Les ingénieurs connaissent de plus en plus de difficultés dans leur exercice professionnel, face aux charges de travail, à des stratégies imposées qui mettent en cause le service public, à la réduction des moyens, à la difficulté à être écouté, à faire valoir leur technicité, à disposer de marges de manœuvre pour être efficaces.
La DGAFP a organisé le 21 novembre une réunion sur les pratiques de l’encadrement dans la Fonction Publique et a intitulé son document de travail «l’amélioration des pratiques de l’encadrement». Et, effectivement, il y a des progrès à faire dans ce domaine, alors que la souffrance au travail monte en puissance, y compris parmi les cadres.
Dans un premier temps, la DGAFP pourrait imaginer de donner les moyens aux ingénieurs de se former, y compris à l’encadrement d’équipe grâce à des formations adaptées, en prise de poste et en formation continue, et donner les moyens aux ingénieurs de faire bénéficier leurs équipes de formations techniques voire qualifiantes.
La DGAFP pourrait également permettre aux ingénieurs de disposer des éléments de réponse aux questions des agents dans le contexte d’adaptation fonctionnelle et organisationnelle et pour leur permettre de prendre part aux décisions. La DGAFP indique d’ailleurs elle-même: «La réalité est souvent autre: décisions prises dans l’opacité, peu ou pas d’information, peu ou pas de consultation des cadres eux-mêmes par leur hiérarchie, conflits de valeurs, … sont bien souvent relevés par les cadres eux-mêmes. […] Acteur essentiel dans la mise en œuvre et la réussite des réformes, le cadre est-il correctement associé à celles-ci ? Quel que soit le niveau de management considéré une telle association est fondamentale. La réalité est cependant bien différente : nombre de cadres, y compris des cadres supérieurs, ont eu le sentiment de n’avoir pas été associés aux réformes de ces dernières années, particulièrement celles intervenues au titre de la RGPP.»
Mais la DGAFP ne dit pas comment elle va régler ce problème: il y a un gros travail à faire pour permettre aux ingénieurs de reprendre leur place dans la prise de décisions.
Les ingénieurs ne sont pas de simples exécutants des politiques publiques, et de la RGPP ou de sa petite sœur, la «modernisation de l’action publique», et encore moins des accompagnants qui éviteraient la résistance au changement des personnels qu’ils encadrent.
Il est urgent de redonner un rôle contributif aux ingénieurs, avec un réel pouvoir d’intervention sur la stratégie. L’absence d’objectifs affichés, de lisibilité des missions, la perte de repères, conduisent au désenchantement avec de plus en plus de difficultés à mobiliser les qualifications, par manque de moyens et de reconnaissance, et d’effectifs pour la mise en oeuvre. Il est urgent de de revenir à des pratiques participatives qui positionnent l’ingénieur comme un maillon au sein du collectif de travail, pour qu’il puisse exercer un droit au libre arbitre, un droit à dire non, mais aussi pour construire des alternatives en terme de projets, de techniques, de pratiques, avec le collectif de travail.
Qui plus est, les ingénieurs sont trop souvent hors la loi pour ce qui est de leur propre temps de travail. Cela a pour conséquence une dégradation des conditions de travail : horaires de travail ne permettant pas de concilier vie professionnelle et vie personnelle, et affectant directement leur santé. Il est regrettable que les diverses sollicitations urgentes, en interne ou en externe, et les surcharges de travail conduisent à disposer de peu de temps pour le management. Les résultats de la consultation «temps et charges de travail» de l’OFICT sont édifiants: 71% des A consultés ont déclaré ne pas disposer du temps nécessaire pour encadrer leur équipe de manière satisfaisante
Il s’agit maintenant de prendre en compte les difficultés et d’apporter des réponses par des actions concrètes, et pas seulement par des séminaires des cadres ! L’enjeu est de construire un mode de management alternatif. La «charte pour l’encadrement» de l’UGICT-CGT, conçue pour lancer le débat, vise ainsi à «obtenir des droits nouveaux pour un rôle contributif de l’encadrement».
Retrouvez aussi la déclaration de la CGT-Fonction Publique le 21 novembre