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Cette montée d’exigences environnementales et la digitalisation des entreprises ainsi que la pratique permanente du numérique conduisent à une transformation profonde du rapport au travail, des mentalités, du modèle de société qui n’est pas indépendant de la question centrale de la finalité de ces mutations : d’un côté, plus d’autonomie, de créativité, d’utilité et de responsabilité sociale, de socialisation. De l’autre, un contrôle accru des individus, du taylorisme et de l’intelligence asservie par des logiciels, une intensification du travail.

Alors quels arbitrages ? Comment gagner la bataille de cette ambivalence du numérique ?

Si le numérique peut accélérer la transition écologique et développer l’économie circulaire, il peut aussi déboucher sur un contrôle accru des salariés par les employeurs, à travers la géolocalisation et l’utilisation des données privées. Le numérique peut favoriser un enrichissement du travail par l’accès à l’information, la mutualisation et le développement des échanges transversaux ou tayloriser le travail qualifié par la multiplication du reporting, des procédures et des logiciels dont le contenu borne et limite la créativité et l’autonomie des salariés.

Les outils numériques peuvent conduire à une maîtrise du travail et une liberté de son organisation ou, au contraire, à une intensification du travail, une invasion de la vie privée, jusqu’au burn-out.

Impossible d’ignorer non plus la robotisation qui peut provoquer une hémorragie d’emplois dans certains secteurs professionnels, y compris des emplois qualifiés, ou financer à travers une redistribution des gains de productivité des formations aux nouveaux métiers, tout au long de la vie, une montée en gamme des qualifications et une nouvelle RTT indispensable pour préserver le taux d’emplois.

Enfin, le numérique peut générer une plus grande autonomie, citoyenneté ou à travers les nouvelles formes d’emplois supprimant le lien de subordination du salariat au profit du lien de dépendance économique, multiplier le nombre de travailleurs dits « indépendants », conjuguant la précarité de la reconnaissance de la qualification, de l’accès à la protection sociale et favorisant un dumping social généralisé.

Rien n’est donc écrit d’avance, tout dépendra de notre capacité à peser sur le sens de la finalité des transformations.

Nous devons pousser nos équipes syndicales à être offensives, réactives dans la mise en place du numérique, à contraindre les directions à débattre de la finalité et des choix des outils numériques Donner aux syndicats tous les outils nécessaires pour consulter les salariés, pour changer le travail, le management. Organiser de véritables GPEC sur le devenir et la protection de l’emploi.

Nous devons aussi saisir l’opportunité de développement de notre syndicalisme 2.0 afin de mettre le numérique au service des luttes, de mutualiser toutes les expériences, les échanges sur les transformations du numérique, les propositions concrètes CGT.

Aujourd’hui, le numérique mis en place dans les grandes entreprises à l’initiative des directions, change les structures du travail, les outils, mais ni les modes de vie, les modes de management, les logiques de compétitivité, les pratiques des entreprises.

La question du pouvoir, de la capacité à décider dans un contexte d’évolution, n’a pas fondamentalement changé depuis la crise de 2008, même avec les phénomènes de coworking, car le numérique amène aussi une forme de diktat renforcé du court termisme, entravant la capacité à se projeter où les décisions doivent se prendre au plus vite en mettant en cause le pouvoir d’autonomie de chacun. Le pouvoir « du bas ».

Ce sont nos catégories ICTAM qui sont en première ligne dans la réorganisation d’entreprise, leur numérisation, mais aussi dans l’utilisation intensive des outils numériques. Elles sont là encore un enjeu stratégique de ces transformations.

À l’ère du numérique, la modernité de notre syndicalisme est de redonner du pouvoir d’agir aux ICTAM afin qu’ils puissent peser sur les mutations du numérique, maîtriser leur travail, y retrouver du sens, maîtriser l’utilisation des outils numériques.

Il s’agit d’analyser les risques réels du numériques, de mener les combats nécessaires contre l’instrumentalisation du numérique par le Wall Street management.

C’est au cœur des contradictions soulevées par le Wall Street management, au cœur du lieu de travail que nous devons ouvrir des perspectives, des alternatives possibles et atteignables, faire en sorte que rien ne soit écrit d’avance à la place des salariés. C’est pourquoi, l’Ugict-CGT fait des propositions :

  • pour intervenir sur le travail (doit à la déconnexion, RTT, droits d’alerte et de refus avec saisine des RIP sans sanctions, mise en place de commissions pour suivre les gains de productivité et décider de leur redistribution -exemple Orange-).
  • Pour intervenir sur le management, un rééquilibrage des pouvoirs dans l’entreprises ( nos propositions pour définanciariser le management et l’entreprise, les renforcements et créations de droits pour les salariés).

Enfin, nous avons ouvert un site avec le label pour « Pour construire le numérique autrement », avec différentes propositions, témoignages, guides à travers la plateforme Syndicoop permettant de mutualiser les initiatives et les travaux des organisations de la CGT sur le numérique.

Ces NTIC peuvent permettre de développer un nouveau type d’économie mutualisant les investissements et les risques, comme dans les Fab Lab, les coopératives d’entreprises et d’indépendants ; relevant le défi de la raréfaction des ressources, passant par une dynamique de l’économie circulaire et de partage ; une économie régénératrice également socialement en substituant à la logique de compétitivité-coût, une logique de qualité des produits et services intégrés, d’élévation générale des qualifications et leur reconnaissance, de libération de l’intelligence collective, d’engagement du salariat à partir d’une finalité au travail retrouvée.

Entre ces choix financiers et leurs propres limites dans l’épuisement de la nature et l’explosion de la cohésion sociale, ces éléments balbutiants d’une économie alternative et sociale et leur fragilité sur la question de la gouvernance « du qui décide et qui capte la valeur ajoutée », une logique sociale, économique, sociétale nouvelle se profile, dont on doit disputer, gagner la finalité de progrès social, car elle portera un nouveau modèle de société déterminant pour la place du travail, l’avenir du travail qualifié, comme celui du syndicalisme.

Texte mis en ligne le : 20 mars 2018
Version mise à jour le : 20 juin 2018

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