Retraites des marins : la CGT fait la transparence sur la réforme du gouvernement

Une première réunion s’était tenue à l’automne au ministère pour dire aux organisations syndicales : « Circulez y a rien à voir, votre régime sera supprimé. On se reverra pour les modalités de transition, merci de votre compréhension et de votre visite. »

Depuis le 5 décembre, une forte mobilisation chez les PEX et les Officiers dans les ports, au remorquage et à l’avitaillement s’est organisée…

Du coup une nouvelle réunion s’est tenue le 19 décembre. La tonalité y était bien différente. « Bon, finalement on va prendre en compte la pénibilité, la spécificité de votre métier et tout et tout …

Par contre, aucun élément concret face à nos exigences et nos questions précises. Pourquoi ? Parce que pour faire passer sa réforme, le gouvernement mise sur l’opacité et refuse de dévoiler son impact sur les salarié.e.s. Alors que les concertations ont commencé depuis plus de 2 ans, le gouvernement refuse toujours de publier les simulations de l’impact de sa réforme sur les salarié.e.s.

Pour les marins, une nouvelle séance de « concertation » aura lieu le 17 janvier. Le gouvernement compte dévoiler le plus tard possible ses arbitrages, pour nous empêcher de nous mobiliser : il a prévu de trancher l’essentiel des modalités d’application pour les marins par ordonnances, après le vote de la loi sur les retraites, dans l’opacité des cabinets ministériels.

La CGT dénonce cette méthode et refuse que les marins soient pris pour des imbéciles. La CGT exige la publication immédiate des simulations complètes de la réforme.  La CGT exige le retrait de cette réforme des retraites qui se traduira par un baisse des pensions pour toutes et tous, et particulièrement pour les marins.

1- Aujourd’hui l’ENIM comment ça marche ?

Une même formule vaut pour le calcul des pensions de retraite versées par l’Enim :

PENSION = SALAIRE Forfaitaire x 2 % x ANNEES de Service + BONIFICATION
Pour une retraite à taux plein : Pension = Salaire F. x 2 % x 37,5 + Bonification Enfants

Dans le détail nous vous renvoyons au site de l’ENIM … 

  • Vous y trouverez notamment les possibilités de partir avec une pension d’ancienneté attribuée à partir de 50 ans et une pension proportionnelle attribuée à partir de 15 ans de services dès 55 ans.
  • Le salaire forfaitaire est représentatif du salaire moyen des marins occupant la même fonction, selon les navires et les genres d’activités. Le salaire forfaitaire retenu pour calculer votre pension est celui qui correspond à la catégorie dans laquelle vous étiez classé lors des 36 derniers mois précédant la liquidation de votre pension.
  • Si vous avez cotisé dans des catégories différentes pendant ces 36 mois, on retient une catégorie moyenne, calculée en tenant compte de la durée des services accomplis dans chaque catégorie. Toutefois, si antérieurement, vous avez occupé pendant 5 ans au moins des fonctions classées dans une ou des catégories supérieures à celle des 36 derniers mois, c’est la moins élevée des catégories de ces 5 meilleures années qui est retenue.
  • Le taux de remplacement est toujours égal à 2 %.
  • Le nombre d’annuités correspond à la durée des services validés, c’est-à-dire ayant donné lieu à cotisation du marin et de l’armateur. Il inclut les périodes de congé, repos, accident, maladie et, sous certaines conditions, de service militaire civil à l’État ou de chômage indemnisé.
  • La bonification est de : 5 % si vous avez élevé deux enfants ; 10 % si vous avez élevé trois enfants ; 15 % si vous avez élevé quatre enfants et plus.
  • Les enfants, qu’ils soient légitimes, naturels, recueillis ou adoptés, doivent avoir été élevés pendant 9 ans au minimum, soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l’âge où ils ont cessé d’être à votre charge, au sens de la législation sur l’allocation familiale logement. La bonification pour enfants est cumulable avec les allocations familiales.

Chacun est à même aujourd’hui de calculer le montant de sa pension

Même un Zef est capable d’estimer la durée de sa carrière et calculer le montant de sa pension, du moment qu’il décide d’être navigant. Clause grand-père et autres prises en compte de la pénibilité ne nous garantiront jamais la même solidarité, transparence et le même montant des pensions dans un système à point.

2- Qui sera concerné par la réforme Macron ? Tout le monde

Le recul de l’âge de départ pour tout le monde

La mise en place d’un âge pivot avec une violente décote pour toutes celles et ceux qui partiront avant concernera tous ceux qui partiront à la retraite à partir de 2022. L’âge pivot reculera de 4 mois par an et sera de 62,4 ans en 2022, de 62,8 ans en 2023, 63,2 ans en 2024, 64 ans en 2027, et ainsi de suite, indéfiniment….Pour les générations nées en 1990, le gouvernement prévoit un âge pivot de 66,2 ans.  Une décote de 5 % par an sera appliquée. Par exemple, si vous partez à 62 ans en 2027, le montant de votre pension sera abaissé de 10 % pendant toute la durée de la retraite !

Cet âge pivot devrait s’appliquer à tous, y compris aux régimes spéciaux. Pour l’ENIM, cela signifie qu’en 2022, l’âge de départ sans décote serait au mieux à 55,4 ans, et à 57 ans en 2027.

De plus, grâce à notre mobilisation en 2007, 2010 et 2014, nous avons réussi à préserver 37,5 annuités à taux plein (contre bientôt 43 annuités au régime général). La mise en place d’un système universel signifie que l’on nous imposera à terme 43 annuités pour avoir une retraite à taux plein. Le gouvernement refuse de donner aucune précision sur les modalités de transition, mais il est probable que cet allongement ne s’effectue pas d’un coup pour la génération 1982 mais soit mis en place progressivement dès maintenant.

La retraite à point pour les moins de 38 ans

Face à la mobilisation, le gouvernement a été contraint de différer légèrement l’application de la retraite à points. Elle concernera ceux qui sont à plus de 17 ans de la retraite, c’est à dire pour l’ENIM les générations nées après 1982, qui seront donc les plus pénalisées. Pour tous les nouveaux entrants, la réforme s’appliquerait dès 2022, de façon à ce que le basculement dans le nouveau système soit irréversible. La CGT refuse ce sacrifice scandaleux des jeunes générations !

3- La fin des régimes spéciaux

Le gouvernement le martèle, avec sa réforme il veut supprimer les régimes spéciaux pourtant mis en place pour prendre en compte les spécificités professionnelles et notamment la pénibilité. Pour faciliter la gestion, il prévoit de maintenir les caisses spécifiques au moins à titre transitoire, mais d’appliquer les mêmes règles à tous. L’ENIM serait donc maintenue dans un premier temps, mais nos droits à retraite seraient progressivement alignés sur le régime général. Rappelons que le statut ENIM constitue le pilier de la réglementation de la profession de marin mise en place par Colbert en 1673. L’inscription maritime constitue un précurseur en matière de droit du travail et de protection sociale tous secteurs professionnels confondus.

4- Des départs anticipés avec une pension indigne et un âge de départ reporté indéfiniment 

Le gouvernement annonce désormais qu’il maintiendrait un départ anticipé pouvant aller jusqu’à 7 ans avant le droit commun (donc 55 ans pour l’instant) pour les marins ayant plus de 15 ans de carrière et justifiant de « jours au service du navire » (les jours embarqués et les congés). Le gouvernement a refusé de soumettre aucun détail supplémentaire, renvoyant à la suite des concertations.

  • La possibilité actuelle de partir à 50 ans avec 25 ans de service est tout bonnement supprimée.
  • Ceci signifie donc la casse du régime marin unifié avec une individualisation des droits en fonction du nombre de jours passés en mer par chacun. Nous avons exigé que le droit au départ anticipé se fasse uniquement sur la base du contrat de travail, et que le droit au départ à 55 ans soit acquis pour tous ceux ayant 15 années de cotisation ENIM. Le gouvernement a refusé de s’engager sur ce point.
  • Le gouvernement annonce que l’âge pivot s’appliquera aux marins, en refusant de donner plus de détails. Sur la base annoncée d’un âge pivot de 64 ans en 2027, de 65,4 ans pour la génération 1980 et de 66,2 ans pour la génération 1990, cela signifie que les chanceux qui pourraient encore partir à 55 ans après une longue carrière en mer se verraient appliquer 10 % de décote dès 2027 et 20 % de décote pour les générations 1990.
  • Le gouvernement refuse de mettre à l’étude pour les marins une bonification des points à l’image de ce qu’il va mettre en place pour les militaires ou les policiers. Le départ anticipé serait accompagné d’une pension sévèrement amputée, car pour atteindre le « taux plein », il faudrait pour la génération née en 1980 avoir 43 annuités de cotisation et avoir atteint 65,4 ans (âge d’équilibre)
  • C’est la raison pour laquelle le gouvernement ne cesse de vanter les mérites du cumul emploi retraite. L’objectif : maintenir un départ anticipé avec une pension indigne et généraliser le cumul emploi-retraite, pour ceux dont la santé leur permettra encore de travailler, et au détriment des jeunes générations.

Rappelons que le métier de marin est, devant les métiers du bâtiment, celui dans lequel il y a le plus d’accidents et de morts au travail. Le taux d’accident du travail y est deux fois plus élevé que la moyenne, les marins ont une espérance de vie inférieure de 5 ans en moyenne à celle de l’ensemble de la population ! Rappelons que nous cumulons les critères de pénibilité : travail de nuit, en horaires décalés, amplitudes horaires, éloignement de la famille, exposition à des substances chimiques, port de charges lourdes, températures extrêmes, postures pénibles, bruit, exposition aux ondes…C’est ce que démontre l’étude réalisée à la demande de la CGT par l’IRES

5- Le montant de la pension ne sera plus garanti et va s’effondrer

Le système actuel nous garantit, dès lors que nous avons validé 37,5 annuités de cotisations, 75 % du salaire forfaitaire de la meilleure catégorie acquise ce qui nous assure le maintien de notre niveau de vie. Le nouveau régime à points induit deux changements majeurs :

  • Ce sera l’ensemble de la carrière qui sera pris en compte, y compris les années de  chômage, de précarité et de bas salaires. Dans la concertation ENIM, le gouvernement n’a pas exclu que les assiettes de cotisation forfaitaires sur la base des catégories soient maintenues. Cependant, il n’y a aucun engagement ferme et surtout cela conduira seulement à lisser légèrement les effets de seuil. C’est bien toute la carrière qui sera prise en compte au lieu de la dernière catégorie. Ceci va particulièrement pénaliser les officiers, qui sont ceux qui ont les carrières les plus ascendantes et un écart important entre le salaire de fin et de début de carrière. Cela signifie donc que le montant des pensions va s’effondrer et que le niveau de vie ne sera plus maintenu une fois à la retraite.
  • Il n’y a plus aucun engagement de taux de remplacement, c’est à dire de montant de la pension par rapport au salaire de fin de carrière. Le montant de la pension et la valeur du point seront connus seulement au moment du départ en retraite et dépendront de l’espérance de vie et de la situation économique. C’est le coeur de la réforme du gouvernement : bloquer à leur niveau actuel les ressources dévolues à notre système de retraites (14 % de PIB) et mettre en place un système de pilotage automatique pour ajuster à la baisse le montant des pensions. Le problème, c’est que d’ici à 2050, le nombre de plus de 60 ans va augmenter de 40 % ! Sans ressource supplémentaire, le montant des pensions va s’effondrer. C’est ce qui existe par exemple en Suède et en Allemagne, et qui s’est traduit par la baisse du montant des pensions déjà liquidées de 10 % en Suède entre 2010 et 2014 !
  • L’objectif du gouvernement : renvoyer tous ceux qui en ont les moyens vers l’épargne retraite et les fonds de pension, pour le plus grand bonheur des banquiers et des assureurs qui lorgnent sur notre épargne. Pour tenter de maintenir leur niveau de vie, les officiers seraient contraints de de recourir à l’épargne retraite sans aucune garantie de restitution de l’épargne placée. Depuis la crise de 2008, les faillites de fonds de pension ont lieu en permanence, aux Etats-Unis par exemple !

6- La remise en cause des pensions de réversion

Les droits de solidarité (majorations pour enfants, validation des périodes de chômage, pensions de réversion…) ne seront plus financés par les cotisation mais par l’impôt dans une enveloppe à part. Ils seront tous alignés sur les mêmes règles, quelque soient les régimes. Ceci signifierait pour nous un fort recul

  • Pour ce qui concerne les pensions de réversion, dont les bénéficiaires sont à 90 % des femmes et qui jouent un rôle très important pour limiter les inégalités :
    • La pension de réversion sera seulement versée aux retraité.e.s, alors qu’aujourd’hui la majorité des veuves et veufs y ont accès sans condition d’âge, dès le décès du conjoint (S’il y a au moins 15 ans de service : sans condition d’âge s’il y a un enfant et à partir de 40 ans sans, à partir de 55 ans pour ceux qui ont moins de 15 ans de service). Cela signifie que le niveau de vie du conjoint survivant va s’effondrer, à une période où il faut souvent financer les études supérieures des enfants…
    • Les droits à pension de réversion temporaire pour les orphelins sont supprimés
    • La pension de réversion ne sera plus accessible aux couples divorcés alors que 45 % des mariages se finissent par un divorce
    • Le mode de calcul change. Aujourd’hui, l’ENIM garantit le versement de 54 % de la pension du conjoint décédé. Demain, la réversion devra maintenir 70 % du niveau de vie du couple. Dans de nombreux cas, le montant de la pension de réversion va donc baisser.
  • Pour les droits familiaux. Aujourd’hui, notre pension est majorée de 5 % pour 2 enfants et de 10 % pour 3 enfants, de 15 % pour 4, pour chacun des deux parents. Avec la réforme du gouvernement ce serait 5 % par enfant pour un des deux parents, acquis par défaut à la mère. Ceci signifie donc un recul probable pour de nombreux parents de 2 enfants et plus

 

7- Cerise sur le gâteau : des baisses de droits drastiques mais une augmentation de nos cotisations

Aujourd’hui, nous nous acquittons des cotisations salariales retraites à hauteur de 10,85 %. Ce taux de cotisation est appelé à passer à 11,25 % très rapidement, soit 0,4 % d’augmentation, dans un rythme qui reste à définir, ce qui signifie que nous perdrons en salaire net alors que nos droits à retraites seront sévèrement amputés ! Pour les armateurs qui bénéficient déjà de très nombreuses exonérations de cotisations, le gouvernement promet une augmentation très progressive sur 15 ou 20 ans, s’engage à compenser cette moindre cotisation patronale et à maintenir les exonérations de cotisation pour le commerce international. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne ! La preuve que les moyens financiers existent !

8- Financer des retraites de haut niveau c’est possible !

La fédération des officiers de marine marchande CGT demande :

  • Le maintien du régime ENIM, du départ à 55 ans avec 75 % du salaire de la dernière catégorie et des 37,5 annuités de cotisation. Au niveau interprofessionnel, la CGT propose le retour de la retraite à 60 ans avec 75 % du salaire de fin de carrière
  • La prise en compte des années d’études
  • Une maison commune des régimes de retraites, pour garantir un financement solidaire des régimes et améliorer la prise en compte des droits des polypensionnés

Pour financer la retraite à 60 ans avec 75 % du salaire de fin de carrière, l’Ugict-CGT (CGT ingés, cadres et tech) propose :

  • Une augmentation des cotisations de 0,4 % (dont 0,24 % de part patronale) chaque année pendant 10 ans suffirait à financer le retour de la retraite à 60 ans avec 75 % de son dernier salaire. Pour un salaire de 2500 euros bruts, cela représenterait 10 euros par mois dont 6 payés par l’employeur
  • Supprimer les aides à l’emploi et les 66 milliards d’exonérations de cotisations pour les employeurs
  • Réaliser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes permettrait de dégager 5,5 milliards de ressources supplémentaires pour les retraites.
  • Mettre à contribution les revenus financiers des entreprises qui au contraire des revenus financiers des particuliers sont totalement exonérés

9- Le gouvernement commence à reculer : amplifions la mobilisation !

Par trois fois, en 2007, 2010 et 2014, la mobilisation des marins a contraint le gouvernement à reculer et nous a permis de maintenir notre régime ENIM avec un départ à partir de 50 ans et 37,5 annuités de cotisation pour le taux plein.

Depuis le 5 décembre, la mobilisation très massive a déjà forcé le gouvernement à reculer. Il a été contraint d’avancer son calendrier et de dévoiler son projet de réforme avant les élections municipales, et il tente de désamorcer la mobilisation dans les secteurs les plus mobilisés en lâchant du lest. Les policiers ont obtenu le maintien de leur départ anticipé à 52 ans, les militaires conservent le droit au départ à partir de 17 ans de service. Le gouvernement s’est engagé à ce que leur pension ne baisse pas, et mettra en place une surcotisation patronale pour se substituer à la bonification d’une année de service pour 5 années travaillées dont ils bénéficient actuellement. Les danseurs et danseuses de l’opéra de Paris, en grève reconductible depuis le 5 décembre, ont gagné l’application de la réforme uniquement pour les futurs danseurs. Refusant ce sacrifice des jeunes générations, ils et elles continuent à se mobiliser. Les pilotes et personnels navigants ont obtenu le maintien du départ à 60 ans, de leur caisse autonome et surtout de leurs réserves (du fait de la situation économique du secteur aérien, leur caisse de retraite est largement excédentaire)…Ces premiers reculs montrent que le gouvernement est en difficulté.

Cela signifie que c’est le moment d’amplifier et de généraliser la grève pour forcer le gouvernement à retirer l’ensemble de son projet !

La Fédération des Officiers de la Marine Marchande CGT appelle à la grève le 9 janvier et les jours suivants ! Nous nous adressons aux officiers de tous les secteurs : Long-court, cabotage international, cabotage national et les ports, c’est maintenant que se joue l’avenir de notre régime. Nous créons d’ores et déjà les conditions pour des actions coordonnées dans les ports français. Nous proposons d’aller au-delà. Ailleurs les officiers embarqués sous pavillon français au RIF et au premier registre ont l’occasion de se faire connaitre auprès de notre ministère de tutelle, du premier ministre et du président. Nous nous mettons à votre disposition pour aider à la mobilisation de l’ensemble de la navigation au commerce la plus coordonnée et la plus large possible, autour d’un objectif clair : le maintien de notre régime de retraite solidaire, juste et transparent.

 

 

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Publié le :
2 janvier 2020

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