Depuis plusieurs années, le contexte est dominé par la violente crise du système capitaliste. Elle trouve son origine dans l'accélération de la financiarisation de l'économie et la nécessité pour le capital de continuer de faire croître sa rémunération, au détriment du travail.
Elle engendre mise en concurrence des salarié-e-s, explosion du chômage et de la précarité, restructurations, délocalisations, casse du droit du travail, des services publics, de l'industrie, de la protection sociale, aggravation des conditions de travail.
Alors que la situation nécessiterait en France comme en Europe un projet ambitieux mettant en œuvre des politiques de rupture, nous vivons depuis mai 2012 une régression d'ampleur historique : une majorité se réclamant de la gauche prend le pouvoir et tourne immédiatement le dos à l'ambition du progrès social.
Non seulement l'alternance ne s'est pas traduite par des avancées sociales mais le président de la République et le gouvernement s'inscrivent dans la continuité des politiques d'austérité initiées par la droite, au profit du patronat et des possédants. Cela engendre colère, désillusion et défiance à l'égard du politique.
Comme le démontrent les municipales, ce climat délétère conduit en particulier à une montée de la droite la plus réactionnaire, de l'extrême droite raciste et xénophobe. Ces forces se nourrissent de la désespérance sociale et des renoncements de la majorité gouvernementale.
Elles comptent bien remettre en cause toute les conquêtes sociales des salariés et menacer la démocratie. Face à cette situation, les forces de progrès doivent passer à l'offensive. Dans ce cadre, les responsabilités du mouvement syndical sont particulièrement importantes. Le syndicalisme doit alimenter le débat au sein du monde du travail sur l'urgence et la possibilité d'opérer d'autres choix en matière économique, sociale et environnementale.
La manne des plus de 230 milliards d'euros de fonds publics dont bénéficient les entreprises constitue de ce point de vue un gisement considérable de moyens mobilisables pour une autre politique.
Il doit rassembler les salariés, retraités, jeunes et privés d'emploi pour construire les luttes et développer le rapport de forces indispensable pour en finir avec l'austérité. Cette construction doit s'opérer en premier lieu dans l'entreprise, au cœur de la confrontation de classe et de l'affrontement des intérêts antagonistes du patronat et des travailleurs.
Elle doit s'ancrer autour du travail et des enjeux dont il est porteur en termes de création et de partage des richesses, de conditions de vie des salariés, d'émancipation. Il y a urgence à rompre avec les logiques capitalistes qui nous ont conduits à la crise actuelle ! Militantes et militants de la CGT, nous sommes déterminé-e-s à œuvrer en ce sens.
C'est au nom des urgences sociales et économiques que dans plusieurs pays d'Europe, des forces de progrès s'unissent pour frayer une voie rassemblée face aux situations extrêmes vécues par les peuples. Cela nous conforte dans la recherche en France de ces voies de rassemblement. Ce n'est certes pas le chemin le plus facile mais renoncer serait laisser grande ouverte la voie aux stratégies d'accompagnement, au bénéfice du capital et de l'extrême droite, qui progresse partout sur le continent.
Nous estimons également indispensable de poursuivre la construction d'un syndicalisme de lutte et de transformation sociale progressiste, y compris en créant les conditions d'un rassemblement des organisations qui agissent dans ce sens.
Nous pensons que la stratégie unitaire du syndicalisme doit être fondée sur la volonté de retrouver la voie des conquêtes sociales, sur la défense farouche du fruit des luttes et donc sur le refus de négocier les conditions des reculs sociaux.
La bataille contre le pacte de responsabilité est de ce fait une priorité de la période et, en ce sens, nous réitérons notre attachement à la Sécurité sociale basée sur le salaire socialisé et la solidarité intergénérationnelle. Nous revendiquons l'indépendance du syndicalisme. Dans le respect du rôle et des prérogatives de chacun, nous jugeons incontournable de contribuer à la construction de réponses politiques à la hauteur des enjeux.
La situation historique dans laquelle nous sommes appelle la mise en mouvement convergente de tous ceux qui veulent agir pour trouver une issue à la crise. Dans cette perspective, il y a urgence à développer le dialogue et les convergences entre le syndicalisme et les forces de gauche portant l'ambition de transformer la société.
Un tel dialogue et de telles convergences, arrimés au développement des luttes sociales et politiques, ont été la condition des grandes phases d'avancées sociales de notre histoire récente (conquêtes du Front populaire ; mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance à la Libération ; avancées sociales du début des années 1980).
C'est à partir de cette vision des enjeux de la période que nous nous engageons dans l'appel à manifester le 12 avril sous le mot d'ordre "Maintenant ça suffit ! Marchons contre l'austérité, pour l'égalité et le partage des richesses"
Cet appel rassemblant personnalités et forces du mouvement social, associatif, politique et syndical est à nos yeux une étape importante pour rouvrir le champ des possibles et faire grandir l'ambition collective de la transformation sociale.
Appel collectif de syndicalistes (1). Pourquoi les salariés doivent-ils manifester le 12 avril ?
(1) Les signataires : Jean-Marc Canon ; Mireille Chessa ; Christophe Couderc ; Christophe Delecourt ; Lina Desanti ; Pascal Joly ; Denis Lalys ; Valérie Lesage ; Daniel Sanchez ; Baptiste Talbot ; Céline Verzeletti ; Gisèle Vidallet.
Texte publié dans la Tribune des Idées de l'Humanité le vendredi 4 avril
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