Contribution de Jocelyne Guiheu, du bureau de l’IHS- UGICT, ancienne responsable de l’UGICT et l’UFMICT santé
Pratiques antagonistes ou complémentaires pour des enjeux démocratiques dans l’entreprise et l’intervention dans les critères de gestion ?
Ces questions dans notre histoire mondiale politique contemporaine, et l’histoire du syndicalisme français, l’histoire de la CGT ont en permanence interrogé nos pratiques démocratiques. Fallait-il et faut-il privilégier l’une par rapport à l’autre ? Eviter la démocratie directe marquerait-elle une posture de classe ? Lui laisser toute la place, n’est ce pas se nier comme syndicalisme révolutionnaire ? Adopter une hiérarchie des pratiques démocratiques, n’est ce pas se priver d’une véritable analyse de notre syndicalisme de classe et de masse avec son UGICT pour les cadres et techniciens ?
Dans certaines luttes récentes illustrant ce propos, l’enjeu n’était-il pas de ne plus exister au profit des courants réformistes des Coordinations dans la santé, le secteur social ? Les courants pro-démocratie directe des courants du Socialisme Libertaire et des Anarchistes activistes, ont développé la thèse d’un antagonisme définitif entre ces pratiques.
Des expériences d’auto gestion dans certains pays d’Amérique Latine, sont venues s’ancrer après 1968 dans le milieu associatif français et mouvements citoyens (exp : Riposte Laïque,Valeurs et Démocratie, etc….) venant imprégner de nombreux citoyens par ailleurs salariés des catégories ICT.
La bataille idéologique du libéralisme financier s’est alliée à cette méfiance «ambiante» contre le syndicalisme révolutionnaire, la CGT et son UGICT, puisque seule à proposer des revendications à l’entreprise susceptibles d’inverser la financiarisation .
L’évolution du salariat, les exigences de changement sur des questions sociales, écologiques,le poids des médias sur ces sujets ont fait la part belle à tout un discours généreux mais «anti pouvoir» et à une désertification syndicale révolutionnaire, au profit de syndicats réformistes et des associations professionnelles.
Nous l’avons vérifié dans la lutte des travailleurs sociaux, assistantes sociales et éducateurs de 1992, la lutte des infirmiers avec l’émergence de coordinations. Là où le syndicalisme CGT s’affaiblissait.
Nous avons eu à imaginer comment reprendre toute notre place syndicale en étant partout pour faire connaitre nos analyses, débattre en AG, ne pas imposer un discours de ceux qui ont tout vu et tout compris, nous appuyer sur ce débat de démocratie directe pour légitimer nos propositions revendicatives et y rallier la majorité !
Ne refusant jamais le dialogue avec les coordinations, voire les intégrant, même si entre nous à la CGT le débat du «comment faire» était parfois difficile !
Militants de l’UFMICT, nous n’ étions pas spontanément acquis à cette idée de la complémentarité. C’est la lutte et sa nouvelle forme de démocratie directe qui nous a fait définir nos postures syndicales.
Dans ces luttes, la composante majoritaire «féminine» exerçant des métiers de soins traversés par les théories du «Care», des formations diplomates issues du milieu religieux, et renforcées par les thèses pétainistes (surintendantes d’usine, visiteuses sociales des familles ) n’ont pas préparé ces milieux à une réflexion révolutionnaire! Par contre les thèses du corporatisme s’y sont développées ainsi que des méthodologies caritatives venant des états-Unis.
Dans ce contexte il était illusoire et nous serions allés à une exclusion si nous n’avions pas décidé de «coller» à cette coordination en gardant notre identité de syndicat révolutionnaire pour obtenir la validation de nos propositions CGT, UFMICT, UGICT.
De même en 2011 et 2012, la lutte des cadres de santé de l’AP-HP a imposé cette alternance des pratiques:
– assemblées générales de tous les cadres de santé ;
– réunions dans les hôpitaux pour définir les revendications locales ;
– réunions des SMICT et syndicats CGT locaux ;
– réunion du collectif cadres USAP;
– réunions de la coordination des syndicats AP-HP.
Cette volonté expresse que chacun puisse avoir la parole est une nécessité. C’est difficile et fatigant ! Dans ces débats d’AG, les syndicalistes que nous sommes évaluent le manque d’informations des salariés. La complexité des stratégies de management est souvent inconnue. Dans ces AG de la démocratie directe, nous apportons les explications, les analyses, dans un riche débat contradictoire. Il y plus de richesses à y découvrir que de peurs à affronter. Un sociologue disait en 2004, « Ce qui menace la démocratie, n’est pas son excès, mais son défaut ».
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