Les assises ont été l’occasion pour les ingénieurs d’exprimer les difficultés dans l’exercice de leur métier. La CGT demande que celles-ci soient prises en compte et qu’une attention particulière soit portée sur les jeunes ingénieur(e)s.
Les réorganisations et les baisses d’effectifs ont gravement mis à mal l’environnement de travail. La transmission de l’expérience devient incertaine. Le manque de moyens et de personnel support devient criant. Les surcharges de travail et les temps de travail non réglementaires sont monnaie courante. Ces conditions représentent aussi des obstacles majeurs à l’égalité professionnelle, alors que le nombre de femmes ingénieures peine à dépasser un quart des corps d’ingénieurs.
Les prises de décisions, dans un contexte de restrictions budgétaires, sont de plus en plus bureaucratiques et ne tiennent pas compte de l’avis des ingénieurs.
L’enquête de la DRH du MEDDE en 2012 auprès des sorties d’école de catégorie A pointait les difficultés à obtenir le poste souhaité et la quasi absence de compagnonnage pour ces nouveaux affectés. L’intérêt des missions était reconnu mais près d’un tiers des ITPE exprimaient une satisfaction « faible ou très faible ».
Le système de recrutement des ingénieurs des quatre corps est fragilisé comme en témoigne les défauts de remplissage des promos ces dernières années.
Quoi d’étonnant avec des débuts de carrière à 113% du SMIC contre 175% du SMIC il y a 20 ans qui se conjugue maintenant avec un gel des salaires apparemment sans limite, quand le hiatus devient à ce point flagrant entre les moyens proposés et les ambitions de l’Etat dans les domaines d’action des ingénieurs, quand le discours semble minorer le rôle de la technicité.
Il est urgent, comme pour les autres catégories, d’améliorer les conditions de travail, de reconnaître la qualification et la valorisation des expériences et parcours professionnels, de reconnaître le rôle contributif des ingénieurs aux politiques publiques, de revaloriser la technicité, de conforter le système de recrutement, de formation et de gestion des corps d’ingénieurs.
Cela passe aussi par des recrutements cohérents et suffisants par le concours interne et sur titre et nous partageons l’inquiétude de nos camarades TSDD, dont les promotions sont sérieusement entravées par une politique malthusienne.
Les interventions dans les assises ont fortement marqué le besoin d’un Etat à la hauteur des grands enjeux du siècle et de ses propres politiques publiques autour des questions de développement durable, transition énergétique, sous contrainte de réchauffement climatique, transports, aménagement durable du territoire.
La question du faire-faire a fortement marqué les débats des assises et elle est effectivement centrale.
L’abandon par l’Etat de l’ingénierie concurrentielle est souvent perçu comme l’abandon de l’ingénierie tout court et se double aujourd’hui de l’extinction programmée de l’ATESAT. C’est un grave gâchis de compétences, une destruction de moyens de l’Etat pour porter les politiques publiques et offrir une égalité d’accès à une ingénierie de qualité. Ce qui est évidemment aussi en cause c’est la capacité de l’Etat à mener de grands projets en maîtrisant l’indépendance des décisions publiques et en utilisant efficacement les deniers publics.
Les projets de loi décentralisation renforcent ces interrogations sur le rôle et la place de l’Etat et de ses services dont les DREAL, DDI, réseau scientifique et technique… dans la mise en œuvre des politiques publiques alors que les interventions parallèles de l’Etat et des collectivités territoriales pose la question du choix entre un recul de l’Etat et une coopération Etat/collectivités pour renforcer la cohésion territoriale.
Les ingénieurs ont très fortement exprimé une évidence : pas de faire-faire possible sans une expérience opérationnelle dans la conception et l’exploitation directe et dans la valorisation de la technicité.
Le 19 juin le cabinet du MEDDE a esquissé une position consistant à dire : l’expérience du faire pourrait être acquise dans les établissements publics ou les collectivités avant d’occuper des postes de managers ayant une« culture scientifique et technique » dans les services de l’Etat, tel que cela a été développé par le rapport Folz-Canépa.
C’est une conception évidemment réductrice de l’ingénieur-manager. Un aller-retour entre faire et faire-faire est nécessaire au maintien des compétences, que ce soit au cours de la carrière ou par échange avec des collègues de la même unité de travail.
Les ingénieurs ont par contre clairement vocation à occuper des postes de manager et à y valoriser leur technicité réelle, à pouvoir y faire entendre leur point de vue proprement technique.
Il nous paraît très dangereux de saucissonner les rôles, aussi bien pour l’Etat que pour les ingénieurs. Nous récusons l’idée qu’une GPEC des postes d’ingénieurs pourrait conduire à une identification de postes de managers et d’experts dans l’Etat en laissant la définition des postes opérationnels et de recherche et de développement uniquement aux établissements publics et aux collectivités, qui connaissent par ailleurs, eux aussi, des contraintes budgétaires.
Les interventions liminaires des forums régionaux ont fortement insisté sur la nécessité du doute. Les ingénieurs sont appelés à travailler dans des contextes plus complexes qui obligent à réinterroger leurs certitudes et à ne plus prétendre détenir seuls la vérité de l’expertise. L’évolution est certaine : à l’heure de la gouvernance à 5, l’Etat ne prend plus les décisions tout seul. Les ingénieurs peuvent justement valoriser leurs compétences et leurs connaissances dans un environnement à plusieurs acteurs, à condition que la concertation ne soit pas un simulacre, avec des décisions prises d’avance.
Nous revendiquons de pouvoir construire des carrières d’ingénieurs dans les services de l’Etat, dans les établissements publics, en collectivité en intégrant les besoins opérationnels, de R&D, d’expertise et de management à tous les niveaux.
Nous demandons que, dans ce cadre, la mobilité choisie, y compris les retours à une activité opérationnelle après un passage en gestion ou en management, soit facilitée. Nous demandons que les possibilités de passerelles, dont les détachements dans d’autres ministères ou en collectivité territoriale, soit retravaillées. Cela doit se faire en veillant à permettre des parcours diversifiés, sans modèle imposé, et sans discrimination notamment vis à vis des femmes par rapport à une mobilité géographique qui serait rendue obligatoire pour le déroulement de carrière.
Nous demandons un effort majeur de formation initiale et continue, en cohérence avec les évolutions très importantes des politiques publiques.
Les corps d’ingénieurs représentent avant tout un cadre collectif de gestion des compétences et de la technicité, un potentiel dans des domaines particuliers liés à des missions et pas uniquement un mode de gestion de compétences individuelles. A ces différents titres, ils constituent un atout majeur pour la mise en œuvre des politiques publiques. Les corps doivent être confortés et des moyens doivent être donnés pour qu’ils puissent jouer leur rôle de recrutement, de mise en réseau, de capitalisation des expériences, de valorisation des échanges professionnels dans des environnements pluridisciplinaires.
Donc, nous le répétons, pour nous les fusions de corps ne peuvent être à l’ordre du jour.
Nous souhaitons que les discussions à venir soient de vrais échanges. Les ingénieurs seront vigilants sur ce point et sauront affirmer leur volonté d’être entendus. Nous sommes convaincus que pour cela les ingénieurs auront besoin de continuer à intervenir fortement alors que les dernières lettres de cadrage budgétaire ne vont pas dans le sens d’une solution positive aux problèmes posés aux ingénieurs et au service public.
Le texte n’a pu être lu dans son intégralité, par manque de temps laissé dans l’ordre du jour.