Quel type de syndicalisme développer face à un salariat de plus en plus qualifié, presque à part égale entre ICT et ouvriers-employés ?
La sociologie de ces deux composantes a profondément été modifiée, y compris les structures et la géographie des emplois qu’elles occupent percutant fortement leurs aspirations, mais aussi les rapports intercatégoriels dans l’entreprise et interentreprises Les ICT d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, pas plus qu’ils ne sont devenus les nouveaux prolétaires remplaçant les ouvriers-employés d’hier. Car n’en déplaise au Medef, les ouvriers-employés existent bel et bien en tant que tels dans ce pays.
Les ICT dont le nombre s’accroît, plus féminisées, plus diplômé-e-s, plus précarisé-e-s font partie intégrante du salariat tout en occupant toujours une place particulière dans l’entreprise eu égard au niveau de leur qualification, de leur degré d’autonomie et de l’étendue de leurs responsabilités sociales, économiques, voire sociétales.
Leur spécificité réside dans l’impact significatif de leur missions sur la dynamique économique des entreprises, sur la santé ou la sécurité d’autres catégories de salariés, ou encore la qualité, l’environnement de l’entreprise.
Mais cette spécificité des ICT s’illustre aussi dans les rapports différents des ouvriers-employés au travail, à la hiérarchie, aux garanties collectives et au syndicalisme.
Ils sont en première ligne dans l’organisation du travail, ils aspirent à maîtriser leur travail, leur temps de travail. Ils sont à la recherche du sens du travail, d’équilibre des temps de vie et des moyens pour exercer leur professionnalisme.
Ils n’ont pas toujours des relations conflictuelles avec la hiérarchie dont d’ailleurs ils peuvent être à la fois victimes et vecteurs.
Leur rapport au syndicalisme pose la question d’une articulation plus fluide entre l’individu et le collectif.
L’encadrement est plus syndiqué que les ouvriers-employés, mais dans des associations et ordres professionnels C’est significatif de sa volonté de briser son isolement, de se retrouver pour débattre de son vécu, trouver des repères identitaires au-delà de la diversité du groupe. Le sondage annuel de la CGT illustre cette ambivalence à l’égard de notre syndicalisme : une CGT jugée utile dans le paysage mais pas faite pour eux.
Plutôt que le conflit ouvert, les ICT souhaitent instaurer au quotidien les conditions leur permettant d’affirmer leurs convictions professionnelles, voire morales.
Ils recherchent un syndicalisme offensif qui au-delà de la défense de leurs intérêts, leur redonne le pouvoir personnel et collectif d’agir, de reprendre la main sur leur travail pour être professionnellement engagés et socialement responsables.
Ils auraient aussi une adhésion marquée à « l’idéologie du changement » : souvent au cœur des innovations, des mobilités. Pour autant, ils sont conscients des vastes opérations de déstabilisation dont ils font l’objet, où il s’agit de multiplier les réorganisations, le turnover pour tout changer afin que rien ne change. Inciter des cadres à être de plus en plus performants et sous tension permanente afin d’éviter les moments de questionnement sur l’entreprise, l’organisation du travail, la contribution de l’entreprise à la société.
Ils sont aussi à la recherche d’éléments de cohérence dans un nouveau rapport au syndicalisme.
Comment notre syndicalisme travaille à reconstruire une cohérence perdue entre ce qu’ils font au quotidien et ce qu’il serait nécessaire de faire pour bien travailler ? Comment notre syndicalisme prend en compte ces injonctions contradictoires auquel est confronté régulièrement l’encadrement ?
On peut toujours appeler à aller rencontrer les ingénieurs, cadres, techniciens. (C’est un peu gênant, parce que cela signifie que ce n’est pas naturel dans la CGT), mais il y a une nuance entre aller les voir et leur proposer de construire leur syndicalisme dans la CGT, de construire leurs revendications à partir de leur place et du rôle dans l’entreprise, de participer à tisser des convergences avec les autres catégories de salariés.
Sans espace propre aux ICT pour construire leurs revendications en lien avec leur place au travail, il n’y a pas de prise en compte pérenne de leurs problématiques spécifiques et c’est un vrai handicap pour la construction des convergences et du rapport de forces.
Il existe une crainte dans la CGT de développer le catégoriel, en clair, de rester au milieu du guet en traitant leurs préoccupations cloisonnées de celles des autres catégories de salariés. L’enjeu de la construction des convergences est donc partie intégrante de l’activité spécifique
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