Métallurgie 1972 : Les cadres, adversaires ou alliés ?

Nous reproduisons ici quelques extraits d’une brochure réalisée en novembre 1972 par la fédération de la métallurgie (FTM) CGT, précédant la mise sur pied de l’Ufict Métallurgie quelques mois plus tard en janvier 1973. Le principe de ralliement des non-ouvriers à la classe ouvrière est dépassé. L’implication des ICT dans le mouvement mai 68 a bousculé les choses, même si la conception d’alliance entre ouvriers et ICT qui prévaut à l’époque ne sera véritablement remplacée par la conception de rassemblement du salariat qu’au sortir de la période du programme commun de la gauche.

 

Le cadre hier, le cadre aujourd’hui

Il y a quelques années seulement, il était impensable » que les ingénieurs, les cadres, les techniciens et agents de maîtrise puissent s’inscrire dans un mouvement syndical. Ils étaient peu nombreux faisant presque partie de la famille du   patron. SI cela existe encore de nos jours de ci, de là, aujourd’hui ils sont des milliers, de plus en plus éloignés des banquiers, des Dassault, des Boussac, des Schneider, etc. ; on les appelle cadres supérieurs, cadres ou cadres moyens comme les techniciens et les agents de maîtrise.

Dans le même temps qu’ils s’éloignent du « soleil », sauf quelque 1 % de grands « managers » irrécupérables, dans leur grande masse ils voient leur situation professionnelle ou sociale, ou les deux, se détériorer.

Plus ils deviennent nombreux, et c’est le cas actuellement, plus ils coûtent au patron et cela est à retrancher de ses profits, alors… ils se retrouvent comme les ouvriers, devant le même rapace.

D’autre part, plus le capital devient la propriété d’une minorité de capitalistes plus les grandes décisions financières et techniques leur échappent, plus leur liberté de création ou de décision est limitée.

Ils exécutent ce qui est décidé par d’autres : la gestion, l’administration, la technique, l’étude, les méthodes sont morcelées, ils se retrouveront dans l’un ou l’autre secteur d’activité toujours plus cloisonnés et devant exécuter.

Dans le même temps, les ouvriers doivent se battre de plus en plus fort, de plus en plus souvent, tous ensemble, contre la politique sociale qui leur est faite.

Les ingénieurs, les cadres, les techniciens, le constatent et y réfléchissent ; de plus en plus ils soutiennent l’action des travailleurs ou y participent.

C’est ainsi qu’en 1963, les ingénieurs des Mines ont fait preuve d’une neutralité bienveillante vis-à-vis des mineurs en grève.

Quelques années plus tard, chez NEYRPIC, les ingénieurs, les cadres, les techniciens refusaient d’appliquer une politique patronale contraire aux intérêts des ouvriers placés sous leurs ordres et, depuis il y a eu 1968…

C’est en 1968 que l’on a bien vu que, saisissant la lutte des ouvriers, les ingénieurs, les cadres et les techniciens remettaient en cause le droit divin du patronat.

Autrement dit, de plus en plus ils remettent en cause les décisions des monopoles, pour eux-mêmes, et pour les ouvriers. Cela nous permet de dire que les ingénieurs, les cadres et les techniciens tendent à échapper à la mainmise du patronat sur eux.

C’est un grave problème pour les monopoles car, pour faire face à la concurrence, pour améliorer la productivité, pour accroître les profits, ils ont besoin, non seulement de faire pression sur les aspirations économiques, sociales et politiques des ouvriers, mais il leur faut que tout l’encadrement lui-même « se dévoue » pour réaliser leur objectifs.

Autrement dit, les monopoles ont besoin de gagner les ingénieurs, les cadres et les techniciens à leur objectif de profits maximum.

Pour cela ils manient à la fois le bâton et la carotte car, si les ingénieurs, les cadres et les techniciens n’adhèrent pas aux objectifs que se  fixent les monopoles, alors toute leur politique est remise en cause puisque déjà, les ouvriers les rejettent.

D’où l’intense bataille d’intoxication menée par le patronat et le pouvoir en direction des ingénieurs, des cadres, et techniciens.

Pour le patronat et le pouvoir, tous les moyens sont bons pourvu qu’ils permettent de gagner les ICT à leurs vues, cela aidant à les imposer à la classe ouvrière,

Ceci conduit les monopoles à vouloir isoler les ingénieurs, les cadres et les techniciens de la classe ouvrière, voire à les dresser contre elle.

Une position de classe : les cadres nos alliés.

La constatation que nous pouvons faire, est qu’il s’agit donc de salariés ayant comme les ouvriers des préoccupations à satisfaire.

Ce sont donc des salariés qui ont à défendre des besoins contre le patronat.

Ce serait une erreur de confondre la masse des ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise avec les actionnaires des entreprises capitalistes ou avec quelques grands commis irrécupérables ne représentant qu’environ 1 % de la masse de ces salariés.

Nous devons avoir présent à l’esprit, que c’est le capitaliste qui a besoin de ces salariés, mais il presse sur leur masse salariale, comme il presse sur celle des ouvriers et des employés.

Nous devons être conscients que, toutes démarches revendicatives des uns et des autres, ne peuvent que se dresser contre le même exploiteur.

Ce serait faire le jeu du patronat que de considérer qu’il puisse y avoir des antagonismes d’intérêts entre les ICT et les ouvriers, alors que la contradiction principale d’intérêts se situe bien entre l’ensemble des salariés et le capital.

Face au capital, une seule organisation de masse et démocratique, la CGT

Comme le précisent les statuts de la CGT, il suffit d’être salarié pour être admis dans ses rangs :

« La Confédération Générale du Travail, régie par les présents statuts, groupe toutes les organisations rassemblant, sans distinction d’opinions politiques, philosophiques et religieuses, les salariés conscients de la lutte à mener pour défendre leurs intérêts moraux et professionnels. »

La CGT est donc une organisation de masse puisqu’elle peut regrouper en son sein l’ensemble des salariés face au capital.

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que la CGT est une organisation de classe pour tous les salariés.

Il s’agit, par conséquent, de faire leur place, toute leur place aux ICT dans la CGT.

C’est ainsi, que la CGT a créé en son sein l’UGICT coordonnant, impulsant l’activité de toutes les organisations d’ingénieurs, de cadres et de techniciens suivant les différentes branches d’industrie.

Nous sommes, par conséquent, opposés à une organisation du type de la CGC laquelle entend isoler les ingénieurs, les cadres, les techniciens, les agents de maîtrise de la classe ouvrière.

De même nous ne pouvons partager l’orientation de la CFDT tendant à les mettre objectivement dans le même moule que les ouvriers.  C’est pourquoi nous disons que la CGT est l’organisation de classe et de masse comportant des syndicats d’ouvriers et des syndicats d’ICT.

D’ailleurs dans les statuts de la FTM, il est dit :

« Les employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise, ou les employés d’une part, les techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise d’autre part, constituent leurs propres Syndicats. Les cadres et ingénieurs s’organisent dans le cadre de leur syndicat national le SNCIM (syndicat national des ingénieurs et cadres de la métallurgie) »

Ces syndicats adhérant à la Fédération, aux UD, donc à la CGT.

Pourquoi une Union Fédérale d’ICT ?

Pour mener jusqu’au bout une activité spécifique dans notre Fédération, Il nous faut donner les moyens aux organisations spécifiques de pouvoir coordonner leurs actions, de pouvoir impulser cette action, de pouvoir traduire l’orientation des USTM (union syndicale des travailleurs de la métallurgie) et comités de coordination, des syndicats d’entreprises ou locaux, afin de gagner les ICT à l’action.

Nous pensons que les ingénieurs, les cadres et les techniciens doivent pouvoir coordonner leurs efforts, s’adresser eux-mêmes à leurs collègues, les mobiliser aux côtés des ouvriers et favoriser une CGT de masse et démocratique.

Dans ce sens, nous convions les syndiqués, les organisations à différents échelons, à prendre toutes les initiatives possibles conduisant à la fois au développement de nos bases organisées et à leur coordination.

L’Union fédérale sera l’émanation de toutes les organisations spécifiques.

L’Union fédérale définira et mettra en œuvre l’action de la Fédération parmi les ingénieurs, les cadres, les techniciens et les agents de maîtrise en procédant de la même orientation qui a conduit la CGT à la création de I’UGICT à laquelle les ICT de la métallurgie adhèreront.

L’Union Fédérale assurera l’information, la liaison, la coordination des organisations spécifiques dans l’orientation et des actions de la FTM.

L’Union Fédérale pourra représenter les ICT et agents de maîtrise dans les commissions et organismes fédéraux et l’informera par tous les moyens des problèmes particuliers à ces salariés.

L’Union Fédérale assurera la liaison de ces catégories de salariés et leur proposera des modalités d’actions qui tiennent compte de leurs préoccupations et conditions spécifiques.

Pourront faire partie de l’Union Fédérale, les ingénieurs, les cadres et aussi les techniciens qui seront intéressés au premier chef, par la plate-forme revendicative qui leur sera proposée.

Nous pensons, en particulier, que les contremaîtres, les dessinateurs d’études, les préparateurs, les programmeurs, les technico-commerciaux, les informaticiens, les électroniciens, auront toute leur place dans l’Union Fédérale, partie prenante de la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie.

Les ICT doivent pouvoir intervenir dans les choix et les orientations, pouvoir sortir du domaine limité où le patronat les confine, intervenir sur les objectifs sociaux et économiques du pays.

Pour cela, il faut une véritable démocratie leur permettant avec les ouvriers, les employés, de déterminer les grands choix de l’économie du pays.

Avec les ouvriers, ils ont tout à gagner à appliquer leurs connaissances dans le but de satisfaire les besoins de notre peuple et non le profit.

Là encore, les intérêts des uns et des autres convergent contre le capital.

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