Un accord Agirc a été signé le 9 février 1994, après plusieurs mois de négociations serrées, par le Cnpf, la Cgpme, la Cfdt, la Cftc, la Cgc et FO.
Contrairement aux affirmations de ses signataires, cet accord est loin d’avoir réglé le problème d’équilibre financier du régime, celui-ci provenant exclusivement de la très brutale dégradation les années précédentes, par rapport aux évolutions antérieures, de la situation de l’emploi et des salaires des cadres. Il comporte des mesures de financement injustes et des mesures de réduction des droits drastiques.
Recours juridique
Pour annuler un dangereux précédent, la Cgt, l’Ugict-Cgt et l’Ucr-Cgt prennent une initiative qui s’inscrit dans la bataille pour la sauvegarde et l’amélioration de la protection sociale, pour l’emploi et les salaires. Elles décident d’une action en justice contre les dispositions de l’accord Agirc du 9 février 1994 contestant celles qui remettent en cause des droits à retraite déjà liquidés par les cadres, les techniciens et agents de maîtrise relevant du régime Agirc et ayant eu 3 enfants et plus.
Pour le respect et la sauvegarde des droits et des engagements en matière de retraites, la Cgt, son Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens et son Union confédérale des retraités font signer une pétition à déposer le jour du procès. Remettre en cause des droits acquis revient à remettre en cause le principe même de la retraite par répartition.
Le 17 janvier 1995, le tribunal de grande instance de Paris examine le recours déposé afin d’obtenir l’annulation des dispositions de l’accord Agirc du 9 février 1994 mettant en cause de manière rétroactive les majorations familiales et droits à réversion.
A l’appui de ce recours juridique, plus de quarante mille signatures de salariés actifs et retraités ainsi que de nombreuses lettres de témoignage ont été remises au tribunal, attestant du soutien massif à ce recours. Le jugement est mis en délibéré et pour être rendu le 28 mars 1995.
Mobilisation
Une manifestation est organisée le 23 mars et recueille un franc succès, tant dans sa préparation avec la signature de la carte-pétition que dans son déroulement. Il y avait plus de quarante-cinq mille participants entre les places de la République et de la Nation à Paris. Chacune des Ufict et Ufr au niveau des professions, tout comme les Cd-Uglct et Usr au niveau des départements, a apporté une contribution active. Près de deux cent mille signatures sont remises au cabinet du Premier ministre.
Le 28 mars 1995, le tribunal de grande instance de Paris rejette le recours Cgt sans débat sur le fond, en ne se prononçant pas sur les questions précises qui lui étaient posées, à savoir :
- un accord collectif peut-il remettre en cause des droits à retraite déjà acquis et liquidés à la date de sa signature ?
- un accord collectif amputant des droits ou des avantages acquis peut-il s’appliquer avec effet rétroactif ? Le tribunal a simplement argué que l’annulation des seules dispositions contestées aurait pour effet d’annuler la totalité de l’accord et conclu qu’à ce que la demande d’annulation de ces seules dispositions n’était pas recevable.
Dans ces conditions, la Cgt, l’Ugict-Cgt et l’Ucr-Cgt Cgt ont immédiatement interjeté appel. Elles exigent la renégociation immédiate de l’accord Agirc en vue d’y supprimer les clauses remettant en cause des droits liquidés.
Le 1 er juillet 1997, la cour d’appel de Pais confirme le jugement en des termes qui, toutefois, et de manière paradoxale, donnent raison sur le fond aux plaignants. Cgt, Ugict-Cgt et Ucr vont alors en cassation.
Succès
En octobre 1999, le parquet de la Cour de cassation annonce soutenir les contestations. « Ceux qui ont, de par la loi, la mission de faire fonctionner le régime de retraite ne peuvent pas porter atteinte à ces droits acquis des cotisants », a conclu l’avocat général.
La décision définitive est donnée le 23 novembre 1999 : la Cour de cassation donne gain de cause à la Cgt, à l’Ugict et à l’Ucr. Les dispositions de l’accord ont été rendues illicites, affirmant pour la première fois dans l’histoire de notre pays que les droits à la retraite, une fois liquidés, deviennent intangibles. Cet arrêt très important est apprécié comme de nature à renforcer notoirement la confiance des salariés actifs et retraités dans leurs régimes de retraite par répartition.