Le Paris de l’Ugict-CGT

Parcours militant de Gérard SALKOVSKI

Tout débute en 1974 où allant chercher des tracts à l’union locale CGT du 12ème arrondissement je fais la connaissance de Maurice Ramond, alors secrétaire général, qui est très intéressé par mon affiliation à l’Ugict-CGT. Travaillant dans le bureau d’études de la Société Nationale des Poudres (SNPE), situé Avenue Ledru Rollin dans ce même 12ème arrondissement que je connais par cœur y étant né et y ayant toujours travaillé, il me propose d’ œuvrer conjointement à la constitution d’un collectif Ugict-CGT. Celui-ci prendra forme et organisera des initiatives dans le secteur de Bercy où existe un nombre de plus en plus important d’ingénieurs, cadres, techniciens rattachés à des sections ou syndicats Ugict-CGT ou généraux. Composé d’une vingtaine de membres, ce collectif se réunira chaque mois et sera un lieu d’échanges, de construction d’initiatives pour permettre à ces catégories d’avoir une structure interprofessionnelle au sein de l’union locale.
Six mois plus tard je suis élu au bureau de l’union locale afin de permettre à celle-ci de travailler les convergences d’intérêts nécessaires.

En 1976, je participe à mon premier conseil national au 213 rue Lafayette où je fais connaissance avec Marc Descostes et Michel Dauba. Ce dernier m’invitera à une réunion à Paris, rue Charlot au 4ème étage, sous les combles…

1982-83, départ de Maurice Ramond pour l’union départementale, ce qui m’amènera à le remplacer temporairement à la tête de l’union locale. À la demande de l’union départementale et du responsable Ugict-CGT du département, Jean-René Kérourédan, j’intègre en mai 1983 l’union départementale et la future commission départementale pour préparer une conférence départementale de l’Ugict-CGT. Celle-ci réunit plus de 130 délégué.e.s le 18 mai, issu.e.s des entreprises parisiennes. À l’issue de cette conférence départementale un vote a lieu in extremis, afin d’élire la commission départementale. C’est une première qui doit illustrer l’orientation et la fonction de la commission départementale composée d’une trentaine de membres qui éliront le responsable et le bureau :
Jean-René Kérourédan : secrétaire général †
Gérard Salkowsky : secrétaire à l’organisation
Joachim Guénégo : secrétaire à l’activité revendicative †
Claude Chavrot : Communication
Gérard Quiquenet : Ufict Métaux USTM Paris †
André Gaultier : UFCM Centraux

La campagne Sécurité sociale, la seule et dernière qui a eu lieu illustre bien les difficultés : au CNAM dans un débat où la salle est comble, le chef de file de la liste CGT déclare que « si la Sécurité sociale est en déficit c’est en grande partie la faute aux cadres et leurs familles qui abusent de celle-ci ». Jean-René Kérourédan bondit et nous intervenons pour préciser que ce camarade exprime un point de vue personnel et que nous allons donner celui de la CGT ! Le lendemain le secrétaire général de l’union départementale menace de nous interdire de débats, ce dont nous n’avons pas tenu compte… En cette même année, la commission départementale publiera un journal « Flash infos » en direction de bases organisées. Tiré à 600 exemplaires, il perdurera jusqu’en 2003. Pour certains, il faisait soi-disant doublon avec celui de l’union départementale, le Travailleur parisien, qui de manière plus qu’épisodique relatait ou pas les initiatives et positions de l’Ugict-CGT.

Devant un nombre croissant de difficultés que constatent la commission départementale et l’Ugict-CGT, à l’issue d’une rencontre des deux secrétariats et les responsables de la commission départementale un document est proposé. Il devra expliquer de manière claire que la commission départementale est un outil de l’union départementale pour développer l’activité spécifique en direction des ICTAM de Paris et une organisation à part entière dont se sont dotés les ICTAM. Or, ne travaillant que sur un seul volet, le premier relève du catégoriel. Les deux volets sont le caractère spécifique de l’Ugict-CGT dans une confédération syndicale. Ce document sera signé par les deux parties à Montreuil. Un des arguments était : « Ils sont nombreux et il faut s’en occuper », cela pour ne concevoir les choses que sur le seul volet de l’outil et donc relevant d’une conception catégorielle, dénigrant ainsi le rôle et la place de la commission départementale. Il est vrai que ces catégories passant de 30 % à 60 % voire 70 % en 20 ans, devenant majoritaire dans le salariat parisien, provoquant l’idée de certains de passer du spécifique au général… on ne s’occupait d’ailleurs que d’initiatives généralistes voire d’une conception dite « d’empilage », les ICTAM, les employés, les ouvriers, les femmes, les jeunes, etc.

Ainsi la question du déploiement de toute la CGT en direction de ces catégories est restée lettre morte et ce jusqu’en 1995, avant d’avoir des tentatives de déploiement CGT et Ugict-CGT notamment avec les unions locales et la mise en place du collectif Ugict-CGT en leur sein. Il y en avait même qui inventaient des chiffres de ces catégories lors de commissions exécutives de l’union départementale, qui ne comptaient que ceux de la Fonction publique et encore ! ! ! au nom de leurs soit disant connaissances économiques…

En 1985 a lieu une commission exécutive de l’union départementale des plus mémorables : vous ne servez à rien ! Il n’y a pas deux CGT ! ! Le débat s’envenime à tel point qu’un camarade de la commission départementale exaspéré grimpe sur une table pour se faire entendre, à l’arrivée après quelques heures nous avons tenu ferme. Hélas ce ne sera pas la dernière commission exécutive où la commission départementale sera mise sur le banc des accusés, de quoi ?

Jean-René Kérourédan part en 1986 pour l’Ugict-CGT à Montreuil pour y développer des commissions départementales en Ile-de-France et assurer leur coordination, il cède sa place à Yves Zigman qui intégrera le secrétariat de l’union départementale. Changement de style de travail, avec plus de coordination avec l’union départementale jusqu’en 1989 où il remplace Andrée Martini à la direction de l’union départementale. Patricia Arbieu sera élue à la tête de la commission départementale.

En 1992, salle du CCN a lieu un congrès de l’union départementale des plus extraordinaires, où les délégués s’invectivent de noms d’oiseaux voire plus encore et où par personne interposée fuse un débat entre Henri Krasucki présent comme délégué et Louis Viannet secrétaire général de la CGT. C’est celui de ceux qui veulent changer et ce que l’on a appelé les gardiens du temple. Ces derniers reprochent d’aller vers le réformisme.

Des camarades seront ainsi exclus de l’union départementale, moi-même avec l’argument fallacieux que mon entreprise devenue filiale de la SNPE ne serait plus à Paris… Le bureau de l’Ugict-CGT réuni demande à l’unanimité une rencontre avec le secrétaire général de la CGT, Louis Viannet. Celui-ci m’appelle à la tribune où il est à côté de Philippe Masson autre coopérant de l’Ugict-CGT et me dit que mon problème est résolu. Je réponds du tac au tac que je n’ai aucun problème personnel mais que c’est celui d’affirmer le besoin de faire fonctionner la commission départementale qui est en jeu.

A l’issue de ce congrès, je passe de la commission départementale au bureau de l’union départementale. On m’appelle le saumon… non à cause de sa couleur mais pour sa capacité à remonter le courant.

En 1993 a lieu sous la houlette de Maïté Demons, secrétaire générale de l’Ugict-CGT une campagne de pub pour promouvoir le nouveau sigle de l’Ugict-CGT : Le Coquelicot. À Paris un cortège de voiture circule avec de grands panneaux sur leur toit, des tracts sont distribués dans tout Paris, un succès ! À tel point que Radio France demande au chanteur Mouloudji (comme un petit coquelicot) s’il en est à l’origine… Rappel : il y avait deux flyers. Le premier ne disait rien sur l’origine : « c’est une fleur qui veut dire quelque chose »

En 1995, avec l’Ugict-CGT est décidée une campagne de déploiement avec la CGT envers les ICTAM de Paris. Ce sera l’objectif de généralisation de collectifs Ugict-CGT d’unions locales, outil permettant localement ce déploiement. Certaines seront encore plus réticentes à opérer cette stratégie de déploiement.

1997 se tient ENCORE un congrès de l’union départementale « extraordinaire ». Dans son document la commission départementale ne repose plus que sur un axe, celui d’exécuter les décisions de l’union départementale, elle ne décide plus, elle ne met qu’en œuvre… les décisions prises.

On en revient au catégoriel. Le responsable de l’union régionale d’Ile-de-France (URIF-CGT) présent défend ce point de vue, à tel point que le risque est d’en venir aux mains avec des camarades de l’Ugict-CGT présents. Je fais part alors de mon intention de démissionner. Les membres de la commission départementale et de l’Ugict-CGT proposent une réunion d’urgence, où je demande le soutien de tous et de faire valoir non pas le document de l’union départementale mais celui de la confédération dans lequel il est bien mis en avant cette double nature : définir et mettre en œuvre. À l’issue je passe du bureau au secrétariat de l’union départementale, comme premier responsable de la commission départementale. Lors de la première réunion du secrétariat, je reste muet comme une tombe. Le secrétaire général me demande mon point de vue, je réponds que je n’en n’ai pas et que j’attends que l’on me dise ce que je dois faire. Silence ! ! J’exprime que si tel était mon cas, il nous faudrait appliquer les orientations confédérales et non celles de l’union départementale en ce qui concerne les structures de l’Ugict-CGT. Ainsi le document de l’union départementale a été revisité mais l’explication a été rude à sortir devant la commission exécutive, puisque c’était l’union départementale qui était de fait en dehors de clous confédéraux.

Après ce tumulte ce sera plus calme, malgré quelques rancœurs pour certains. Ce seront les scores faits par l’Ugict-CGT à Paris, qui devient la deuxième organisation d’ingénieurs, cadres, techniciens, qui porteront effet. De même, en 1999-2000 dans la campagne pour la RTT parmi ces catégories, nous verrons des dirigeants de PME demander l’organisation de débats en vue du mandatement. Nous serons même sollicités par le Parti Socialiste pour un débat sur la RTT et les cadres, nous y sommes allés.

À noter aussi qu’au fil du temps ce seront Alain Obadia, Maïté Demons, et Gérard Delahaye qui rencontreront le secrétariat de l’union départementale avec cette même interrogation : sommes-nous dans la même organisation ?

En 2002, je quitte la commission départementale de Paris après 20 ans de travail, un record et, si l’on compte les années passées à l’union locale du 12ème arrondissement on arrive à plus de 25 ans de travail Ugict-CGT à Paris. J’intègre la confédération à Montreuil sur l’économie sociale. Et moi qui me disais être plus serein, je serais des plus déçus. Après avoir mis sur pied, avec trois camarades, un véritable secteur de l’économie sociale, en particulier avec la confédération des scops sur notamment la reprise d’entreprises sous formes de coopératives, travail salué par le président des scops qui donnera le ton « depuis plus de 20 ans, c’est une première de travailler conjointement et de partager ces orientations avec la CGT ». Il y aura aussi des formations à l’économie sociale, de nombreuses publications dans le journal Le Peuple, ainsi que dans les Cahiers économiques de la CGT, etc. Économie sociale ayant quasiment disparu du paysage syndical. En 2005, on me demande de réintégrer la SNPE. Quelques temps après je suis licencié au prétexte que ma réintégration coûterait trop chère et qu’à 56 ans ½ … Après négociations avec la SNPE, je me retrouve à Pôle emploi.

En 2009, une camarade de l’Ugict-CGT me demande si je peux consacrer du temps à construire un diaporama de trois minutes retraçant l’origine et les grandes dates d’expressions de l’Ugict-CGT. Ce diaporama sera présenté à un congrès confédéral sur le stand de l’Ugict-CGT. Par la suite, il me demande de poursuivre le travail engagé et je me retrouve à chercher à la Bibliothèque Nationale, au Musée social, à l’Unesco, etc. les racines de ce syndicalisme. Travail qui sera achevé en 2012 grâce aux camarades de La Dispute d’où sortira un livre en mai 2014 intitulé « L’impensable syndicalisme ». Il fait suite à celui de Marc Descottes en 1984. Qui aurait deviné une telle histoire ?

Entre temps, un collectif « Histoire » sera mis sur pieds avec quelques camarades dont Anny Gleyroux, Annie Dosualdo, qui me soutiendront pour écrire ce livre. Il y aura une série d’initiatives comme la sortie de plusieurs panneaux sur « Les ICTAM et mai 1968 ». Collectif qui, pour perdurer, va se transformer en Institut d’Histoire Sociale Ugict-CGT tel qu’il est aujourd’hui et je serai nommé président délégué.

Après ces quelques lignes retraçant un parcours chaotique mais ô combien formateur, cela fera 45 ans de militantisme Ugict-CGT, pour laisser une trace de ce parcours aux générations futures, et mon enthousiasme encore présent.

Je tiens à remercier celles et ceux qui m’ont aidé à parfaire mon implication dans l’Ugict-CGT et dans la CGT et tous ces camarades de la commission départementale de Paris qui depuis 1983 ont persévéré dans cette construction. À Philippe Masson, coopérant efficace depuis 1990, avec son petit carnet de perles émises… Une tranche de vie à l’Ugict-CGT pour être à l’écoute de tous, de compréhension, d’humanité, d’échanges et de partage, de batailles formidables à mener pour ce syndicalisme des plus original et d’aider à aborder de manière conquérante les années à venir.

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