35 heures : cachez ce rapport que je ne saurais voir

Les 35 heures, les lois Aubry sont une question tellement polémique que la direction de l’Inspection Générale des Affaires Sociales a cru bon fin juin de censurer un rapport qui infirme bon nombre d’âneries assénées depuis des lustres par les gouvernements de tous bords et les libéraux les plus décomplexés. Du coup, ce rapport n’a pas été transmis au gouvernement qui se trouve opportunément délivré d’un sujet de fâcherie avec Pierre Gattaz.

Il est vrai qu’il est plus simple pour Manuel Valls d’aller déclarer sa flamme aux universités d’été du Medef que d’aller y défendre les lois Aubry. Mais cette censure n’a pas été du goût des inspecteurs de l’Igas dont certains ont choisi de faire fuiter ce rapport qui apporte enfin une réponse sur le nombre d’emplois créés par les lois Aubry. Les inspecteurs de l’Igas les chiffrent à 350 000 en quatre ans (1998-2002) et commentent : «Les arguments avancés pour contester ces créations d’emploi apparaissent fragiles. […] S’agissant de l’effet négatif des lois Aubry sur la compétitivité, aucun élément ne permet de confirmer cette affirmation.» Voilà donc un pavé dans le jardin de Pierre Gattaz et un argument décisif pour engager une réflexion pour aller au-delà des 35 heures vers une RTT à 32 heures que préconisent la CGT…et l’Igas. La première proposition de ce rapport est en effet de mettre en place les 32h au volontariat dans les entreprises, en les finançant avec un redéploiement de 3% du montant du pacte de responsabilité. Ce rapport, à la suite du rapport parlementaire rendu fin 2015, démontre que des centaines de milliers d’emplois ont été créés entre 1998 et 2002 grâce aux 35 heures, ce qui justifie une nouvelle réduction du temps de travail pour créer davantage d’emplois.

On peut imaginer pourquoi ce document de 105 pages, est embarrassant. Il relance en effet le débat sur la RTT alors même que l’exécutif vient de tordre le bras de la représentation nationale afin d’imposer un texte, la loi Travail, qui va justement permettre de déroger par accord d’entreprise aux règles sur le temps de travail. Les inspecteurs de l’Igas enfoncent le clou en affirmant que «les politiques de réduction de la durée légale du travail permettent de créer, au moins à court terme, de l’emploi à condition de respecter des conditions strictes». Plusieurs recommandations des inspecteurs, qui n’ont pas signé nommément leur rapport en raison de son caractère «polémique», laissent penser que l’emploi se porterait mieux si l’on favorisait la réduction du temps de travail. Et notamment l’emploi des cadres… au sujet desquels les inspecteurs de l’Igas recommandent la mise en place d’accords permettant de ramener la durée de travail maximale des cadres à 44 heures par semaine assortie d’une aide de l’Etat contre la promesse d’embauches de cadres.

Voilà qui devrait nourrir les débats avec nos collègues dès cette rentrée. Mais en attendant, savourez donc, si ce n’est pas encore fait, les congés payés dont nous pouvons célébrer les 80 ans.

Pour permettre que le débat qui fait visiblement peur au gouvernement ait lieu, l’Ugict publie une analyse synthétique du rapport de l’IGAS ainsi que sa version intégrale.

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Retrouvez l’analyse détaillée du rapport

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