-e-s à responsabilité de droits individuels garantis collectivement. Ce statut est un levier pour définanciariser l’entreprise.

2.15.  Ce statut reste fondé sur trois critères fondamentaux : la qualification initiale et/ou acquise au fil de l’expérience, les responsabilités exercées et l’autonomie dans l’exercice de ces responsabilités. Son champ d’application est constitué par les technicien-ne-s, les personnels dédiés à l’encadrement de proximité, les personnels experts non encadrants, les cadres supérieur-e-s et dirigeant-e-s.

2.16.  Ce statut est pensé pour éviter tout nivellement par le bas des conditions d’emploi des salarié-e-s, en particulier à l’occasion des fusions de branches, tout en prenant en compte les aspirations de l’encadrement à recourir à des mobilités professionnelles ou géographiques choisies pour opérer leur développement de carrière. Il vise un socle commun de garanties transverses, homogène au plan national, qui aura notamment pour effet de protéger les secteurs professionnels d’une pénurie de main-d’œuvre par défaut d’attractivité vis-à-vis des salarié-e-s qualifié-e-s. Il est la condition d’un développement équilibré du tissu productif et industriel national. Il favorise la fidélisation des jeunes diplômés et évite leur fuite à l’étranger.

2.17. Pour l’application du statut, l’Ugict-CGT revendique que l’APEC opère tous les contrôles d’affiliation nécessaires, pour s’assurer du respect du champ d’application de ce statut tout en veillant au bon recouvrement des cotisations de l’APEC et du 1,5 % prévoyance (cf. ci-dessus).

2.18. Un statut adossé à des droits et rouvrant l’ascenseur social

2.19. Le statut cadre lié à l’AGIRC garantissait une reconnaissance interprofessionnelle et une protection sociale. Cependant, il ne s’accompagnait pas systématiquement des droits permettant aux salarié-e-s qualifié-e-s d’exercer pleinement leurs responsabilités professionnelles. Nous proposons qu’au sein du nouveau statut du travail salarié, le statut de l’encadrement soit adossé à des droits individuels garantis collectivement autour de quatre aspects :

  • 2.20.  1. la reconnaissance salariale de la qualification, la garantie d’un déroulement de carrière et un droit à la mobilité
  • 2.21.  2. Un management alternatif pour assurer l’exercice du professionnalisme contre le Wall Street management
  • 2.22. 3. Une réduction du temps et de la charge de travail
  • 2.23. 4. Une protection sociale garantissant la solidarité face à l’ubérisation.

2.24.  Nous voulons gagner un nouvel Accord national interprofessionnel définissant le périmètre de l’encadrement, un outil d’affiliation interprofessionnel pour empêcher l’arbitraire patronal dans le choix de ce qui relève ou non du statut, et un ensemble de droits associés à la responsabilité professionnelle. Ces dispositions devront ensuite être déclinées, complétées et précisées dans les accords de branche, sans dérogation possible par les entreprises.

2.25. 

2- Gagner la reconnaissance des qualifications

2.26.  Faire de la reconnaissance des qualifications un pilier du nouveau statut de l’encadrement que nous revendiquons est une nécessité pour combattre la dévalorisation du travail notamment qualifié.

2.27.  L’Ugict-CGT décide d’en faire une priorité pour trois raisons :

  • 2.28.  – augmenter les salaires et stopper l’individualisation. Le regroupement des branches et des conventions collectives va entraîner une renégociation de nombreuses classifications. Avec la disparition de l’AGIRC, ceci va être instrumentalisé par le patronat pour supprimer la reconnaissance des qualifications, et renvoyer à l’entreprise la définition du statut cadre et des classifications. La possibilité par accord d’entreprise de remettre en cause les dispositions conventionnelles sur les primes (13ème mois, ancienneté, départ en retraite, licenciement), va tirer les salaires vers le bas et accentuer le dumping, notamment dans les petites entreprises. À l’inverse, nous nous battons pour que cette renégociation des classifications se traduise par une reconnaissance des qualifications et un renforcement du statut de l’encadrement dans les branches et au niveau interprofessionnel. Dans la fonction publique, l’austérité salariale conduit à une négation des qualifications
  • 2.29.  – Ouvrir des perspectives aux jeunes. Les jeunes n’ont jamais été aussi diplômé-e-s, pourtant, du fait du chômage et de la précarité, leurs qualifications sont niées. Cette situation n’est pas temporaire et conditionne ensuite l’ensemble de leur carrière salariale. Sans reconnaissance ni paiement des qualifications, c’est un déclassement massif des jeunes diplômé-e-s qui est à l’œuvre. L’élévation du niveau de qualification est financée par la collectivité. En niant la rémunération des qualifications, le capital s’accapare les gains de productivité qu’elles génèrent.
  • 2.30. – Gagner l’égalité salariale femmes/hommes. Les inégalités de salaires chez les femmes ICTAM sont liées à la non-reconnaissance des qualifications dans les métiers à prédominance féminine, aux inégalités cumulées sur les carrières et au plafond de verre, et à la part variable de la rémunération. La campagne « Vie de mère » de l’Ugict-CGT a permis de démontrer combien il était compliqué de lier maternité et carrière professionnelle.

2.31.  La dévalorisation du travail qualifié en chiffres :

 

2.32.  Le patronat à l’offensive pour déqualifier le travail et baisser les salaires

2.33. Pour baisser le paiement du travail qualifié, le patronat utilise deux leviers, qui conduisent à la captation d’une part croissante de la plus-value pour la rémunération du capital :

2.34. – l’individualisation de la rémunération et la logique compétence. Les structures de rémunération font une part de plus en plus importante à la rémunération aléatoire – prime d’objectifs, prime de résultats, prime de performance, intéressement… – ce qui permet la mise en concurrence des salarié-e-s. Pour y arriver, le patronat a développé la culture de l’évaluation des compétences au détriment de la reconnaissance des qualifications et casse les diplômes nationaux. Ainsi, la rémunération du travail devient de plus en plus arbitraire, opaque et incertaine.

2.35. La logique « compétences » mise en œuvre s’oppose frontalement à la reconnaissance des qualifications. La compétence, ne s’évalue qu’à l’aune des résultats, au regard des seuls savoirs du salarié-e mobilisé-e dans l’acte de travail. La logique compétence ne paie donc que pour ce que l’on fait d’une partie de notre qualification, elle s’appuie sur l’évaluation individuelle et la rémunération au résultat. Cette individualisation de la rémunération permet l’arbitraire patronal. Elle est le premier facteur explicatif de l’écart de salaire entre les femmes et les hommes cadres, et génère de multiples discriminations (sexiste, raciste, syndicale…)

2.36.  Nous défendons la qualification. La notion de qualification doit être entendue au sens large : loin de se réduire au savoir technique mis en œuvre dans le travail, elle ne se sépare pas de la question du statut et des conditions sociales du travail négociées dans les conventions collectives et les classifications. La qualification d’un salarié-e, agrège les savoirs  acquis  au fil de sa vie, par sa formation initiale, ses formations continues, ses expériences professionnelles, sociales et culturelles.

2.37.  La remise en cause du salaire socialisé, grevé par les exonérations de cotisations sociales.

2.38.  Nos revendications

2.39.  L’Ugict-Cgt s’engage à agir, dans le public comme dans le privé, pour une conception élargie de la qualification, sa reconnaissance et son paiement par :

  • 2.40.  l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat. Gagner  l’indexation du salaire sur la hausse des prix est une première étape
  • 2.41.  – L’augmentation du Smic pour atteindre 1 800 € pour tout travail sans qualification reconnue
  • 2.42. – La revalorisation du SMIC doit se répercuter automatiquement sur toutes les grilles de classification. Dans les négociations salariales, les mesures d’augmentation doivent s’appliquer à toutes les catégories pour empêcher le tassement

2.43.  L’Ugict-CGT revendique

  • la mise en place d’un salaire minimum interprofessionnel de qualifcation (SMIQ)
  • 2.44.  – La mise en place de grilles de classification valorisant la progression de la qualification, l’ancienneté et l’expérience professionnelle ; là où elles existent, la lutte contre le tassement des grilles
  • 2.45.  – L’arrêt du gel de la valeur du point d’indice dans la fonction publique, le rattrapage par rapport à l’inflation et la revalorisation des grilles pour les cadres A et B
  • 2.46.  – L’extension des mesures salariales générales et communes pour combattre les inégalités salariales induites par les formes individuelles de rémunération. Toute forme aléatoire de la rémunération (primes, intéressement…) doit être intégrée dans le salaire de base et soumis aux cotisations sociales. Le versement du salaire doit rester sur une base mensualisée et fixe ; les éléments variables devant rester accessoires et marginaux (indemnités ou sujétions particulières)
  • 2.47.  – L’exigence du conditionnement des aides publiques à la signature d’accords majoritaires d’augmentation des salaires et de création d’emplois dans les branches ou entreprises
  • 2.48.  – Faire progresser le salaire d’entrée de manière linéaire et en obtenir au moins le doublement au terme des vingt premières années de carrière, en reconnaissance de la qualification acquise par l’expérience professionnelle. Les ICTAM doivent par ailleurs pouvoir progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de leur carrière
  • 2.49.  – Établir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Des indicateurs de suivi précis (au niveau des branches et des entreprises) doivent être mis en œuvre pour repérer et agir sur les discriminations. Si les écarts salariaux perdurent, des dispositifs de pénalisation financière viendront sanctionner les entreprises contrevenantes. Par ailleurs, une revue nationale des classifications des métiers à prédominance féminine permettra de mieux reconnaître les qualifications
  • 2.50. – Les heures supplémentaires doivent être exceptionnelles, rémunérées et majorées au minimum de 25 %. Le salaire est le paiement de la qualification pour un temps de travail donné. Chaque heure de travail effectuée et non rémunérée baisse de fait la reconnaissance de la qualification
  • 2.51.  – Lutter contre toutes les formes de discrimination, notamment sociale, raciste, syndicale, sexiste, liées au handicap ou à l’orientation sexuelle, que ce soit à l’embauche ou au cours de la carrière en mettant en place
  • 2.52.  un indicateur obligatoire de suivi des carrières
  • 2.53.  Un registre d’embauches comparant les candidatures reçues et les recrutements effectués et une notification des droits, distribuée obligatoirement lors de tout entretien d’embauche.
  • 2.54.  – Renforcer le droit à la formation professionnelle choisie par les salarié-e-s tout au long de la vie professionnelle. Le pouvoir d’initiative et de choix du salarié-e doit primer. Les crédits alloués à la formation doivent être accrus considérablement pour permettre un temps de formation égal à 10 % du temps de travail collectif et s’accompagner d’une baisse de la charge de travail. La transition numérique en cours renforce cette nécessité car elle change rapidement les organisations et méthodes et le contenu même du travail. Il convient de garantir l’égal accès des femmes à la formation professionnelle qualifiante, notamment à toutes les formations sur les nouveaux métiers du numérique. Le plan de formation de l’entreprise doit être négocié et sa mise en œuvre contrôlée par les IRP
  • 2.55.  – Renforcer le droit à la mobilité pour les salarié-e-s en gagnant dans les conventions collectives un droit opposable au maintien de la rémunération antérieure en cas de mobilité. Par exemple, la convention collective des journalistes prévoit une prime liée à l’ancienneté de la carte de presse, indépendamment de l’employeur. Lutter contre les clauses de mobilité de plus en plus large, à l’échelle nationale, voire internationale, avec des accords d’entreprise qui s’imposent désormais au contrat de travail.

2.56. Ces dispositions pèsent particulièrement sur la vie de famille et pénalisent particulièrement les femmes, qui assument toujours l’essentiel des responsabilités liées à la cellule familiale

  • 2.57.  – Lutter contre les clauses de non-concurrence et de confidentialité qui empêchent les ICTAM d’utiliser leurs savoirs et savoir-faire. La directive Secret des affaires doit être transcrite dans le droit français dans les mois à venir, la mobilisation s’impose pour empêcher qu’elle ne se traduise par la généralisation des clauses de non-concurrence et par une remise en cause de la liberté d’expression
  • 2.58.  – Renforcer la démocratie sociale dans toutes les instances impliquées dans la reconnaissance des qualifications, qu’il s’agisse de négociations dans l’entreprise, dans la branche ou encore dans des instances territoriales (Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences [GPEC] régionales par bassins d’emplois par exemple). Les décisions prises doivent relever d’accords majoritaires.

2.59. Durant le mandat nous proposons de

  • 2.60.  – mettre en place une grande campagne pour gagner la revalorisation des métiers à prédominance féminine et la reconnaissance des qualifications, notamment les professions techniciennes et intermédiaires (métiers administratifs, sanitaire et social, éducation…)
  • 2.61. – Travailler avec les fédérations et les Ufict sur les renégociations de classification (en intégrant l’enjeu de la revalorisation des métiers à prédominance féminine). Organiser une journée d’étude et faire un suivi interprofessionnel régulier des renégociations de classifications
  • 2.62.  – Lancer une campagne avec les organisations de jeunesse (UNEF, JOC…) sur la reconnaissance de la qualification et l’insertion des jeunes diplômé-e-s, avec appel à témoignage, information sur les droits, interpellation et bataille revendicative 
  • 2.63. – Amplifier notre bataille contre les discriminations sur les carrières (sexiste, syndicale, raciste, …) en utilisant la méthode « Clerc » et les actions de groupe.

2.64. 

3 – Définanciariser le management

2.65.  Stress, burn out, dépression, accident, suicide… Premier péril pour la santé des salarié-e-s au travail, mais aussi pour l’entreprise, les exemples et témoignages de violences et de souffrances au travail sont légion. En ligne de mire, le style de management ! Un management déshumanisé, coercitif, qui met en concurrence les salariés et qui a pour objectif d’installer un sentiment d’insécurité, d’instabilité, y compris pour les salarié-e-s en CDI ou celles et ceux qui ont « la sécurité de l’emploi » (fonctionnaires et assimilés).

2.66.  Un management que nous avons qualifié de Wall Street management et qui est importé dans la fonction publique. Ce mode de management confronte les salarié-e-s (et en première ligne les ICTAM) à des injonctions paradoxales : faire plus avec moins, respecter des prescriptions/process/démarches qualité qui les empêchent de bien travailler, parler de « plan de sauvegarde de l’emploi », alors qu’il s’agit de licenciements, développer la précarité au nom du progrès et de la flexibilité, traiter l’humain comme une ressource au service du développement de l’entreprise, alors que c’est l’entreprise qui devrait être une ressource pour développer l’humain…

2.67.  Vecteurs et victimes, les ICTAM sont en première ligne des paradoxes du management prescriptif. Le pilotage par les chiffres, le benchmarking, le ranking, favorisent un zèle quantitatif et un maquillage des chiffres. Au nom de l’excellence et de la transparence, tout le monde est incité à tricher pour donner les bons chiffres, ceux qui sont attendus.

2.68.  Face à ce constat alarmant, certaines entreprises se gargarisent d’avoir mis en place des mesurettes censées faire « mieux passer la pilule », comme la mise à disposition de babyfoot, proposition de séance de massage, de méditation, numéro vert pour appeler des psys, conciergerie, menu diététique pour éviter le diabète par exemple… La DRH devient un service pour vous délester des problèmes annexes au travail de façon à maintenir ou améliorer votre productivité. Mais la recherche du bien-être au travail est une fin en soi et non un moyen.

2.69. Le management financiarisé, dénoncé par l’Ugict-CGT sous le nom de « Wall Street management » repose sur trois piliers :

  • 2.70.  – le management par les nombres, qui soumet le travail à des objectifs chiffrés, évalués en permanence à coup de « reporting »
  • 2.71. – Les outils de gestion et  pratiques managériales ont pour objectifs d’améliorer la productivité traduite exclusivement en terme de profitabilité financière. L’exigence du toujours plus, les outils d’évaluation performatifs mettent les salariés dans une tension constante. Les outils de gestion comme le Lean management, l’avancement au « mérite », l’évaluation individualisée des performances déshumanisent la valeur travail. Dans ce contexte, c’est le sens du travail bien fait qui se perd pour valoriser uniquement les critères financiers court-termistes. Le management par les procédures, avec l’extension des méthodes de standardisation à l’œuvre sur le travail manuel, au travail relationnel et intellectuel qui est taylorisé
    2.72.  Ces procédures, ordonnées par des experts, consultants de grands cabinets internationaux sont construites indépendamment du sens et du contenu du travail. Cela oblige les salarié-e-s à s’en tenir strictement aux outils et dispositifs et à renoncer à défendre leur point de vue de professionnel-le-s et de citoyen-ne-s. Les directions développent une stratégie du changement perpétuel : restructurations, mobilités, recomposition des métiers, changement des logiciels, des outils de travail, déménagements successifs, « pour sortir les salarié-e-s de leur zone de confort » afin qu’ils se raccrochent aux méthodologies et protocoles comme à des bouées de sauvetage pour conserver leur poste ou avoir un avenir. Ainsi, les salarié-e-s perdent leurs repères, leurs savoirs et expériences sont rendus obsolètes, et ils se retrouvent en situation d’apprentissage permanent par cette stratégie du choc permanent
  • 2.73.  – Le management par l’enrôlement, avec une remise en cause de la liberté d’expression au profit d’une identité « Corporate », les ICTAM étant sommé-e-s d’abandonner leurs libertés à l’entrée de l’entreprise et d’être les porte-paroles et représentant-e-s de leur entreprise, y compris sur les réseaux sociaux.

2.74.  Pour l’Ugict-CGT, il nous faut mettre en place de nouveaux modèles vertueux qui respectent les femmes et les hommes salarié-e-s des entreprises/administrations et qui assurent leur épanouissement au travail et de ce fait le bon fonctionnement de l’entreprise.

2.75.  Alors, un management alternatif est-il possible ?

2.76.  La Constitution dans le préambule de 1946, en son article 8 consacre le droit pour chacun des salarié-e-s à « participer à la détermination collective des conditions de travail ». Permettre à chaque salarié d’être acteur au sein de son lieu de travail, c’est lui redonner sa place dans la société. La gestion des femmes et des hommes dans les entreprises ou les administrations doit donc respecter ce droit constitutionnel et veiller à son effectivité pour toutes et tous et quels que soient le rôle et les fonctions qu’ils tiennent dans le monde du travail.

2.77.  De même, l’employeur doit veiller à la préservation de la santé des salarié-e-s et on sait que les trois principales sources de satisfaction au travail sont le fait d’apprécier son travail, de se sentir utile et reconnu-e et d’avoir de bonnes relations entre collègues (y compris avec sa hiérarchie). Le management est donc un élément essentiel du bien-être des salariés.

2.78.  L’Ugict-CGT oppose au Wall Street management, le management alternatif. Il passe par la définanciarisation de l’entreprise et du travail et se base sur l’idée centrale qu’il faut laisser les salarié-e-s bien travailler. Qu’ils sont en possession des savoirs, savoir-faire et compétences, et donc légitimes pour faire leur travail, en parler et l’améliorer.

2.79. Des droits individuels garantis collectivement doivent être mis en place pour dessiner un management alternatif. Il s’agit de permettre aux ICTAM d’être « professionnellement engagé-e-s et socialement responsables ». Alors que la transformation numérique se met en place sur les lieux de travail, il s’agit d’un impératif pour qu’elle ne se traduise pas par des changements imposés du haut et par une taylorisation du travail intellectuel et relationnel. L’Ugict-CGT propose trois axes :

2.80.  Reconnaissance et plein exercice des qualifications :

  • 2.81.  – faire primer la technicité et le plein exercice du professionnalisme sur le « tout gestion » :
    2.82.  Les ICTAM doivent connaître les métiers des salariés qu’ils managent ou sur lesquels ils ont une influence à travers leurs décisions, et être capables d’échanger avec eux du contenu de leur activité. La formation des ICTAM doit intégrer la découverte et pratique des métiers par la généralisation de temps de passage dans le métier (stages « ouvriers » généralisés dans les écoles…). Les manageurs et les ressources humaines doivent disposer de temps conséquent à consacrer à leur équipe sur le terrain
    2.83.  Les « procédures » et l’organisation du travail doivent être construites avec les principaux concerné-e-s. Les IRP doivent disposer d’un droit suspensif et de droits d’expertise sur les changements d’organisation du travail
    2.84.  La dimension relationnelle du travail doit être reconnue et préservée des possibilités de standardisation ouvertes par le numérique.
  • 2.85.  – Le collectif de travail doit être restauré et la coopération doit être valorisée en lieu et place de la mise en concurrence des salarié-e-s, notamment lors de l’évaluation professionnelle
  • 2.86. – L’évaluation professionnelle doit être repensée et doit porter sur la réalité du travail accompli et intégrer une dimension collective. Les critères doivent être clairs, transparents, validés par les IRP, bannir les biais sexistes et fondés sur le professionnalisme. L’évaluation doit être le moment où les salarié-e-s doivent pouvoir pointer (sans sanction et avec une prise en compte) les manques de moyens pour mener à bien leur travail. Pour empêcher les pratiques de « ranking » (classement des salarié-e-s avec des quotas fixés à l’avance pour les licencier plus facilement), le résultat des évaluations et les remonté-e-s des salarié-e-s (notamment sur des thèmes clés comme la sécurité, la santé…) doivent être présenté-e-s aux IRP et les salarié-e-s doivent avoir un droit de recours. Les objectifs doivent être établis et validés au niveau du collectif de travail et les moyens humains et financiers doivent y être associés. L’évaluation ne doit pas avoir d’impact direct sur la rémunération
  • 2.87.  – Développer une vraie autonomie, avec possibilité d’initiative et revalorisation de la créativité, au moins 10 % du temps de travail durant lequel le/la salarié-e peut être injoignable et se concentrer sur ses dossiers, projets…
  • 2.88.  – La rémunération doit être fondée sur la qualification (voir fiche 2)
  • 2.89.  – Lutte contre le sexisme et le harcèlement moral et/ou sexuel. Formation obligatoire de tous les manageurs et RH et sensibilisation obligatoire de tou-te-s les salarié-e-s
  • 2.90.  – Les manageurs et RH de proximité doivent disposer d’un pouvoir de prescription en matière de qualité de vie au travail, de santé/sécurité et de respect de la règlementation avec des moyens dédiés.

2.91.  Droit d’expression individuel et collectif :

  • 2.92.  – effectivité des libertés d’expression et syndicales : lors de toute embauche, remise d’un document récapitulant les libertés syndicales (droit de grève, de se syndiquer, de se présenter sur la liste de son choix…), les libertés d’expression, notamment lors des réunions professionnelles.
    2.93. Ce document doit aussi indiquer les grilles salariales et différents contrats en vigueur pour garantir la transparence, heures d’informations syndicales mensuelles organisées sur le temps de travail, allègement de la charge de travail correspondant à l’allègement du temps de travail en cas de responsabilité syndicale ou élective, ou de participation à des formations syndicales
  • 2.94.  – Droit à réunions collectives sur temps de travail entre manageurs et en dehors de la présence de l’encadrement pour pouvoir échanger sur les problématiques rencontrées
  • 2.95.  – Gagner des droits d’alerte liés aux organisations du travail
  • 2.96. – Droit d’alerte, de refus et de propositions alternatives sans sanction adossé aux IRP pour pouvoir faire primer l’intérêt général sur les directives financières. Le récent statut des lanceurs d’alerte constitue une première étape, mais doit être lié aux IRP pour être effectif. Nous proposons la mise en place de commissions issues des IRP dédiées à l’exercice de ce droit chargé-e-s de traiter les alertes transmises. Pour le traitement des alertes, les représentant-e-s élu-e-s des salarié-e-s concerné-e-s doivent être associé-e-s.

2.97.  Choix stratégiques intégrant aspects sociaux, économiques et environnementaux :

  • 2.98.  – accès à l’ensemble des informations stratégiques nécessaires à l’exercice professionnel
  • 2.99.  – Prise en compte et droit de propositions alternatives
  • 2.100.  – Mise en place de 50 % d’administrateurs, d’administratrices salarié-e-s élu-e-s (comme indiqué dans la charte CGT des administrateurs, administratrices
  • salarié-e-s), de droits décisionnels et suspensifs des IRP et renforcement des droits d’expertise
  • 2.101.  – En cas de cession, droit prioritaire de reprise de l’entreprise par les salarié-e-s, et développement des possibilités de financement
  • 2.102.  – Participation aux décisions et rôle contributif reconnu
  • 2.103.  – Les résultats de l’entreprise ne peuvent pas être mesurés par les seuls résultats financiers dégagés pour les actionnaires. Construction d’indicateurs (validés par les IRP) s’appuyant sur les objectifs sociaux et environnementaux et la Responsabilité sociale et environnementale (RSE) et présentés chaque année au conseil d’administration, à l’assemblée générale des actionnaires…

2.104.  Ouvrir la « boîte noire » du management

2.105.  Nous refusons que les questions managériales et d’organisation du travail soient imposées sans débat avec les salarié-e-s et notamment les ICTAM, sommé-e-s de mettre en œuvre les orientations managériales sans avoir été associé-e-s à leur définition. Ne faisons pas des ICTAM les boucs émissaires du Wall Street management.

2.106.  Notre intervention syndicale doit nourrir un débat et une action collective sur les pratiques managériales, pour empêcher d’en rester à des cas de souffrance individuelle. L’objectif, c’est d’interroger les vraies responsabilités et les systèmes managériaux pour empêcher que les ICTAM ne deviennent les boucs émissaires du Wall Street management.

  • 2.107.  – Pour leur permettre de s’exprimer et de retrouver du pouvoir d’agir sur leurs pratiques managériales, organisons des groupes d’échange entre pairs et garantissant la confidentialité. Il faut rendre effectif les droits d’expression des salarié-e-s
  • 2.108.  – Faisons pleinement rentrer dans les missions du CHSCT l’évaluation et le suivi des pratiques managériales
  • 2.109.  – Utilisons la consultation « Votre travail, comment le voulez-vous ?» pour donner la parole aux ICTAM et construire un bilan collectif des pratiques managériales.

2.110.  Durant le mandat, l’Ugict-CGT mettra à disposition des organisations

  • 2.111.  – un guide sur l’évaluation, traitant la double nature des ICTAM, évalué et évaluateur
  • 2.112. – Un guide « Manager à l’heure du numérique » ;
  • 2.113.  – Des outils pour travailler sur le sexisme, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel.

2.114. 

4. Réduire le temps et la charge de travail : une urgence !

2.115.  La France a eu, depuis le début des années 2000, une des plus fortes productivités horaires au monde, conséquence du niveau de qualification, de la mise en œuvre de la réduction du temps de travail permettant un meilleur équilibre vie professionnelle et personnelle et de l’efficacité qui en a résulté. Le Wall Street management avec la pression permanente sur le « coût du travail » remet en cause ce progrès social et sociétal. L’idéologie patronale réduit la vie à la vie au travail : « un cadre n’a pas d’horaire », « réussir sa vie professionnelle, c’est réussir sa vie » et considère que la responsabilité professionnelle implique une disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7…

2.116. Ceci se traduit par :

Une explosion du temps de travail 

  • 2.117.  – La densification et l’intensification du travail
  • 2.118. – Une déstructuration des temps et lieux de travail (l’intrusion des outils numériques qui intensifient le travail et prolongent le lien de subordination hors travail en effaçant les frontières spatio-temporelles)
  • 2.119.  – le développement des horaires atypiques, du travail dominical, les jours fériés, et même de nuit.

2.120. Ceci génère

  • 2.121. – Des atteintes à la santé : liées notamment à l’impossibilité de déconnecter. Ce risque est particulièrement fort pour les femmes7 qui sont soumises à une double journée, à une double pression, et à un discours culpabilisant
  • 2.122. – Un plafond de verre et un blocage des carrières des femmes, comme l’a démontré notre campagne #VieDeMère, pour toutes celles (et parfois ceux) qui du fait de leurs responsabilités familiales ne peuvent pas être disponibles 24 heures/24
  • 2.123.  – Un blocage de l’emploi, notamment des jeunes et des seniors

2.124. La campagne pour le « Droit à la déconnexion et la réduction effective du temps de travail », lancée par l’Ugict-CGT en 2014, a permis de gagner une nouvelle obligation de négocier sur le sujet et de mettre en avant la nécessité de nouveaux droits pour réduire le temps de travail à l’heure du numérique. L’Ugict-CGT se bat depuis près de vingt ans contre l’abandon de la référence horaire dans le calcul du temps de travail. Notre action a permis de faire condamner la France à quatre reprises par le Comité européen des droits sociaux (CEDS) pour la mise en place des forfaits jours en violation de la règlementation européenne. Ces condamnations ont permis de nombreuses victoires juridiques en France, et notamment l’annulation par la Cour de cassation de douze accords de branche. La loi El Khomri vise à sécuriser les entreprises de ces risques juridiques, et nous avons déposé en 2016 un nouveau recours avec la CFE-CGC, devant le CEDS. Au-delà de cette bataille juridique, l’Ugict-CGT a mis à disposition des syndicats un guide de la négociation et un guide à destination des salarié-e-s en forfaits jours, pour les aider à défendre et faire respecter leurs droits.

2.125.  La revendication de réduction du temps de travail à 32 heures sans perte de salaire portée par la confédération, s’inscrit dans cette perspective. Elle doit, pour être comprise par les ICTAM qui ont un temps de travail bien supérieur à 35 heures, être déclinée et adaptée en partant de leurs aspirations.

2.126.  Nous proposons d’engager la bataille pour la réduction du temps de travail des ICTAM autour de quatre axes :

  • 2.127. 1 – Les convaincre sur la nécessité économique et sociale de la réduction du temps de travail
    Le développement de l’intelligence artificielle et des possibilités de robotisation et d’automatisation menace de nombreux emplois. Ces avancées technologiques se traduiront-elles par une augmentation du chômage et de la précarité ou permettront-elles une nouvelle phase de progrès avec une réduction collective du temps de travail ? Les gains de productivité viendront-ils gonfler les dividendes ou permettront-ils de financer une réduction du temps de travail sans perte de salaire ? Les 32 heures portées par la CGT visent à apporter une réponse progressiste à la révolution numérique en protégeant l’emploi.
  • 2.128.  2 – Démontrer l’enjeu social et sociétal, notamment pour l’égalité femme – homme
    2.129.  Nous pouvons nous appuyer sur l’aspiration très forte des ICTAM à l’équilibre des temps de vie, notamment chez les jeunes et les femmes. Ils, elles tiennent à concilier vie professionnelle-vie privée. Ils, elles ne supportent plus des organisations qui nuisent à la fois à leur santé et à la qualité de leur travail. Réduire le temps de travail, c’est permettre à chacune et chacun d’exercer les responsabilités professionnelles tout en ayant une vie familiale, sociale et citoyenne. La campagne #VieDeMère permet à partir de ces aspirations, de porter la nécessité de la réduction du temps de travail.
  • 2.130.  3 – Partir du vécu au travail des ICTAM
    2.131.  Le besoin d’autonomie dans l’organisation du travail des ICTAM, l’aspiration à la souplesse et à la maîtrise de leur emploi du temps, le refus d’un travail normé de l’extérieur, est instrumentalisé par le patronat pour supprimer le décompte horaire et passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.
    2.132. Le décompte du temps de travail, a priori ou a posteriori, est fondamental pour en garantir la rémunération, tout comme le respect des temps de repos, et empêcher un glissement des responsabilités de l’employeur vers le salarié.
    2.133. C’est ce qui est à l’œuvre avec les forfaits jours. L’employeur est responsable du respect du temps de travail et de repos, pas les salarié-e-s. Pour gagner la bataille de la réduction du temps de travail, il nous faut partir du vécu au travail des ICTAM et répondre à leur aspiration à l’autonomie et à la maîtrise de leur temps de travail. Leur investissement dans le travail, le goût pour le travail bien fait, leurs responsabilités, les conduisent très régulièrement à dépasser leur temps de travail. Pour limiter les temps de transports, ils et surtout elles peuvent souhaiter télétravailler. Pour les mobiliser, il faut refuser les discours culpabilisants ou simplistes, leur demandant d’arbitrer individuellement entre le respect de leur temps de travail et l’exercice de leurs missions et responsabilités.
    2.134.  La première étape de notre stratégie syndicale doit leur permettre de mesurer collectivement leur temps de travail et ainsi exiger récupération, paiement des heures effectuées et recrutements. C’est le sens de notre consultation (papier et numérique) pour « évaluer son temps de travail TTC » et de notre outil 2.0, l’application « Pointeuse perso ». Il s’agit également de les informer sur leurs droits en matière de temps de travail (notamment sur les forfaits jours) pour initier des actions collectives permettant de le faire respecter.
  • 2.135. 4 – Porter des revendications spécifiques et notamment :
    2.136.  la garantie du décompte horaire, a priori ou a posteriori pour tous les salarié-e-s, quel que soit leur niveau de responsabilité avec la mise en place de dispositifs de mesure individuelle et collective du temps de travail
    2.137. – Un droit effectif à la déconnexion
    2.138.  – La réduction de la charge de travail, en s’appuyant sur une mesure partagée et objective de celle-ci intégrant le collectif de travail
    2.139. – Créer des emplois pour alléger la charge de travail.
    2.140.  – Combattre les forfaits jours en imposant un décompte du temps de travail garantissant le respect des durées maximum de travail et des périodes minimum de repos et une rémunération correspondante ; les limiter aux cadres ayant une réelle autonomie de décision dans l’organisation de leur travail ; limiter le nombre maximum de jours travaillés à 200 par an (au lieu de 235 actuellement), sans possibilité d’y déroger ; obtenir des embauches pour baisser la charge de travail ;
    2.141. – Dans les négociations sur les forfaits jours, la CGT a un rôle moteur à jouer, en s’appuyant sur la jurisprudence gagnée par l’Ugict-CGT pour empêcher les forfaits jours ou en réduire la nocivité en fonction du rapport de forces. Pour cela, il nous faut partir de la réalité du temps de travail des ICTAM, de leurs aspirations, et construire les revendications avec eux. Conformément à notre démarche CGT, les ICTAM doivent être associé-e-s à toutes les étapes de la négociation et consulté-e-s avant la décision de signature ou non signature. Gagner une évaluation collective du temps et de la charge de travail par les IRP
    2.142.  – Mettre en place des systèmes d’alerte en cas de dépassement des durées maximum de travail ou de non-respect des temps de repos
    2.143.  – Porter la durée minimum quotidienne de repos à 12heures consécutives dans le Code du travail
    2.144. – Donner pouvoir aux managers qui organisent le travail pour « dimensionner » les équipes en quantité comme en qualité (en concertation avec les salarié-e-s)
    2.145.  – Garantir l’indépendance des services de santé au travail et le rôle des médecins du travail
    2.146. – Gagner une sixième semaine de congés payés
    2.147.  – Renforcer le rôle et des prérogatives des CHSCT
    2.148.  – Favoriser un meilleur partage de l’exercice de la parentalité par de nouveaux droits (campagne #ViedeMère)
       2.149.  droit d’aménager et d’alléger son temps de travail pour enfants ou personnes âgées ou personnes dépendantes ou conjoint malade
       2.150.  en allongeant le congé maternité de 16 semaines pour le passer à 24 semaines, et en le rémunérant à 100 %
       2.151.  garantissant l’effectivité du congé de paternité, son allongement à 4 semaines, et sa rémunération à 100 %
       2.152.  congé parental mieux rémunéré et mieux partagé.
    2.153. – Encadrer strictement le télétravail et gagner de nouveaux droits, dans le prolongement du document paritaire de mai 2017, signé par la CGT.

2.154. 

5. Garantir l’emploi et la protection sociale face à l’ubérisation

2.155.  L’emploi et la protection sociale sont confrontés aujourd’hui à deux grands enjeux :

2.156. 1. L’ubérisation et la précarisation du travail

2.157.  L’« Ubérisation » est une instrumentalisation de la révolution numérique pour contourner les protections liées au salariat en exploitant de soi-disant indépendants qui sont en réalité hyper-précarisés (voir encart 1). L’ubérisation remet à l’ordre du jour le « tâcheronisme » du 19ème siècle.

2.158.  Le développement de contrats atypiques, comme le portage salarial ou les CDI de projets, le remplacement de salarié-e-s par des stagiaires ou des apprenti-e-s marginalise l’embauche en CDI, notamment pour les jeunes diplômé-e-s. Pas dupes, 80 % des jeunes diplômé-e-s continuent à aspirer à un CDI.

2.159.  L’illusion entretenue d’un travail autonome, « en autoentreprise », sert à justifier l’absence de protection sociale alors qu’existe pourtant un réel lien de subordination dans l’organisation du travail. En passant d’une obligation de moyen à une obligation de résultat, le patronat vise à sortir les ICTAM du champ du droit du travail pour s’exonérer, notamment du respect de la réglementation en matière de santé, de sécurité et de temps de travail, et ne pas financer la protection sociale.

2.160.  Très critiques sur l’absence de maîtrise du sens, du contenu et de l’organisation de leur travail dans l’entreprise, certains ICTAM, et notamment des jeunes, se tournent vers le travail indépendant dans l’espoir de redonner une utilité sociale et sociétale à leur activité et de travailler sans hiérarchie. Ils se heurtent alors à la précarité, au difficile accès au financement et à l’irrégularité du carnet de commandes.

2.161.  Lorsqu’ils sont rentables, leurs projets sont souvent rachetés par des fonds ou par de grandes entreprises qui les détournent de leur finalité première.

2.162.  Le développement de l’Intelligence artificielle et la robotisation menacent de nombreux emplois, en particulier dans des secteurs à prédominance féminine, les services et les emplois intermédiaires, tandis que les emplois créés se concentrent dans les filières à prédominance masculine.

2.163.  2. Le recul de la protection sociale

2.164.  Le patronat considère que la protection sociale des ICTAM est un nouveau marché pour les assureurs et les fonds de pension. Sa stratégie est donc de rogner leur niveau de protection, au prétexte qu’ils seraient des privilégiés, pour mieux les pousser vers les assureurs. Le transfert du financement de la protection sociale des cotisations vers l’impôt vise à changer la philosophie de notre système de Sécurité sociale en passant d’un système contributif, avec une protection sociale qui garantit le maintien du niveau de vie en cas de retraite, chômage, ou maladie, à un filet minimum de sécurité financé par l’impôt.

2.165.  C’est ce que le gouvernement cherche à faire sur l’assurance-chômage et avec la réforme des retraites prévue pour 2018 (voir encadré 3). La fiscalisation de la protection sociale, en faisant reposer le financement sur les populations imposables qui ne bénéficient qu’à la marge du système conduit à stigmatiser les populations bénéficiant du filet minimum qualifié-e-s « d’assisté-e-s » et sape le consentement à l’impôt des ICTAM… ce qui conduit ensuite à la baisse des prestations sociales. C’est la raison pour laquelle plus le système de protection sociale protège tout le monde, mieux il protège les plus démuni-e-s. C’est ce que nous avons démontré sur l’assurance-chômage (voir encadré 4).

2.166.  La révolution numérique appelle pourtant un renforcement des solidarités à l’œuvre dans notre système de protection de sociale. Il est donc essentiel de maintenir les ICTAM dans le champ commun de la Sécurité sociale en relevant le niveau de leurs prestations pour ne plus laisser aucune prise aux opérateurs privés comme les organismes bancaires et sociétés d’assurances.

Texte mis en ligne le : 21 janvier 2018
Version mise à jour le : 30 mars 2018

Il n'y pas encore de réactions.
Cliquez sur les [+] pour
réagir sur les passages. Attention il ne s'agit pas d'amendements officiels.

Top