Le boomerang du « numerus clausus »

La mobilisation actuelle des médecins renvoie aux contradictions issues de la gestion du système de santé de notre pays. Elle révèle une inadaptation aux nouveaux défis et aux aspirations qui émergent chez les jeunes praticiens et praticiennes.

Le regain d’intérêt pour les centres publics de santé  est en lien avec le désir de concilier activité professionnelle et  vie personnelle et familiale.

L’augmentation du nombre de jeunes femmes médecins est un des éléments dynamiques qui pousse à ces évolutions. Le statut de salarié devient plus attractif. La recherche de travail en équipe est manifeste, comme l’est celle d’être déchargé.e de tâches administratives pour pouvoir se concentrer davantage sur une activité professionnelle qui ait du sens.

La réponse libérale s’opère à travers la création de maisons de santé. Celles-ci cherchent à obtenir des subventions d’installation en contractualisant avec des collectivités parfois mises en concurrence. Ces maisons n’impliquent pas forcément un travail partagé mais regroupent souvent des professionnels au travail juxtaposé ne développant pas ou peu une pratique collective ni une approche territoriale plus large de la santé. Cette réponse à des problèmes réels de déficit d’offres de soins mérite d’être interrogée sur les raisons qui ont conduit à la situation actuelle.

Dans la foulée de mai 68, le triomphe de l’Université s’était imposé avec le libre accès pour les bacheliers et la gratuité des études. En réaction est né le « numerus clausus ». Celui-ci était porté par des syndicats autonomes et corporatistes de médecins libéraux et d’étudiants en médecine  comme le syndicat autonome des étudiants en médecine ( SAEM) qui se revendiquait «  contre-révolutionnaire ». Il limitait le nombre de médecins formés au nom de la qualité de la formation et pour maintenir « la réputation de la profession ».

Introduit discrètement dans la loi en 1971, le « numerus clausus » a vu sa mise en œuvre accélérée à partir de 1974 par les pouvoirs publics dans une logique de diminution des dépenses médicales pour « réduire les coûts ». De 8000 médecins formés au début des années 1970, on passe à 6000 en 1981 avant une baisse continue jusqu’au 1993. Il n’y avait plus alors que 3500 médecins formés par an. La lente remontée ensuite fera qu’en 2018 les médecins formés seront au nombre de 8000 soit au même niveau que 50 ans auparavant !

La situation problématique du système de santé, mise au grand jour par la pandémie mais aussi par l’importance des déserts médicaux, traduit en fait les limites et la faillite de la gestion libérale de la médecine et du soin pendant des décennies.

L’échec des négociations de la convention médicale entre la CNAM et les médecins libéraux cristallise aujourd’hui des questions profondes qui ne trouveront des réponses satisfaisantes qu’en ne perdant pas de vue les besoins des patients, les attentes des médecins et l’intérêt général.

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