Le service public dans « Travail et Technique »

Le service public dans « Travail et Technique » 1946-1956
Contribution au projet « Syndicalisme et Service public » de l’IHS-Cgt
André Jaeglé (IHS-Ugict-Cgt)
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Le Cartel confédéral des ingénieurs et cadre supérieur Cgt, créé en 1946 et devenu Ugic en 1948 a publié un journal, de 1946 à 1956, avec plusieurs interruptions qui témoignent des difficultés connues par cette organisation à cette époque. « Travail & Technique » (T&T) est un mensuel au format 29 x 44 cm, de 12 pages à sa création, contenant des articles composés en caractères de corps très petits, imprimés sur papier-journal de mauvaise qualité. Au lendemain de la guerre on manquait de tout !
La ligne éditoriale de T&T est « spécifique ICTAM ». La Une porte sur l’actualité des combats sociaux, politiques et idéologiques de la CGT ; la Deux et la Trois sur ‘LA VIE ÉCONOMIQUE’ (y compris la Bourse, les questions de comptabilité, la fiscalité, etc.) ; les Quatre et Cinq sur ‘SCIENCE ET TECHNIQUE’ (les propriétés de tel ou tel matériau, les questions de normalisation, la fabrication de produits chimiques, des savons, les invasion de sauterelles, l’entretien des machines modernes, l’aéronautique, les techniques de chauffe, …) ; les pages centrales 6 & 7 sont dédiées à ‘LA FRANCE AU TRAVAIL’ – nous sommes à la 2ème année de la reconstruction. Viennent ensuite, pp . 8 et 9, les problèmes revendicatifs (particulièrement salaires, retraites, médecine du travail, les droits des inventeurs salariés, le secret scientifique, la responsabilité juridique du cadre…) puis, pp. 10 et 11, les informations sur la vie syndicale. La Bibliothèque nationale, site François Mitterrand, possède la collection complète de cette publication (cote FOL-JO-4182)
Cette collection est une archive incomparable de cette période de l’activité I&C de la CGT. Il y a donc lieu de s’interroger sur ce qu’on peut y trouver se rapportant au projet de l’IHS « Syndicalisme et Service public » (S.P.). On s’aperçoit rapidement que l’assemblage des deux mots « services publics » (ou, au singulier, « service public ») apparaît rarement dans ce corpus. Encore faut-il traiter à part son apparition dans « Services publics et de santé » titre d’une rubrique contenant la liste des syndicats nationaux inscrits dans la liste des composantes du Cartel confédéral (publiée dans le n°2, de juillet) : Organismes sociaux, médecins du travail, contrôleurs d’État, Ingénieurs des travaux publics de l’État. On ne trouve pas, dans les comptes rendus des réunions statutaires de ces syndicats , de références à une problématique « syndicalisme et S.P. ». Ce ne seront pas les syndicats qui se saisiront de cette problématique, mais certains de leurs membres ou plus exactement leur Journal, T&T, en ouvrant ses colonnes à des cadres qui ne s’expriment jamais au nom d’un syndicat mais toujours en tant que professionnels, – parfois s’adressant à leurs « camarades » mais cela ne prouve pas grand-chose ; après tout, les élèves de grandes écoles continuent souvent à se donner du ‘camarade’ au sein de leurs associations d’anciens élèves – au nom de l’intérêt général tel qu’il est perçu dans les conditions de la Reconstruction. Il se produira néanmoins un cas où le Journal T&T en tant que tel soutiendra une démarche relevant du S.P. et associera explicitement le bureau du Cartel à ce soutien : c’est lorsque des personnalités scientifiques s’alarmeront de ce que la recherche scientifique ne soit pas retenue dans les travaux préparatoires du Plan Monnet. Une polémique s’en suivra d’où il ressortira que les hommes politiques occupant des postes gouvernementaux de l’époque étaient toujours aussi peu ouverts qu’avant la guerre au rôle de la science. Nous y reviendrons.
Dès le premier numéro de T&T, paru en juin 1946, Pierre Le Brun signe en Une, en sa qualité de membre du Bureau confédéral de la CGT, un édito de présentation d’ensemble du journal où il donne le ton : « Pour cette grande œuvre d’intérêt syndical et national nous faisons appel en toute confiance à la collaboration de nos collègues et camarades qui sont convaincus avec nous et avec notre grande CGT que les causes du progrès technique et du progrès social sont indissolublement liées à celle du devenir français. » Dans ce type de démarche « disons » que le S.P. va « sans dire » ! Il est partie intégrante d’une vision de la société imprégnée de la volonté de servir l’intérêt général… sans s’interroger sur la fonction du marché et sur quelques autres considérations non négligeables. La CGT prend sa part de responsabilité dans le « devenir français ». De ce devenir ferait partie, tôt ou tard, celui des services publics.
Dans le même numéro, Pierre Lacour, directeur de la « Caisse Nationale de Crédit coopératif », présentant les pages VIE ÉCONOMIQUE de cette nouvelle publication, annonce que « nous nous efforcerons de descendre des considérations générales, pour aboutir aux questions pratiques qui se rencontrent dans la réalité, et que les cadres et techniciens eux-mêmes sont les mieux qualifiés pour étudier et pour résoudre ». La présence du mot ‘générales’ ne suffit pas à créditer l’auteur d’une référence à ce que nous considérons aujourd’hui comme relevant de la problématique S.P… Mais, quelques lignes plus haut, il a posé la question : « […] est-il possible de nos jours de remplir des fonctions sociales sans se tenir au courant de toutes les questions dont dépend la vie même du pays et qui conditionnent, dans le futur, l’activité de chacun ? » Et d’annoncer une chronique mensuelle visant à tenir « nos camarades cadres et techniciens au courant des problèmes qui se posent chaque jour. » On ne peut guère parler de trace de la problématique S.P. dans ces phrases. Elles n’en expriment pas moins clairement ce qui fait dès l’origine – et fait toujours – l’une des spécificités de l’Ugic (qui n’est encore que le Cartel), à savoir la nécessité de baigner l’activité syndicale dans le contexte de la vie professionnelle. C’est donc à travers la manière dont ce contexte peut être reconstitué par la lecture de T&T que nous tenterons d’observer les émergences de la problématique S.P. Ajoutons que pour les I&C envisageant, au lendemain de la guerre, un engagement syndical, ce pouvait être, plus qu’un contexte, une partie intégrante de l’idée qu’ils se faisaient de leur rôle social. Pierre Lacour s’adresse donc à des lecteurs dont il considère qu’ils ont une responsabilité sociale, – irons-nous jusqu’à dire une responsabilité impliquant un sens du service public ? – lorsqu’ils exercent leur profession, que ce soit dans le public ou dans le privé.
Une émergence plus visible de la problématique S.P. est repérable dans ce premier numéro de T&T. Le minéralogiste Jean Orcel, personnalité scientifique de premier plan, présente les pages SCIENCE ET TECHNIQUE et, traitant de l’uranium en tant que matière première, il écrit : « Chaque jour, l’aspect du monde se révèle élargi, chaque jour l’ensemble humain prend une conscience plus nette, plus claire et plus forte de la valeur de ces richesses naturelles et de son capital social. C’est cette conscience qui pousse la masse des hommes à vouloir la jouissance de ces richesses et de ce capital et à lutter contre leur accaparement au profit des seuls intérêts privés. » Jean Orcel avait soutenu plus haut dans le même article l’idée d’attribuer à un organisme international la propriété et le droit exclusif d’exploitation de cette matière première. C’était l’idée de « bien commun » sans le mot : « Quand, dans un pays, une entreprise est devenue telle qu’elle s’arroge le monopole, elle doit être nationalisée. ».
Citons encore, dans ce premier numéro, un article sur la normalisation et l’AFNOR, association créée en 1926 . Est-ce un Service public ? Les intérêts d’un public plus restreint de l’industrie sont délégués à une association. Le débat est ouvert.
En 1948 peu après la scission syndicale et la transformation du Cartel en Ugic, T&T maigrira et c’est de ce côté qu’il perdra du poids. Ce ne sera même pas de l’amaigrissement mais de l’amputation. Plus de pages centrales LA FRANCE AU TRAVAIL ; plus de pages SCIENCE ET TECHNIQUE ! Constatation qui mériterait, à soi seule, une réflexion. Nous ne pourrons nous empêcher de poser la question, lorsque nous y arriverons. Pourquoi ce changement brusque ? Aurait-on voulu se prémunir contre une dérive réputée réformiste ? Ou bien la scission a-t-elle éloigné du Cartel (devenu l’Ugic) ceux qui avaient vu dans cette « CGT des cadres », au lendemain de la Libération, un moyen de partager leurs compétences avec tous ceux qui étaient prêts à s’engager dans la reconstruction du pays… parce que, dans leur tête, ils étaient déjà « Service public », sans la structure, en avance sur les institutions ?
Nous avons rencontré l’expression « service public » pour la première fois en janvier 1947, dans une analyse du plan Monnet où il est fait état des « service publics industriels ». Et là, il s’agit de la chose réelle que recouvre ces deux mots : une chose concrète, multiforme, en devenir. La problématique syndicale S.P. est-elle présente dans la vie du Cartel puis celle de l’Ugic, entre 1946 et 1956 ? Dans quelles circonstances ? De quelle manière ? Notre attention va donc se porter sur toute prise en considération de l’intérêt général, de la recherche de mise en commun, de l’égalité d’accès, de la sortie de la sphère marchande, et autres marqueurs. C’est de cela qu’il est rendu compte dans ce qui suit.
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Rien n’a retenu notre attention dans le numéro 2 (juillet 1946). Passons donc au n°3, septembre. Et là : « Bonjour M. Raymond Aubrac ! Vous étiez donc directeur au ministère de la reconstruction et de l’urbanisme. Les pages centrales du journal vous furent offertes pour parler du rôle du MRU ». A propos des constructions définitives je vois que vous expliquiez que « le gouvernement a estimé nécessaire [.d’…] entreprendre directement un certain nombre de constructions de caractère définitif pour utiliser au mieux les matériaux et la main d’œuvre, d’en régler au mieux le financement. Donc il est apparu nécessaire de faire faire par l’État certains travaux directement et c’est seulement dans ces cas particuliers que l’Administration dirige directement les chantiers ». Vous êtes-vous dit que, quelque 60 ans plus tard, on voudrait voir dans ces mots les indices d’un processus d’appropriation d’une « problématique S.P. » par l’organisation des I&C de la CGT ? — vous ne vous souvenez pas ? La vie, loin de toute idéologie, plaçait le syndicat et les lecteurs de T&T auxquels vous vous s’adressiez devant le réel tel qu’il était à l’époque, avec les mots de l’époque.
Dans ce même numéro 3, Léon Jouhaux, menant campagne pour que le « Conseil National économique » soit « un organisme constitutionnel », argumente :
« Un certain nombre de nationalisations industrialisées ont été réalisées. Bien qu’imparfaites encore, on doit considérer qu’avec la collaboration consciente des organisations ouvrières, elles se perfectionnent pour mieux servir l’intérêt général . […] Il faut prévoir à l’échelon national un organisme d’étude et de coordination économique dans lequel nos organisations syndicales doivent avoir une large place, la plus importante »
Numéro 4 : encore la normalisation, et aussi le rôle de la médecine du travail. En quoi consiste son caractère de service public ? Tout au long de sa parution, T&T leur accordera une large place. On serait tenté de dire que T&T avec ces médecins du travail et leur syndicat national constituèrent à l’époque LE Service Public de la médecine du travail, tant ce fut un foyer de réflexion et d’action pour s’imposer dans les entreprises.
Numéro 5 (novembre): présentation du plan Langevin-Vallon lequel mériterait un traitement séparé comme tout ce qui concerne l’enseignement et la formation professionnelle. La page 8 contient un article de Paul Langevin lui-même, deux mois avant sa mort. Nous prenons le parti temporaire de ne pas nous y arrêter. Ce plan et l’attention que lui ont prêté les organisations de la CGT, pas seulement le « Cartel confédéral des ingénieurs et cadres supérieurs », pourrait faire l’objet d’un travail spécifique.
Numéro 6 : René Jugeau signe un article insistant sur l’importance de la recherche scientifique . C’est peu dire que les dirigeants politiques de l’époque se sont montrés particulièrement aveugles en la matière. A leur décharge, si l’on peut dire, une lourde hérédité pesait sur eux. En témoigne l’historien Michel Pinault dans son livre « Maurice Barrès et “la grande pitié des laboratoires de France” ». On y découvre comment, à la fin de la Première Guerre mondiale, Maurice Barrès, alors député de Paris, a entrepris, de manière solitaire, une importante campagne faveur du développement de la recherche scientifique. Que la Recherche scientifique concerne le S.P., voilà ne soulèvera guère d’objection.
Numéro 7 : C’est là que nous rencontrons pour la première fois les « services public… industriels ». On les trouve dans une longue étude, non signée, consacrée au Plan Monnet qualifié de plan de modernisation et d’équipement :
« Pour accroître la production et abaisser les prix de revient, il faut réformer les méthodes tant publiques que privées, économique aussi bien que techniques ; modifier les structures en spécialisant les entreprises et en donnant aux moyennes et aux petites les possibilités d’être aussi productives que les grandes ; établir des échanges plus intimes entre la recherche scientifique et les applications pratiques […]
« Selon qu’il s’agira du secteur public ou nationalisé, du secteur à entreprises concentrées ou du secteur à entreprises dispersées, les modalités d’exécution [du plan] seront différentes.
« Dans le premier cas, l’adoption du plan par le gouvernement vaudra ordre d’exécution pour les administrations, les services publics industriels et les exploitations nationalisées. Par ailleurs, l’importance, en dimension et en poids, de ce secteur jouera un rôle fondamental dans la modernisation des industries dont il est le principal fouisseur ou le principal client » […]
« Pour la période 1947-1950, il n’est pas douteux que la répartition des matières premières essentielles, des devises et du crédit, le contrôle de l’emploi, le permis de construire, la politique du rationnement et des prix doivent être maintenus »
A l’époque, ce sont, dans l’esprit de rédacteurs de l’étude, les impératifs de la reconstruction qui imposent l’action publique. Et c’est Pierre le Brun qui, au nom de la CGT, donnera son accord… Dans quels termes ? … :
« Lorsque le Parlement aura fait confiance au gouvernement pour la mise en application du plan, celui-ci entrera dans la phase de réalisation. C’est alors que le plan aura besoin, pour être autre chose qu’un gros document que l’on garde dans une bibliothèque, de l’adhésion et de la participation du pays tout entier. Le rythme de sa réalisation, les obstacles rencontrés, les résultats obtenus devront être portés à la connaissance des Français, tant par les pouvoirs publics que par les organisations syndicales et professionnelles. Inversement, les réactions, les suggestions, les critiques des producteurs de toutes catégories, devront être transmises aux commissions de modernisation et prises en considération pour ajuster constamment le plan à, la réalité »
Numéro 8 (février), T&T publie un appel de scientifiques demandant que le Plan Monnet revienne sur la décision de ne pas intégrer dans ses travaux la question de la recherche :
« En examinant le plan Monnet, tous les techniciens et scientifiques soussignés avaient été frappés et émus par l’absence de toute disposition relative au développement de la Recherche scientifique et technique et la formation d’un nombre accru de techniciens et de chercheurs.
Nous savons que cette question avait été rappelée à la Commission du Plan par M. Joliot-Curie, haut-Commissaire à l’Énergie atomique, qui avait demandé, à la première réunion de la Commission du Plan, la constitution d’une Sous-Commission de Modernisation concernant la Recherche scientifique et technique. Cette proposition n’avait pas été retenue, sous prétexte que c’était au Centre national de la Recherche Scientifique de se préoccuper de cette question. »
Le long texte de l’appel dont sont extraits ces quelques phrases est précédé d’un encadré annonçant que « Le Commissariat général au Plan nous prie de faire connaître que, vivement intéressé par l’appel ci-dessous, il se propose d’y répondre dans notre prochain numéro. »
Le Cartel confédéral et la rédaction de T&T s’associeront explicitement à cette interpellation . Quittant quelques instants les pages de T&T, nous voudrions témoigner de l’acharnement que les dirigeants du Syndicat national des travailleurs scientifiques (SNTRS) ont mis, ultérieurement, à faire accepter que la recherche scientifique soit considérée comme une responsabilité de niveau confédéral et pas seulement comme une branche syndicale à côté des autres. La recherche scientifique comme service public et le rôle des syndicats, voilà qui reste plus que jamais un sujet complexe, chaud, inépuisable.
Nous sommes toujours en Février 1947 : LA FRANCE AU TRAVAIL, ce mois-ci, s’intéresse à l’avenir des transports parisien. On vient d’inaugurer une nouvelle ligne du métro, la 13, qui va de la Gare Saint-Lazare jusqu’au Carrefour Pleyel « à 2 km du centre de Saint-Denis » nous précise-t-on. C’est trop loin pour les habitants de cette ville de la proche banlieue parisienne. L’élargissement de la zone desservie par le métro reste un objectif, au moins une option qui ne tardera pas à devenir un impératif. Et alors, grave problème :
« Un réseau métropolitain comme celui de Paris, à la structure serrée et aux stations nombreuses, exige le tarif unique. […] Le tarif unique, c’est une simplification considérable de la vente et du contrôle des titres de transports […] en conséquence un facteur essentiel de bas prix de revient. […] mais le tarif unique est injuste dans son principe. Pour le même prix, les uns font un long voyage et les autres un petit. Nous ne sommes pas encore habitués à cette formule qui est celle de la répartition dans une société communiste : « Prenez ce qu’il vous faut ». En fait le tarif unique est inattaquable quand il s’exerce sur une surface peu étendue ».
Pour la première fois, huit mois après sa première parution T&T nous offre les termes d’un authentique débat sur l’égalité d’accès au service public. Plus loin, l’auteur proposera une solution que l’on qualifierait aujourd’hui avec indignation de logique comptable : étant donné que la densité de la population décroît en allant vers la périphérie et que donc le nombre de voyageurs diminue également, il arrive un moment où l’accroissement du rayon du cercle de tarif unique n’est plus compensé par l’accroissement des recettes. Il y a donc un point d’équilibre qui devrait définir la zone de tarif unique.
Offrons-nous, le temps d’un paragraphe, un saut dans un futur qui est, lui aussi, devenu notre passé : La CGT de la RATP n’a cessé de lier la défense du service public des transports urbains à sa politique revendicative. Le projet de document d’orientation soumis au débat préparatoire du 7ème congrès de l’Union syndicale CGT/RATP (mai 1979) en est un exemple remarquable . Une analyse diachronique de l’argumentation, des interventions auprès des pouvoirs publics et des initiatives d’action de ce syndicat serait du plus haut intérêt dans le cadre du projet S.P…
Les numéros se suivent et, centrés sur les impératifs de la reconstruction d’une économie lourdement endommagée par la guerre et l’occupation allemande, la question du public, des besoins du public du « Service Public » y est en quelque sorte implicite. Elle va de soi. Elle ne fait pas débat. Le problème c’est de produire.
Et voici ce que ça donne en août 1947 (T&T n° 13), toujours dans les pages LA FRANCE AU TRAVAIL, à propos du « Réseau routiers français ». Un cadre du ministère parle :
« Deux principes dans les méthodes d’entretien, qui ont toujours dirigé les ingénieurs de notre Administration, devront demain plus que jamais être rappelées aux jeunes cadres auxquels a manqué la pratique des années de guerre :
– Économie
– Rendement
« […] En attendant la modernisation urgente de l’équipement, tant du service que des entreprises fournissant des matériaux de bases, nous sommes certains que l’effort de tous, personnels d’État et entreprises permettra au réseau routier français de tenir un rang honorable, tant du point de vue de sa qualité générale que du point de vue de l’économie de son entretien et de son amélioration. Encore faudra-t-il que les crédits importants nécessaires soient accordés et que les priorités des autres grands services ne se fassent pas trop sentir. »
On parle d’autant moins de ‘Service public’ que les auteurs des articles publiés par T&T sont habités par le Service public, jusqu’à se référer à une vision du communisme attribuée, sans trop de vérification, à Karl Marx.
Ce même numéro d’août-septembre aborde aussi la question de l’indépendance de la médecine du travail vis-à-vis de l’employeur : le prix de cette indépendance serait-il pour le médecin du travail de renoncer au statut de salarié ? Le Dr. S.-R. Ghirardi pose la question… et répond ‘convention collective’. C’est elle qui doit définir le statut de salarié indépendant en tant que médecin.
Octobre (n°14) : à propos de la nationalisation partielle du secteur des assurances. Une étude nous est proposée où l’on constate l’influence réciproque l’un sur l’autre du secteur nationalisé et du secteur privé. La Caisse centrale de réassurance est présentée comme un « Établissement public à caractère commercial ». Comme depuis le début de sa parution, T&T considère technique et choix politiques comme inséparables.
Les pages centrales de LA FRANCE AU TRAVAIL sont ouvertes à Pierre LAVERROUX, directeur de l’Institut National de Formation des Cadres Professionnels , qui développe le concept de formation professionnelle accélérée et compare ses caractéristiques à celles de l’apprentissage.
On trouve dans le même numéro le début d’un inventaire des écoles d’ingénieurs ainsi que les travaux du Conseil Économique relatifs à trois propositions de lois sur la formation professionnelle.
Dans le n° 15 (novembre), Georges Tessier, professeur à la Sorbonne et directeur du CNRS soulève la question du rôle de cet organisme (un service public chimiquement pur) et des moyens de jouer ce rôle : « Dans le travail de routine dont il vient d’être question nous travaillons en somme, « à la demande ». Nous donnons une aide, un concours à ceux qui l’ont sollicité. Nous favorisons le développement de ce qui croît déjà, mais nous ignorons le reste. Et c’est pourtant ce reste, ce qui pourrait naître, ce qui voudrait naître, qui est le plus intéressant. » La fin de la liste des écoles d’ingénieurs figure en p. 12 de ce même numéro 15.
Nous arrivons au mois de décembre 1947. La scission s’annonce. La grève ne s’est pas bien passée pour le Cartel. La CGT doit faire face à une attaque contre les entreprises nationalisées. T&T tient sa place sur ce front (p. 2 du n°16). Les pages centrales de LA FRANCE AU TRAVAIL posent le problème du logement sous la plume de François Lhériteau, ingénieur ENPC :
« Pour rattraper notre retard, il faut assurer la construction de logements privés, aussi bien sur l’initiative privée que sur l’initiative des Pouvoirs publics. […] Si le retour au droit commun est inconcevable, il nous semble de même ni possible ni souhaitable de nationaliser le logement. […] Pour suivre une politique efficace, il apparaît indispensable de centraliser sous une autorité unique, les différents services. Si l’organisation administrative doit être centralisée elle doit aussi être démocratique. Pour cela, il faut faire participer à l’administration du logement les intéressés eux-mêmes. » [à.commenter].
Année 1948. La problématique Service public n’a pas dit son dernier mot, loin de là, et aussi longtemps que le journal des ingénieurs et cadres de la CGT pourra le faire, il interviendra et prendra position dans ce qui devient un conflit de classe. Le n°17 de T&T (janvier) pose la question du statut juridique des centres techniques industriels :
« Si les syndicats patronaux veulent s’organiser pour faire des recherches et créer des laboratoires, afin d’être mieux armés pour lutter contre la concurrence étrangère, il faut voir là une initiative qui peut être bonne pour l’économie du pays, on peut admettre que les syndicats patronaux qui prennent cette heureuse initiative bénéficient de l’avantage que leur donne la loi du 26 avril 1947 [loi qui transfère aux patronat la propriété des acquis de la période de Vichy, c’est-à-dire les centres techniques – A.J.].
« Mais, comme de toutes façons, il ne saurait s’agir, avant tout, que de créer des moyens de défense d’intérêts de nature privée et particulière, il est essentiel que l’État se réserve le droit et les moyens de créer et de développer des études et des recherches partout où l’intérêt national l’exige.
« Au nom même des meilleurs principes du libéralisme économique, ni une administration d’État, ni un organisme national ne saurait s’immiscer dans des organisations dues à des initiatives privées. Par contre, si l’intérêt du pays l’exige, l’État, soit par un organisme de nature administrative, soit mieux par un organisme à structure d’office national, doit pouvoir entreprendre et poursuivre des recherches aux frais de la collectivité nationale.
« Le projet de loi sur les centres techniques industriels et qui ne fait que reprendre les dispositions qui régissaient les organismes professionnels créés par le gouvernement de Vichy, ne saurait créer un « statut juridique » à ce qui n’est en réalité qu’une confusion entre une autorité de caractère privé telle que celle des syndicats patronaux et une autorité d’État assise sur le fait que les ressources des organismes proviennent d’un véritable impôt. ».
C’est dans la livraison de février 1948 qu’on découvre l’amputation annoncée : le journal passe à huit pages et il n’est plus question de FRANCE AU TRAVAIL. Plus de pages SCIENCE ET TECHNIQUE. La problématique S.P. n’y apparaît pas. On annonce la tenue d’une assemblée des représentants des syndicats nationaux constitutifs du Cartel, qui se tiendra les 24 et 25 avril et pourrait transformée en Congrès (constitutif de l’Ugic, mais cela n’est pas précisé). La problématique S.P. est toujours vivante.
En mars (n°19) le journal titre sur 3 colonnes à la Une, « L’ORGANISATION DES RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES EST INDISPENSDABLE » :
« Les recherches et les études faite à l’échelle de l’entreprise privée, ou même de l’association professionnelle, n’auront toujours pour but que l’augmentation du profit au bénéfice de l’entreprise ou de l’association. L’intérêt général ne saurait se contenter d’être la somme de tous les intérêts particuliers des entreprises privée.
« Il est certain que cet intérêt général est dans un progrès constant des techniques […]
L’intérêt général exige donc l’entreprise fréquente de recherches et la poursuite constante d’études. Toutes les fois où l’intérêt général est en jeu, l’État ou ses services, ou des organismes émanant d’une autorité nationale doit pouvoir entreprendre et mener des recherches et des études. Celles-ci ne peuvent être menées qu’aux frais de la collectivité nationale, soit par des attributions budgétaires, soit par des revenus spéciaux provenant de la fortune nationale ».
L’argumentation employée, en pointant la question du profit, paraît nettement marquée par le changement dans la situation du syndicalisme par rapport à l’État. La nécessité d’un service public de la recherche scientifique et technique dès lors que » l’intérêt général est en jeu » n’en n’est que plus clairement affirmée par le journal de ce qui est encore, pour quelques semaines le Cartel confédéral des ingénieurs et cadres supérieurs de la Cgt. L’article passe ensuite à la description des différents « offices ».
Le souffle d’une responsabilité des I&C envers l’intérêt général ne disparaît pas avec la transformation du Cartel en Ugic. Dans la résolution générale adoptée par le congrès constitutif on peut lire :
« le Congrès tient à réaffirmer sa confiance dans les ressources matérielles et intellectuelles de la France qui demeurent intactes. […] La substitution de l’intérêt général aux intérêts privés par la nationalisation des secteurs déterminants pour notre reconstruction ont été accepté par tous. Cette expérience sociale a-t-elle échoué ? […] Féconde pour la nation, cette expérience l’a été pour les cadres comme pour les autres travailleurs [toute la suite du document exprime le lien entre activité syndicale et “renaissance nationale”…] (T&T n°22, avril-mai)

Dans ce même n°22, alors que la CGT doit faire face à une nouvelle mise en cause du secteur nationalisé, une attaque de grande envergure, T&T riposte :
« Qu’on n’oublie pas le rôle politique et social et la politique économique, axée sur le profit particulier et non sur l’intérêt national qui furent ceux des grandes sociétés privées auxquelles était confiée l’exploitation de ces services publics ».
Où l’on voit que les mots « service public » sont rattachés à l’action syndicale autrement que par le nom de certains de ses syndicats. Et qu’une certaine identification s’opère entre « entreprises nationalisées » et « services publics ».
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Ici pourtant se tarit la source de notre recherche. La « CGT des cadres » devra chercher de nouvelles voies. C’est dans les syndicats nationaux et particulièrement au sein de la Fédération aujourd’hui devenue la FNME que l’expérience des militants I&C soutenue par des dirigeants fédéraux visionnaires défricheront le nouveau terrain social. Une vision identique par bien des aspects à celle du T&T des années 46-48 animera la publication de « Spécial Options de 1982 à 1992. C’est l’objet d’un autre travail.
Lorsque, dans le numéro 24 (octobre-novembre 1948), T&T présente des extraits du programme économique de la CGT, rien ne concerne explicitement, dans ces extraits, ni le « Service public » en général ni des services publics en particulier.
Et c’est le silence toute l’année 1949. Pourquoi ce changement brusque ? Nous nous le sommes demandés dès la présentation du présent travail. Palier le risque d’une dérive réformiste ? Prise de distance d’une partie des I&C ? Peut-être était-ce tout simplement que la Confédération actait une réalité nouvelle : elle avait à faire à un gouvernement et à un État désormais totalement hostiles. Seules comptaient les revendications. Il faut rapprocher ce changement du conflit qui s’est développé au sein de la direction confédérale entre Benoît Frachon et Pierre Le Brun quant à la nécessité pour la CGT d’avoir un programme économique. On sait aujourd’hui que ce conflit avait sa source au sein du Parti communiste.
Octobre-novembre 1948 : c’est le n°24 et dernier … de la première série. Une « deuxième série » s’ouvre en avril 1950. On y retrouve des signes des batailles pour la défense du S.P., tels que la dénonciation des menaces pesant sur l’enseignement : restrictions budgétaires, suppression d’emplois, fermeture de certains services, abandon de l’ éducation populaire (2ème série, n°3). Le n°4 de novembre 1950 est consacré au Plan Marshall et à l’engagement de la CGT dans la lutte pour la paix. Fin de la 2ème série !
Redémarrage en juin 1953 sous la forme de bulletins ronéotypés et agrafés au coin supérieur gauche – nos anciens n’ont pas eu la vie facile ! La série comprendra six parutions où sont abordées la question de la promotion ouvrière et plus généralement les questions de la formation. Les formations par le CNAM y sont analysées. Le n°3 (août-septembre 1953) dénonce les décrets-lois qui ont provoqués une grève, stoppé les trains et « mis un grand service public en sommeil »
Dernière rafale, si l’on ose dire : une nouvelle et dernière série commence en Novembre-décembre 1954. Il y est rendu compte du « Congrès technique national de sécurité », par le docteur Goulène – ah ! si la CGT avait un Panthéon, celui-là y aurait sa place, au vu de l’infatigable combat qu’il a mené dans T&T depuis le début avec son confrère Desoille. Dans ce même numéro, André Barjonet signe une analyse de la politique économique du gouvernement Mendès-France. Le S.P. n’y apparaît pas, mais nous n’en tirerons aucune conclusion. Pas plus que dans le numéro 6 (juin-juillet), donnant place à un long article sur les nationalisations. De celles-ci on lira encore, dans le n°9 et dernier que les nationalisations ont été détournées de leurs buts.
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Au terme de ce parcours de 10 années, au long du quel les doigts d’une main ne sont pas tous nécessaires pour compter les rencontres avec « service public » , on éprouve le besoin de mieux comprendre comment et quand le service public pend place dans la vie syndicale ICTAM en tant que question spécifique. La publication de spécial Options entre 1982 et 1992 est d’ores et déjà à notre programme. La collection de la revue Options à partir de 1965 est une autre source archivistique essentielle. Mais à ce stade nous devons nous poser la question « qu’est-ce qu’on cherche ? » autrement dit quelle grille de lecture, ou plutôt, quelles grilles, au pluriel. Elles sont multiples, pour ne pas dire innombrables. En identifier quelques-unes, telle sera notre prochaine étape.

Annexes
Simple Histoire
Tout le monde connaît la puissance créatrice des laboratoire allemands de l’I.G. Farben Industrie à Ludwigshaven.
Sitôt après la délimitation des zones d’occupation, on organisa dans le cadre des ministères de la Production industrielle et du Commissariat aux Affaires allemandes, le contrôle non seulement des fabrications mais aussi celui de l’activité des laboratoires, Il fut en particulier décidé que des ingénieurs pourraient aller faire des stages dans les laboratoires de Ludwigshaven ainsi d’ailleurs nu dans ceux de la Degussa à Cons¬tance.
Les frais des stagiaires qui ne correspondaient d’ailleurs qu’a des marks dépensés en Allemagne oc-cupée, devaient être entièrement supportés par l’usine allemande.
Après quelques mois les administrateurs-séquestres des entreprises décidèrent que les stagiaires devaient trouver EN FRANCE, auprès de leurs employeurs, ou auprès d’administrations publiques les moyens d’aller en Allemagne et de vivre en Allemagne. On obligeait donc les stagiaires à convertir les francs en marks pour pouvoir aller travailler.
Enfin, dernière phase de l’histoire : Aujourd’hui, si une entreprise française ou une administration publique veut envoyer un ingénieur en stage à Ludwigshaven ou à Constance, il faut PAYER A L’ENTREPRISE ALLEMANDE DES FRAIS DE LABORATOIRE qui se montent à des sommes qu’aucun industriel, ni aucun service public ne peut envisager. Ces frais peuvent être de l’ordre d’une centaine de mille francs par mois de stage ! Evidemment les ingénieurs stagiaires doivent continuer à vivre entretenus uniquement par leurs entreprises françaises.
Est-ce que les administrateurs-séquestres, officiers français, ont la mission de travailler pour la France ou telle de préparer la prospérité future des entreprise« allemandes ?
***
Extrait du projet de document d’orientation préparatoire au 7ème congrès
de l’Union syndicale CGT/RATP publié dans le n
AVANT-PROPOS
Le 7ème Congrès de l’UNION SYNDICALE C.G.T./R.A.T.P. se tient quelques mois seulement après le 40ème Congrès de la C.G.T. Il ne saurait être question de reprendre ici l’ensemble des thèmes traités dans le document d’orientation adopté par le CONGRES CONFEDERAL. Les ayant fait siennes, l’Union Syndicale C.G.T. de la R.A.T.P. se propose de prolonger l’analyse qui en résulte au niveau de notre entreprise.
1 LA R.A.T.P. DANS LA CRISE DES TRANSPORTS EN ILE DE France
II y a deux raisons essentielles aux difficultés des transports en commun en Ile de France.
• L’urbanisation anarchique des spéculateurs et des affairistes,
• L’abandon de la notion de service public en faveur de la rentabilité.
1-1 L ’urbanisation anarchique
L ’aggravation des conditions de transports et de circulation trouve son origine dans la manière anarchique mais délibérée dont est effectuée la localisation des zones d’activités et d’habitation.
Les travailleurs sont rejetés de plus en plus loin dans la banlieue et la grande couronne de la région parisienne.
Les promoteurs ne se préoccupant ni des infrastructures de transport ni des équipements sociaux et culturels.
Les petits commerces de quartiers disparaissent, les centres commerciaux et autres grandes surfaces s’installent loin des agglomérations, les services publics administratifs, les lieux de loisirs sont insuffisants, éloignés, les équipements sociaux manquent partout.
Cette urbanisation, la pénurie des équipements provoquent des déséquilibres importants, un allongement des distances entre le lieu de l’emploi et celui de l’habitation.
Cela provoque la multiplication des déplacements, accroît leur durée.
Ainsi, quel que soit le mode de déplacement utilisé, c’est en moyenne 1h.20 qui sont perdues quotidiennement dans les transports.
Selon une enquête de l’ INSEE réalisée pour la préfecture de la région Ile de France :
– chaque jour, 18 millions de personnes se déplacent dans notre région, dont 7 millions pour se rendre au travail,
– l’absence d’un véritable réseau urbain et interurbain de transports collectifs hors de la capitale oblige à avoir recours à l’automobile, celle-ci assume 61 % des migrations quotidiennes tandis que les transports en commun n’en assument que 12 %
– dans Paris où le réseau de transports collectifs est mieux adapté, les transports en commun sont utilisés pour 60 % des déplacements.
1-2 L ’abandon de la notion de service public en faveur de la rentabilité
La seconde cause de la crise des transports réside dans la recherche du profit au détriment du service public.
– L’AUTOMOBILE RAPPORTE PLUS AU GRAND CAPITAL QUE LES TRANSPORTS COLLECTIFS.
Moins les transports en commun répondent à la demande, plus il y a de voitures en circulation. Cette politique sert les firmes multinationales à commencer par celles des pétroliers en passant par la sidérurgie, la métallurgie, l’industrie des pneumatiques, de l’automobile elle-même sans oublier les sociétés autoroutières et les compagnies d’assurance.
Tout ce monde est fort intéressé de voir les salariés contraints d’utiliser quotidiennement leur véhicule et d’en changer souvent.
– TOUTEFOIS LE GRAND CAPITAL NE S’INTERESSE PAS SEULEMENT A L’AUTOMOBILE, LES TRANSPORTS EN COMMUN L’INTERESSENT EGALEMENT.
A commencer par la production des moyens de transports collectifs où il réalise d’énormes profits. Mais aussi par l’exploitation elle-même à condition que l’Etat (de moins en moins) ou les collectivités locales (de plus en plus) couvrent les dépenses non rentables et qu’il lui laisse les seules activités vraiment profitables.
Ainsi Matra bénéficie d’une aide de l’Etat pour la mise au point de techniques nouvelles de transports automatisés.
– la R.A.T.P. finance 40 % de la recherche pour les transports en commun
– une seule société liée à la Banque de Paris et des Pays-Bas est en passe de gérer à elle seule la moitié du trafic des transports en commun de province
– dans le même temps, des lignes S.N.C.F. sont supprimées, d’autres restent interdites au trafic voyageurs.
– des crédits pour les prolongements de ligne de métro sont supprimés.
« L’AFFRETEMENT » se développe et avec lui le transfert des fonds publics au profit des transporteurs privés. IL Y A DEUX SORTES D’AFFRETEMENT :
• L’affrètement par les communes :
devant le manque de transports en commun, les communes mettent en place leur propre réseau, elles s’adressent à une société privée, le manque de recettes est compensé par la commune. Ce système décharge l’ Etat de ses responsabilités financières sur les collectivités locales, cela se traduit par un alourdissement de la charge fiscale pour les contribuables locaux sans que soient allégés les impôts d’Etat.
• L’affrètement de cars privés par la R.A.T.P. :
l’Etat oblige la R.A.T.P. à passer des contrats avec les compagnies privées, pour le moment à l’extérieur des zones exploitées jusque-là par la R.A.T.P. La propriété de la ligne revient à la R.A.T.P., le numéro de ligne est R.A.T.P. c’est celle-ci qui fait les études et définit le service, les tarifs sont ceux du service public, celui-ci collecte les recettes. Par contre, le personnel, les autobus sont ceux de l’entreprise privée.
Celle-ci est rémunérée non pas en fonction du nombre de voyageurs transportés mais sur la base des Kms parcourus avec indexation sur le coût, des frais de personnel, le prix du carburant et du matériel.
Les cars peuvent donc rouler à vide, les transporteurs privés sont assurés de faire du profit, s’il y a déficit celui-ci est supporté par la R.A.T.P.
Ce deuxième type « d ’affrètement» constitue une forme de subvention de la R.A.T.P. aux transports privés et comporte un grave danger : celui du démantèlement du service public que nous n’avons cessé de dénoncer.
1-3 La R.A.T.P. au cœur des contradictions
La R.A.T.P. se trouve au cœur des contradictions engendrées par la crise des transports en Ile de France.
A ces contradictions s’ajoutent celles inhérentes au maintien de sa vocation de service public face aux plans d’austérité successifs, et celles qui découlent de la volonté gouvernementale de « casser » le statut de l’entreprise.
D’autre part, la R.A.T.P. est un champ clos où se déroule une énorme bataille d’intérêts dans laquelle les monopoles rivalisent d’appétit. Qu’il s’agisse de fourniture de matériel, de travaux de gros œuvre ou d’équipement, ou bien encore d’entretien les « marchés R.A.T.P. » permettent à ceux qui les « décrochent » de réaliser des profits substantiels. C’est un véritable pillage. Le scandale de SOFRETU mis au jour par la C.G.T. ne fait que confirmer l’analyse que nous faisons depuis plusieurs années déjà.
Mais aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire que c’est l’existence même de la R.A.T.P. en tant que telle qui est menacée.
En effet, la création de la nouvelle entité administrative et politique qu’est la région Ile de France appelle la création d’une entreprise de transport à caractère régional.
La R.A.T.P., service public a vocation pour devenir cette entreprise en coopérant avec la S.N.C.F.
Or toute la politique menée par le gouvernement ces dernières années va dans un sens opposé.
Les retards dans les prolongements de lignes de métro, l’abandon d’un certain nombre de grands travaux, l’affrètement et le désengagement financier de l’Etat sont autant d’obstacle au développement du caractère régional de la R.A.T.P.
Parallèlement, des porte-parole très officiels du gouvernement ne cessent de clamer bien haut qu’il faut mettre fin aux privilèges exorbitants des travailleurs de la R.A.T.P.
Le temps semble venu pour le pouvoir de mettre en application un projet qui lui tient à cœur : créer une entreprise régionale de transport qui regrouperait l’actuelle R .A.T.P., les lignes banlieue S.N.C.F. et les compagnies de cars affrétées. Cette orientation devant nécessairement prendre effet le 1er Janvier 1980 selon les termes de l’article 6 de la loi du 6 Mai 1976. Selon le Président du Conseil Régional d’Ile de France, c’est à la fin de la session parlementaire du printemps que les dispositions légales seront arrêtées par le parlement. L ’année 1979 sera donc décisive pour l’avenir de la R.A.T.P.
L ’existence de la tarification unique et la proche interconnexion R A TP/S N CF permettent techniquement une telle restructuration.
Cette opération aurait pour le Pouvoir tous les avantages :
• Elle lui permettrait d’accentuer son désengagement financier en transférant les charges qui lui incombent actuellement sur la région donc sur les communes
• Elle pourrait porter un coup au statut du personnel de la R.A.T.P. dans sa totalité et à une partie du personnel de la S.N.C.F.
• Elle lui permet de se débarrasser d’une entreprise publique et en amputer une autre
• Elle introduit le grand capital encore plus avant dans le secteur des transports en commun
• Elle peut momentanément donner l’illusion d’une rationalisation des transports.
Il serait très dommageable de sous-estimer le danger que recèle cette situation ainsi que de considérer comme infranchissables les obstacles qui restent à affronter au gouvernement pour mettre son projet en application (l’ORTF semblait une forteresse indestructible et pourtant…). N ’est-ce pas Monsieur MONOR Y – Ministre de l’Economie – qui déclare dans l’«Usine Nouvelle» :
« J ’ai toujours dit qu’il fallait que les entreprises nationales aient le même sens de la gestion que le secteur privé… Je peux vous garantir que si certains chefs d ’entreprises nationales ne s’orientent pas dans le sens politique du gouvernement, on les remplacera. Le laxisme en matière de rémunération ou de frais généraux dans le secteur public serait inadmissible ».
Les chiffres cités au début du document permettent de situer la R.A.T.P. à sa véritable place dans l’économie de l’Ile de France.
• Une grande entreprise, détenant une position clé en matière des transports, certes, mais ne satisfaisant qu’une faible part du besoin de transport des habitants de cette région. Ils permettent d’évaluer le poids réel que pèse une entreprise face à la perspective de restructuration des transports.
Par ailleurs, il est bien évident que l’issue dépendra essentiellement de la détermination des travailleurs de la R.A.T.P. eux-mêmes à défendre leur statut.
Les résultats des dernières élections professionnelles, oui consacre un renforcement de la division syndicale, une consolidation des syndicats enclin à s’inscrire dans la gestion de la crise et un affaiblissement de la C .G .T. qui représente maintenant (41 % des suffrages exprimés et 30 % du personnel), montre tout le chemin qui reste à faire pour parvenir à une véritable mobilisation sur ces problèmes.
Ce sera un des grands axes de l’activité de l’Union Syndicale C .G .T . dans les mois et les années à venir.
Cette orientation s’inscrit dans celle de l’Union Régionale de l’Ile-de-France C.G.T. qui lutte pour atteindre des objectifs de nouvelle croissance industrielle de plein emploi, ce qui suppose le développement propre des sociétés nationales.

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