NOTE AUX USD ET AUX SYNDICATS SUR L’ORDRE DES INFIRMIERS

Préambule

La loi n°2006-1668 du 21 décembre 2006 portant création d’un ordre national des infirmiers acte la
naissance aux forceps de l’ONI.

Cet organisme de droit privé est structuré en trois niveaux : national, régional et départemental ou
interdépartemental, chacun ayant ses compétences spécifiques qui sont précisées par les textes.

La loi définit également une notion d’exercice illégal de la profession d’infirmier en cas de non-inscription.
Pour autant et depuis toujours, les professionnels infirmiers rejettent massivement ce qu’ils appellent
souvent le « machin ». C’est le cas des professionnels salariés et plus encore celui des agents de la
Fonction Publique Hospitalière.

« Opaque », « « déconnecté des réalités », « inutile », « trop proche du pouvoir et de nos
employeurs »,« aux abonnés absents pendant la crise pandémique », « impôt déguisé » .
Malgré la propagande pro-ONI, les critiques acérées fusent dès que l’acronyme « ONI » est prononcé
dans nos établissements de soins ou même avec des personnels libéraux.

L’ONI reste fortement contesté par les organisations syndicales représentatives qui ont de suite
dénoncé son rôle et ses missions, même si des doutes semblent aujourd’hui légitimes quant à la
position de la CFDT qui, rappelons-le, n’a pas participé au boycott des réunions du ministère.

Avec le fait de confisquer la parole des professionnels et « d’oeuvrer » dans la plus grande opacité, le
principal fait d’arme de cette organisation a été la mise en place d’une structure disciplinaire avec au
final, en cas de difficulté, une possibilité de double peine pour les infirmiers salariés.

Bien évidement ces éventuelles sanctions et procédures administratives et ordinales ne se substituent
en rien et ne protègent en rien d’éventuelles procédures et sanctions pénales qui pourraient être prises
par l’ordre. Et de trois sanctions possibles, n’en jetez plus ! ! !

Où en est-on aujourd’hui ?

Malgré une politique assumée de contrainte à l’inscription, en 2020, la Cour des comptes retrouvait à
peine 52 % des infirmiers inscrits (96 % des IDE libéraux et à peine 31 % des infirmiers de la FPH).
A l’automne 2023, les élections ordinales visant à renouveler l’ensemble des conseillers départementaux
ont été un échec retentissant : le taux de participation dans certains départements a difficilement atteint
les 1 %.

PARLER DE REPRESENTATIVITÉ APRÈS UN TEL FIASCO, IL FAUT OSER !

Pourtant, sans l’ombre du début d’une remise en question, l’ONI jette sans complexe de l’huile sur le feu
et renforce les menaces sur les professionnels non-inscrits par le biais de la saisie de cabinets de
recouvrement, de courriers d’huissiers ou encore via des délations aux Parquets.

De fait, depuis quelque temps la pression monte encore d’un cran et on constate une vague de
convocations et d’auditions de professionnels non-inscrits au commissariat ou en gendarmerie avec à la
clé : photos anthropométriques et prise des empreintes digitales.

JURIDIQUEMENT

Le débat sur l’obligation d’inscription pour exercer est officiellement clos depuis l’entrée en vigueur de
la Loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006* et la trahison de Marisol Touraine refusant de tenir son
engagement de supprimer l’ONI.

Depuis, la loi a été renforcée, notamment par le décret 2018-596 du 10 juillet 2018* relatif à l’établissement
des listes nominatives des infirmiers et des pédicures-podologues salariés en vue de leur inscription
au tableau de l’ordre.

Les établissements sont aujourd’hui contraints de transmettre au conseil national de l’ordre infirmier la
liste de leurs infirmiers en activité.

A réception, l’ordre infirmier vérifie que les infirmiers déclarés sont bien inscrits. Si tel n’est pas le cas,
l’ONI procède à une inscription provisoire en lançant les démarches de régularisation définitive via les
conseils départementaux dont dépendent les professionnels concernés.

Pour rappel, le Conseil d’État avait été saisi par notre Fédération d’une demande d’annulation de ce
texte mais notre requête avait été rejetée.

L’inscription à l’ordre des infirmiers est donc une obligation légale notamment en vertu des articles L.
4311- 15* et L. 4312-1* du code de la santé publique.

Tous les IDE, IADE, IPDE, IBODE et IPADE exerçant leur profession en France (comprendre : réalisant
des soins ou des actes infirmiers) et ce quel que soit leur mode d’exercice (à l’exception des infirmiers
du Service de Santé des armées) sont donc tenus d’être inscrits au tableau de l’ordre pour pratiquer.

De même, comme nous l’avons vu, les établissements sont tenus de faire remonter régulièrement à
l’ONI la liste des infirmiers qu’ils emploient.

Concernant la transmission des listes par les établissements employeurs, il a été constaté que certaines
administrations communiquaient des éléments de la vie privée des professionnels sans aucun lien
avec les documents prévus (adresse mail personnelle, téléphone fixe et/ou portable, …) ou sans
l’information préalable des professionnel concernés, pourtant obligatoire.

Ces dérives violent certaines dispositions du RGPD5 (Règlement UE 2016/679 du Parlement européen
et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement
des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données).

Ces situations sont à dénoncer localement en nous remontant l’information.

Pour ce qui est de la transmission injustifiée de certaines données, les professionnels concernés
peuvent également saisir la CNIL, Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.

Le développement de la e-santé et les différents dossiers patients informatisés vont aussi rendre plus
compliquée la résistance à l’ONI.

La carte CPS (Carte de Professionnel de Santé) inscrite dans la loi via l’article L.1110-4 et le décret
n°2007-960 du 15 Mai 2007 du code de la santé publique est définie comme l’outil indispensable d’accès
aux données numériques de santé à caractère personnel, notamment dans le cadre du partage de
l’information médicale.

Or, la CPS est délivrée aux professionnels par l’ANS (Agence du Numérique en Santé) via les données
fournies par les ordres professionnels pour les professions qui en possèdent un.

En revanche, il existe des situations où la carte d’établissement contenant les autorisations d’accès aux
bâtiments, aux parkings, aux vestiaires ou au self seraient liées à l’inscription à l’ONI pour être valides ou
même délivrées. C’est évidemment inacceptable puisque ces droits sont liés à la qualité de salarié. Cela
doit être dénoncé et combattu au local en nous faisant remonter l’information.

QUE RISQUENT VRAIMENT LES INFIRMIERS NON-INSCRITS ?

Ordinalement :

Rien sur le plan disciplinaire, car l’ordre infirmier ne peut agir directement que contre des professionnels
inscrits. Pour autant, il peut signaler la non inscription et donc le délit d’exercice illégal de la profession
au Procureur (cf. l’art 40 du Code de procédure pénale6 que nous connaissons bien).

En revanche, après réception de la liste fournie par son établissement et inscription provisoire d’un
professionnel non inscrit, il peut sommer ce dernier de finaliser l’inscription et de payer la cotisation et
en cas de refus, sur ce dernier point, ouvrir un contentieux. Si la situation n’est pas réglée au bout de
4 mois, plus un mois de délais => le professionnel est considéré comme désinscrit, et retour à la case
départ !

Pénalement :
Les « apparatchiks » de l’ordre, souvent éloignés du soin depuis longtemps, ne cessent de le marteler :
les infirmiers faisant acte de désobéissance civile en ne s’inscrivant pas à l’ordre infirmier sont
menacés d’une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende pénale. C’est le maximum !

Dans la vraie vie, la jurisprudence au seul motif d’une non-inscription à l’ordre infirmier est maigre, pour
les salariés.

Dans ce que nous avons pu retrouver pour des IDE libéraux, le type et le quantum des peines
prononcées et les conditions d’application de ces dernières sont de l’ordre de l’amende pénale modérée
assortie du sursis !

Il existe bien pour ces mêmes IDEL des cas de condamnations bien plus lourdes, mais ces dernières
sont liées à des faits connexes très différents et difficilement défendables.

Exemple : fraude massive à l’URSAFF ou à la CPAM.

Au final, comment pourrait-il en être autrement alors que les condamnations pour exercice illégal d’une
profession par des personnes ne possédant même pas la qualification requise sont souvent limitées à
de simples amendes pénales pour une première condamnation ?

Cependant, attention à ne pas occulter les frais d’assistance par un avocat, non obligatoire si la
procédure n’est pas dite « accélérée » (comparution immédiate, etc.), mais vivement conseillée.

De même, prudence : une jurisprudence peut toujours évoluer et se durcir, comme les peines
prononcées en cas de condamnation en état de récidive seraient incontestablement beaucoup plus lourdes !

Point particulier d’alerte :
En cas de sinistre et/ou de plainte pénale pour faute supposée, la mise en lumière d’un exercice illégal
de la profession au moment des faits litigieux par le parquet et/ou l’avocat de la partie civile, (certains
cabinets spécialisés ne manquent pas d’explorer ce point pour l’exploiter dans la procédure) ne serait
pas, pour les juges, un élément jouant en faveur du professionnel mis en cause !

Au civil :
La responsabilité civile d’un salarié est assumée, sauf faute détachable du service, par l’employeur de
ce dernier.

Il n’est pas connu qu’un employeur ait tenté de dégager sa responsabilité civile en argumentant sur la
non inscription ordinale d’un de ses infirmiers fautifs.

Administrativement :
Ce point est à la main de l’autorité administrative du salarié, celle qui nomme. Il est donc directeur
dépendant. Pour autant et généralement, dans le privé et particulièrement le secteur privé lucratif : pas
d’inscription = pas de poste.

EN CONCLUSION
Notre légitime conviction de la nuisance de l’ONI ne doit pas nous pousser, ni à jeter les professionnels
dans les bras de l’ordre des infirmiers, ni à les rassurer faussement ou à prendre la décision de résister
à leur place.

Comme déjà dit, si un professionnel qui réalise des soins ne remplit pas cette obligation, il s’expose à
un risque de poursuites pénales pour exercice illégal de la profession et à des conséquences sur son
maintien en activité par son employeur.

Reste à savoir si l’ordre, ou les employeurs engageront ces procédures pénales et si les employeurs
engageront des procédures administratives à l’égard des professionnels dans un contexte de pénurie
chronique de personnel infirmier dans tous les établissements privés comme publics ! ! ! !

Certains directeurs d’établissements ont clairement annoncé qu’ils ne le feraient pas
(les mêmes n’envoient généralement pas non plus la listes de leurs infirmiers à l’ordre)
quand d’autres semblent plutôt faire du zèle.

Pour le privé, généralement cela semble plié : pas d’inscription = pas de poste !

Pour autant, les conseilleurs ne sont pas les payeurs et il ne parait plus raisonnable de tenir un discours
revendicatif de refus sec d’inscription à l’ordre comme il n’est pas adapté de conseiller de ne pas se
rendre aux convocations de police/gendarmerie. Il semble nécessaire de rappeler que le motif de
convocation est rarement inscrit sur une convocation.

En revanche, il semble nécessaire de rappeler que tous ceux qui se donnent le droit aujourd’hui de
menacer ou de poursuivre les professionnels non-inscrits se sont bien gardés de le faire lors de la crise
pandémique alors que ces soignants étaient en toute première ligne et tenaient le système de santé à
bout de bras.

Rien ne permet aujourd’hui de dire que notre pays ne retrouvera pas à faire face à une nouvelle
situation sanitaire exceptionnelle.

De toute façon, l’état catastrophique de notre système de santé lui permet-il aujourd’hui de se passer
de quelque soignant que ce soit ? L’Etat est-il prêt à se passer de certains de ses soignants lors de ses
sacro- saints JO ?

Notre organisation doit marteler ces vérités, unir et accompagner les professionnels « refuzniks » et
mettre tous les grains de sable possibles dans la machine (notamment en alertant les directions sur le
point de l’information préalable) pour résister et gagner du temps et obtenir que l’on relâche la pression
sur les professionnels qui rejettent cet ordre.

Il semble également nécessaire de diffuser largement notre plateforme
revendicative

Concernant l’ordre des infirmiers :
•Suppression pure et simple de l’ordre des infirmiers, avec dans un premier temps :
•L’arrêt de toutes les poursuites menées contre les infirmiers refusant l’inscription
•La fin des courriers d’huissier et des relances incessantes envers les professionnels déjà
durement exposés aux conditions dégradées dans leurs établissements

Concernant les vraies préoccupations des infirmiers :
•Un salaire juste et à la hauteur du niveau de formation et de responsabilité
•Une juste reconnaissance financière des contraintes et sujétions
•Le respect de bonnes conditions de travail
•Le respect du sens du travail des soignants
•Le respect de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle
•La reconnaissance de la pénibilité de l’exercice professionnel par un départ anticipé à la retraite sans
décote
•Une formation initiale réellement professionnalisante, de qualité et homogène sur l’ensemble du
territoire débouchant sur un diplôme d’Etat délivré par l’Etat et adossé à un grade universitaire adapté
•Un droit à la formation professionnelle et personnelle continue tout au long de la vie.

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Publié le :
12 juin 2024

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