n° 657 – Mai 2020

Une sortie et un après riches de conflits

Comme le temps passe vite ! Il y a encore quoi, deux semaines à peine, ils étaient des héros. Célébrés sur tous les tons, érigés en modèles, promis à la postérité. Soignants, éboueurs, caissières étaient soudain le sel de la terre, l’essence même du travail utile. Le président fustigeait « notre société » qui les reconnaissait si mal. L’arc-en-ciel de la fraternité et de la bienveillance perçait le froid des nuées grises du capital… Le moment venu de l’addition, à prendre ici au sens métaphorique, on se croirait dans un film
de Mack Senett : chacun tâte ses poches, découvre l’oubli de son portefeuille, négocie sans vergogne et avec une imagination parfois débridée à la baisse ce qui était placé si haut. Ces saynètes à soulever le cœur annoncent les conflits qui s’organisent autour de la «sortie» de crise et de «l’après».

On récompense ou on revalorise?

Au cœur de ces conflits, latents ou explicites, c’est la place du travail qui se joue, sa valeur et sa finalité. Face à la crise économique qui s’annonce, à la fragilisation de milliers d’entreprises, à l’explosion d’un chômage de masse, la question centrale est de savoir si l’on veut « récompenser » le travail ou si l’on entend le requalifier. Prime ou salaire ? Qualification ou bas salaires ?

Casser les ressorts de la crise?

On sait que le catéchisme austéritaire n’est plus vraiment à la mode. Les pays du G20 injectent 5 000 milliards de dollars dans l’économie et la Bce décrète 750 milliards d’euros de facilités monétaires supplémentaires. Sans contrôle, sans cap, sans efficacité.L’«état d’urgence sanitaire » a bon dos. On sait aussi que le président aurait découvert les vertus de la socialisation. Les débats tortueux qui se mènent autour de la rémunération de celles et ceux qui ont travaillé à leurs risques et périls donnent la dimension réelle de cette pseudo-conversion idéologique. Les perspectives d’une généralisation allègre et sans nuance du télétravail en disent aussi la nature. Loin de vouloir répondre à l’urgence sociale et environnementale que réclame la crise, l’État et les employeurs travaillent à en conforter les ressorts…

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