SUR FOND DE TÉLÉTRAVAIL MASSIF DANS LE CADRE DE LA CRISE SANITAIRE, C’EST LE VŒU FORMULÉ
PAR LA COMMISSION DE L’EMPLOI DU PARLEMENT EUROPÉEN.
Avec la généralisation du télétravail dans le cadre de la crise sanitaire, le droit à la déconnexion s’est à nouveau imposé dans les débats. L’enquête de l’Ugict-Cgt « Le travail sous épidémie », menée lors du premier confinement auprès de 35 000 salariés, en a constaté le manque d’effectivité : 80 % des télétravailleurs y affirmaient ne pas disposer de ce droit, malgré la loi. En 2017 déjà, un rapport conjoint de l’Organisation internationale du travail (Oit) et de l’Agence européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) en pointait la nécessité, notamment pour prévenir les risques psychosociaux et assurer un meilleur équilibre entre vies privée et professionnelle. Cette nécessité est aujourd’hui portée par la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen, après le vote d’un vœu demandant à la Commission européenne de légiférer sur cette question.
Ce vœu s’appuie sur un rapport rédigé en juillet par le député européen Alex Saliba. Il le rappelle : « Une connectivité permanente, combinée à une exigence croissante de pouvoir joindre les travailleurs à tout moment, peut avoir une incidence négative sur les droits fondamentaux des travailleurs ainsi que sur leur santé physique et mentale. » Si cette connectivité permanente était un problème avant la pandémie, elle l’est d’autant plus que près d’un tiers des salariés européens se sont retrouvés en télétravail intégral au printemps, a montré une étude d’Euro-found 1, contre 5 % avant la crise sanitaire : un mode d’organisation du travail désormais appelé à s’étendre et à durer. Dans ce contexte, le rapport demande « à la Commission d’adopter une directive de l’Union pour garantir que les travailleurs puissent exercer leur droit de déconnexion et réglementer l’utilisation des outils numériques existants et nouveaux à des fins professionnelles ».
Pour l’heure en effet, seules la Belgique, l’Espagne, l’Italie et la France disposent d’une législation spécifique. Une pro- position avait en outre été déposée au Portugal avant d’être finalement rejetée à l’été 2019. En France, l’Ugict-Cgt, à l’initiative d’une campagne pour le droit à la déconnexion dès 2014 2, avait obtenu son introduction dans le Code du travail deux ans plus tard. Mais s’il renvoyait à la négociation d’entreprise le soin d’en définir le contenu, il ouvrait aussi la possibilité pour l’employeur de le prévoir dans une charte unilatérale. « Pour les télétravailleurs particulièrement concernés par l’exercice de droit, le développement du télétravail en mode dégradé, sans encadrement collectif, s’est [ainsi] traduit par l’absence totale de droit à la déconnexion », indique l’Ugict- Cgt dans un communiqué.
Dans son rapport, Alex Saliba fait des recommandations sur le contenu de la proposition. Il définit son objet et son champ d’application, le contenu du droit à la déconnexion comme les conditions de sa mise en œuvre, envisage des mesures de protection « contre les traitements défavorables » ainsi que des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives »… Si l’Ugict-Cgt continue de porter l’exigence
de ce droit dans les négociations interprofessionnelles en cours sur le télétravail, elle fait deux demandes au gouverne- ment : le soutien du vœu du Parlement européen demandant à la Commission de présenter une directive ; la réalisation d’un bilan sur la mise en place du droit à la déconnexion en France, « pour le renforcer et le rendre effectif ».
Christine LABBE
- Eurofound, « Living, Working et Covid-19 », septembre
- À retrouver sur Eurofound.europa.eu
- En savoir plus sur le site dédié : info