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Exemples d’applications de l’I.A. dans les banques et les assurances

Valérie LEFEBVRE

CGT Santé, Banques et Assurances, Industries

On nous a sollicités, à la Fédération, pour intervenir sur l’état des lieux de l’Intelligence Artificielle dans nos secteurs qui se déploie petit à petit. Le plus emblématique aujourd’hui, c’est le Crédit Mutuel, CIC et Orange Banque qui développent le même outil Watson d’IBM. Dans un premier temps, ce qui nous est présenté, c’est une aide – et c’est vrai – aux collègues d’agences et conseillers téléphoniques pour répondre aux mails des clients. Le système propose des réponses préparées en fonction des questions posées par les clients. Ce qui est nouveau par rapport à ce que nous avions avant, puisque nous avions commencé par des assistants virtuels à qui on posait une question sur des sujets techniques sur les produits, mais uniquement pour les collègues. Cet outil-là est développé vers le client. C’est vrai que cela les collègues interrogés, trouvent, dans un premier temps, que c’est bien parce que ça les aide et ça leur permet de dégager une dizaine de minutes par jour. Ce n’est pas énorme. A chaque fois que nous demandions une expertise sur les conséquences sur les conditions de travail des collègues de la mise en place de l’Intelligence Artificielle, les patrons contestaient systématiquement notre demande d’expertise devant le tribunal. Nous n’avons réussi à l’obtenir qu’une seule fois au CIC Ile-de-France. Pour les autres, y compris la Cour de Cassation, ils ont jugé qu’un gain de temps de dix minutes par jour n’était pas suffisant pour dire qu’il y avait des conséquences réelles sur les conditions de travail des collègues. Ce que nous présentent les directions concernant les projets mis en place, c’est jusqu’où ils iront dans le développement de l’Intelligence Artificielle au service des banques et des assurances.

Pour le Crédit Mutuel CIC, le coût de l’opération du développement de Watson, c’est 40 millions sur cinq ans. Nous serions bien naïfs de penser que le seul gain de dix minutes par jour serait l’intérêt de nos patrons à mettre un tel outil et une telle somme d’argent en face. Nous avons des craintes. Je pense que même si nos patrons ont une vision de ce qu’ils voudraient faire et là où ils voudraient arriver, nous n’avons pas encore de vision du timing que cela va demander et à quel horizon nous aurons des gains importants, mais c’est sûr qu’ils en attendent un retour sur investissement important. Les collègues sont assez satisfaits pour le moment, de l’outil, sauf qu’on leur pose la question uniquement sur la satisfaction technique, c’est-à-dire « si vous avez un mail d’un client, la réponse apportée par Watson est-elle satisfaisante ou pas ? » C’est la seule question qu’on leur pose. On ne leur pose pas des questions sur les changements dans leur travail. Les craintes sont nombreuses, pas seulement pour les organisations syndicales, mais aussi pour les collègues. C’est être dépendant de la machine complètement, de devoir répondre au rythme de la machine, avoir une intensification du travail. Les gains de temps de dix minutes sont traduits en augmentation des objectifs commerciaux pour les conseillers financiers. Il y a, dès aujourd’hui, une modification de leurs conditions de travail.

Se posent d’autres questions. Le Crédit Mutuel a dit qu’ils commençaient par les mails. Demain, on s’en servira pour proposer des produits d’assurance et d’épargne aux clients. Quid des compétences, des connaissances et des qualifications demandées aux conseillers financiers aujourd’hui et de leur métier de demain ? Pour le moment, les travaux menés dans l’Observatoire des métiers de la banque ou de l’assurance ne sont pas suffisamment poussés ou alors on ne nous dit pas tout, volontairement, pour ne pas faire peur. Quand on a eu le rapport de l’Observatoire des métiers de la banque sur l’Intelligence Artificielle, l’expert qui nous a présenté le dossier, comme la FBF, ce sont tous les deux refusés à nous donner des chiffres d’impact sur les emplois dans nos secteurs. Or on le sait, le développement de l’informatique n’est pas nouveau dans nos secteurs. En dix ans, nous avons déjà perdu 100 000 emplois. On sait qu’avec le développement de l’Intelligence Artificielle, ça va venir, d’où une importance accrue de la formation, des gestions prévisionnelles des emplois. Or aujourd’hui, force est de constater que les entreprises dans lesquelles on met en place des nouveaux assistants virtuels ou l’Intelligence Artificielle, on n’a pas cette GPEC. Il y a une inquiétude chez certains collègues sur leur devenir, ce qui est naturel, surtout quand on ne nous dit rien. L’inconscient travaille, c’est presque pire pour la santé des salariés. C’est du stress et des questions qu’on se pose sur son avenir.

L’Intelligence Artificielle se développe aussi dans l’assurance. Le but du jeu, c’est de donner la main au client pour faire lui-même ses contrats. Ça pose une question. En tant qu’organisation syndicale, ce n’est pas seulement la question des collègues qui est hyper importante, mais c’est aussi la question des clients. En donnant la main au client sur son crédit, puisque cela va être l’étape trois, de faire faire les crédits par les clients, on reporte le risque de l’entreprise vers le client. Juste un petit détail, aujourd’hui, dans le Code des assurances, une fausse déclaration, si on n’arrive pas à démontrer sa bonne foi, c’est la nullité du contrat. Cela veut dire que l’assuré prendra à sa charge tous les dommages s’il y en a puisqu’il aura fait une fausse déclaration. Quid de ces outils et quid de la responsabilité qu’on transfère de nos entreprises, qui aujourd’hui ne sont pas en difficulté financière, vers les clients ? Pour l’heure, ce sont les seules avancées que nous avons puisque les employeurs ne nous présentent jamais les projets dans leur globalité.

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