Qualification ou compétence ?

Ce texte est un extrait de l’introduction au débat du Conseil National de l’Ugict du 3 avril 1997 sur qualifications-salaires- classifications.

 

La reconnaissance de la qualification est au centre d’une reconnaissance de l’individu et d’une solidarité entre l’ensemble des travailleurs. Elle est un axe essentiel dans la conquête du plein emploi solidaire.

Telles qu’elles s’expriment dans les luttes, les questions de reconnaissance de la qualification dans toutes leurs dimensions, touchent à des enjeux lourds tant de société que pour le syndicalisme dans sa capacité à faire se dégager des réponses.

Surexploitation de la part intellectuelle de la force de travail

Nous avons caractérisé, depuis plusieurs congrès, la stratégie des forces du capital en la matière : elles affichent une volonté permanence de trouver des formes de surexploitation durable du travail qualifié.

Le travail, aujourd’hui, contient de plus en plus d’activité intellectuelle et donc, d’un certain point de vue, plus de qualification ; cela, pour toutes les catégories.

Dans les années 50, le patronat cherchait une exploitation de masse du travail manuel en utilisant le Taylorisme. Aujourd’hui, il est confronté, avec les évolutions technologiques, à l’exp1oitation de masse du travail intellectuel.

Il s’attaque donc aux statuts, à tout ce qui touche la reconnaissance de la qualification, les grilles, la reconnaissance des diplômes…

Sous couvert de modernisation des systèmes de rémunération, le patronat veut vraiment casser les repères, introduire de nouveaux critères de mesure de la qualification assortis d’éléments sur l’adhésion aux objectifs de 1’entreprise.

La stratégie patronale tend à nous tirer sur compétence et donc à nous ramener au paiement du poste occupé, plutôt qu’à la qualification de l’individu. Nous parlons de la qualification comme étant l’ensemble des qualités propres qu’un individu met en œuvre dans son activité de travail.

Dans notre conception, la qualification comprend la connaissance, le savoir, le savoir-faire, les capacités d’analyse, de synthèse, d’initiative, de responsabilité, à communiquer.

Cette volonté d’imposer la notion de poste de travail, au détriment de la qualification, touche à la manière dont patronat et gouvernement travaillent leurs réponses aux mutations intervenues dans la société, concernant la place de l’individu.

Dévoyant l’aspiration à l’individua1ité, c’est l’instauration d’une logique d’individualisation totale, d’isolement de chacun, de division qui est délibérément recherchée en lien avec la précarité et un chômage massif.

Les systèmes d’intéressement et de participation sont aussi utilisés pour se substituer à la reconnaissance de la qualification dans le salaire.

Nous avons besoin de développer partout en grand la réappropriation du contenu et de la mesure de la qualification.

Quels concepts entourent la qualification ?

  • La qualification qui est liée à l’individu
  • La classification qui est la mesure du niveau de qualification.

Aujourd’hui, le patronat dit vouloir payer les compétences et non la qualification. Est-ce la même chose ?

La compétence tend à rattacher l’individu au poste, c’est donc instantané. On est compétent sur une tâche mais incompétent sur une autre.

La qualification, en revanche, c’est le potentiel de l’individu et le fait qu’il puisse tenir un poste. C’est différent. Par exemple, on peut être compètent sur une machine « X » et pas sur la machine qui se trouve à côté. Cependant, il faut la même qualification pour tenir ces deux postes. Notre bataille, c’est vraiment le paiement de la qualification et non pas de la compétence. On peut dire, à ce moment-là, que la qualification, c’est un ensemble de compétences que l’on met en œuvre.

Prendre à bras le corps les questions de qualifications nous amènent à revendiquer en grand une autre place pour l’homme au travail et à mettre en cause une stratégie de remodelage de la société, à partir des transformations des entreprises.

A l’inverse de recettes à faire avaliser, n’est-ce pas une démarche liant luttes et débat collectif qui est nécessaire, débat où les Ingénieurs, Cadres et Techniciens ont leur mot à dire, sur quelle conception de la qualification doit prévaloir, quelle conception du salaire, du travail, de la formation, de l’entreprise ?

Comment nourrir une réflexion de masse qui propose de donner, dans l’action, un contenu novateur a la qualification ?

Les trois piliers que nous avançons comme critères d’appréciation et de mesure de la qualification sont :

  • La formation initiale
  • L’expérience professionnelle
  • La formation continue

N’avons-nous pas besoin de gagner une démarche de construction de grilles de classifications avec un contenu riche de la qualification et une évaluation démocratique.

Cela suppose de travailler l’élaboration de grille non pas en termes de définition des postes, mais sur les critères de mesure de la qualification.

Ne cachons pas une difficulté réelle a enclencher de véritables batailles pour gagner des niveaux de salaires à la hauteur de ce que nous revendiquons comme seuils d’accueil :

  • SMIC à 8500 F pour un salaire sans qualification particulière,
  • 11 000 F pour le niveau Bac,
  • 13 000 F BAC + 2,
  • 16 000 F niveau ingénieur,
  • 18 000 F doctorat.

L’aspect salaire pas seulement une réponse au besoin pour vivre, mais reconnaissant effectivement la qualification nécessite beaucoup plus de débats de fond, heurtant forcément les conceptions de partage du travail mais plaçant la reconnaissance de la qualification comme un élément décisif d’une société solidaire.

Sans lien fort « qualification – classification – salaire », il ne peut y avoir de réponse positive et collective aux exigences de reconnaissance posées par les individus.

Nous avons à beaucoup tenir compte également de la diversité des approches.

Les Ingénieurs et Cadres ont une sensibilité marquée pour le déroulement de carrière lié à leur statut. Être offensif dans la défense de leur statut ne passe-t-il pas par des garanties statutaires nouvelles concernant ?

  • Le temps de travail
  • Des garanties et moyens de leurs responsabilités.
  • Des droits d’expression et d’avis sur la finalité de leur travail.

En ce qui concerne les jeunes techniciens on cadres, l’aspect stabilité de l’emploi avec CDI est évidemment fort avec une bataille pour des salaires d’embauche correspondant réellement à leur formation (seuils d’accueil).

En ce qui concerne les techniciens, la conquête d’un statut n’est-elle pas à mettre beaucoup plus en débat ? L’aspiration qui s’exprime à être considéré non pas comme non cadre ou non ouvrier, mais comme technicien ne passe-t-elle pas par une démarche d’élaboration et de conquête de grilles de classifications, leur permettant des déroulements de carrière effectifs et donnant corps a un statut.

Au-delà des discriminations dont sont victimes les femmes dans la reconnaissance de leur qualification (- 30 % en salaire avec discrimination également en termes de responsabilité) il importe d’intégrer des éléments nouveaux qui doivent être reconnus dans le contenu même de la qualification, le relationnel par exemple.

Chacun mesure à quel point une telle démarche d’appréhension de la reconnaissance de la qualification, avec les intéressés eux-mêmes, porte loin comme remise en cause dans l’organisation et le fonctionnement de notre société.

Elle demande aussi beaucoup de transformation dans nos pratiques et notre vie syndicale.

N’est-ce pas là que se joue le développement d’un syndicalisme concernant la masse des ingénieurs, cadres et techniciens ?

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