Emplois féminins ➾ Urgence requalification

 

Pandémie et confinement ont fait éclater l’injustice du déni qui sanctionne les « métiers de femmes ».

L’effet de loupe de la pandémie et du confinement est accablant sur la situation des « métiers de femmes » au regard du principe d’utilité sociale et plus encore, du principe d’égalité. Qu’il s’agisse des infirmières, des aides-­soignantes, des aides à domicile, des salariées de la grande distribution, ce sont des femmes qui, dès le premier jour de la pandémie, se sont retrouvées en première ligne dans les secteurs qui ont contribué à assurer la continuité du quotidien et dans ceux qui ont lutté contre le virus.

 

Toutes les études de la sociologie du travail et du genre ont montré – Options en a fait état à de multiples reprises – que cette distribution professionnelle genrée relève de visions naturalistes, de croyances en des « compétences innées », « naturelles » chez les femmes, permettant ainsi de sous-valoriser systématiquement les qualifications et les capacités professionnelles mises en œuvre, les responsabilités qui les accompagnent, l’impact tant physique que psychologique. C’est ainsi que dans le secteur médical, par exemple, il est courant et admis que les responsabilités auprès de personnes malades et fragilisées soient moins bien reconnues que celles qui relèvent du budgétaire ou du financier. Dans le même ordre d’idée, les diplômes des métiers de service restent de seconde zone comparativement à ceux des secteurs techniques et industriels. Enfin, les compétences relationnelles – toujours vantées comme personnelles, voire « féminines » – ne sont pratiquement jamais considérées comme des compétences techniques et complexes. C’est ainsi qu’on arrive, in fine, à un écart salarial entre les femmes et les hommes de 26 %. 1

 

On ne compte plus les enquêtes, rapports, expertises et autres présentations plus revendicatives qui ont étayé ce constat, analysé ses causes, ses processus de reproduction et mis en avant les pistes de travail pour rompre le cercle vicieux dont il procède, à savoir la revalorisation des salaires des emplois féminisés. Si la loi sur l’égalité professionnelle de 1983 a éclairci les termes du débat en précisant qu’il s’agit d’égalité non pas « à travail égal » mais « à travail de valeur égale », la réalité peine à suivre, singulièrement du fait des employeurs. Ce qui légitime et explique les mouvements revendicatifs, tel celui des infirmières et des aides-soignantes dans les Ehpad. La crise actuelle va leur donner un nouveau souffle, interpeller les branches professionnelles, les entreprises et l’État, employeur majeur à travers les fonctions publiques. L’attribution d’une sorte de « prime de risque » serait donc loin de répondre aux aspirations à une égalité réelle, effective, d’autant que l’enjeu articule cadre professionnel et vie privée. Durant le confinement, dans une écrasante majorité de cas, ce sont les femmes qui ont, à domicile, combiné télétravail, charge du suivi pédagogique, animation de la vie familiale et gestion des tâches ménagères. Loin de relever de la seule sphère privée, ces inégalités-là s’alimentent de leurs équivalences professionnelles et de leur gestion par les employeurs.

 

Enquête Ugict

 

Les éléments contenus dans l’enquête Ugict, que nous développons dans les pages 24 à 27, indiquent le poids de la charge qui pèse sur les femmes.

– Parmi les parents d’enfants de moins de 16 ans qui continuent à travailler, 43 % des femmes et 26 % des hommes disent passer plus de quatre heures supplémentaires par jour à s’occuper de leurs enfants.
– Parmi les parents en situation de télétravail, 47 % des femmes et 26 % des hommes disent passer plus de quatre heures supplémentaires par jour à s’occuper de leurs enfants.
– 20 % des répondants disent que le confinement a engendré des tensions dans leur couple.
– Lorsque les deux conjoints sont au domicile et qu’ils ont au moins un enfant de moins de 16 ans, 28 % déclarent des tensions, contre 18 % pour les couples sans enfant de moins de 16 ans.
– 14 % des répondants ayant signalé des tensions parlent également de violences, physiques et/ou verbales. Quand les deux conjoints sont en inactivité, confinés à la maison, ce taux atteint 18 %.
– Au global, ce sont 2 % des répondants qui signalent que le confinement a engendré des violences physiques ou verbales de la part de leur conjoint.

 

Gilbert MARTIN

 

 

1. Séverine Lemière et Rachel Silvera, « Comparer les emplois entre les femmes et les hommes. De nouvelles pistes vers l’égalité salariale », La Documentation française, 2010.

 

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