Salaires – Contribution de Michel Dauba

« Parler salaires »

La première grande initiative de l’Ugict concernant les salaires vient au lendemain de mai / juin 68 avec le projet de « grille unique de classifications et de rémunérations, du manœuvre à l‘ingénieur »….Et c’est de la fédération des métaux que vient la première formulation concrète qui servira de base à la proposition de l’Ugict, reprise par la CGT dans son ensemble….Et cela pour des raisons qui devraient aujourd’hui interpeller la FTM (1) au moment où l’IHS confédéral envisage un colloque (novembre 2019) sur les « structures internes de la CGT : professionnelle et interprofessionnelle ».

La situation à la veille de 68 dans les entreprises de la métallurgie peut se résumer ainsi : 60 % des cadres sont « sortis du rang » (promotion interne aux entreprises) ; multiplication des écoles d’ingénieurs et apparition au milieu de la décennie des premiers IUT (bac + 3), confortant les BTS qui pour nombre d’entre eux ne passaient pas par le Bac mais étaient recrutés après la 3ème (par exemple : Ville D’Avray, Collège Technique d’où je sors et qui préparait des techniciens supérieurs de l’Aéro en 5 ans, qui deviendra en 67 un des premiers IUT)….C’était aussi l’arrivée en masse des Ouvriers Spécialisés (OS sur chaines de productions), d’origine immigrée dans l’automobile et d’origine rurale voire féminine dans la téléphonie, et qui posait des problèmes mal connus chez les militants ouvriers du modèle « P3 hautement qualifié de la « région parisienne » purs produits du « mouvement ouvrier »…..C’était aussi la montée en force des « employés » dans les grands groupes en formation, voire les premières initiatives syndicales vers les ETDA ( mensuels Employés Techniciens, Dessinateurs Agents de maîtrises )….Se rappeler que les ingénieurs et cadres étaient seuls à bénéficier d’une Convention Collective Nationale que négociait le SNCIM, existant depuis la Libération dans la Fédération CGT….Les ouvriers et ETDA n’ayant que des Conventions Collectives Régionales.

Autant de questions nouvelles qui s’étaient révélées pendant les deux mois d’occupation des entreprises, avec très fort parmi les ICT, la question de la reconnaissance des qualifications et du doit à un déroulement de carrière, aspirations dans lesquelles allaient se retrouver l’ensemble des catégories….Par exemple, déjà, les minimas salariaux garantis des grilles ouvrières (des définitions de métiers) étaient en dessous du minima interprofessionnel garanti, entraînant le problème bien connu du tassement des bas salaires dans une amplitude resserrées qui rendait impossible d’envisager une évolution de carrière digne de ce nom……Pas étonnant donc que l’idée ait prévalu pour tous : d’une Convention Collective Nationale du manœuvre à l’ingénieur, dont l’architecture serait la grille unique de classifications, avec coefficients et valeur unique du point salarial, fixant différents niveaux de qualifications et de rémunérations minimales, articulés aux niveaux de formations de l’Education Nationale.

Cinq années de négociations ont été nécessaires pour aboutir à un système reconnu par tous comme satisfaisant : cinq niveaux de l’OS au technicien supérieur, avec valeur du point définissant des salaires minimas pour toute la métallurgie….. La FTM CGT ne signera pas l’accord tout en le déclarant positif, avec comme arguments : que nous n’obtenions ni la Convention Collective Nationale comme cadre global, ni la continuité avec la Convention Nationale des ingénieurs et cadres que l’UIMM tenait à traiter séparément, ni les avenants de branches complémentaires indispensables…..
Notons que quarante ans après, la négociation de ces deux dernières années (de 2016 à 2018), visant à actualiser les classifications de 74, se sera soldée par l’ajout d’un 6ème niveau de classification pour les techniciens supérieurs, chevauchant quelque peu le bas de grille des ingénieurs et cadres….., mais toujours pas de grille unique ni de Convention Collective nationale, ni déclinaisons par branches.

(1) Depuis plus d’un siècle la FTM syndiquait les « ouvriers sur métaux ». Et si à l’origine, la téléphonie par exemple, est bien à dominante « électro mécanique » (des bobines et des relais), voyons ce qu’elle est aujourd’hui avec les portables et internet. Or la FTM regroupe toujours à elle seule : la sidérurgie, la navale, la construction électrique, la machine outil, l’automobile, l’aéronautique, l’électronique et l’informatique, etc,……Bref, une Confédération à elle seule……Pas étonnant donc qu’un travail d’élaboration d’une grille unique de classifications valable sur une telle diversité de métiers, ait abouti à un système suffisamment général (salaires minimas, carrières et classifications reposant sur les niveaux de formations de l’EN) pour devenir un projet interprofessionnel reconnu par tous au niveau confédéral….A noter que l’UIMM, qui négocie les accords pour cet ensemble, s’est toujours refusée à discuter des applications dans chacune des branches industrielles, laissant aux directions d’entreprises, selon le rapport des forces internes, le choix des modalités d’applications….A noter aussi que la décision du congrès de la FTM à Grenoble (1975) avait décidé un processus de décentralisation en Fédérations nouvelles dans chacune de ses branches industrielles, décision qui n’a jamais été suivie d’effets (je pense que ce fut dommageable pour la précision des revendications).

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