Lectures complémentaires :
· - Le texte intégral du projet de loi [à télécharger ici]
· - Le communiqué de l'Ugict CGT : "Code du travail : le gouvernement veut donner les pleins pouvoirs aux chefs d'entreprise" [à lire ici]
· - Le communiqé de la CGT : "Droit du travail : Le gouvernement hors la loi" [à lire ici]
· - Le communiqué du SAF : Avant projet de loi El Khomri : des salariés flexibles et insécurisés [à lire ici]
· - Décryptages dans la presse : à lire ici, ici, ici, et ici
La durée maximale de travail est de 10 heures par jour. Elle peut monter à 12 heures, mais avec l’autorisation de l’inspection du travail. Sur la semaine, elle est de 48 heures et de 44 heures en moyenne sur 12 semaines. Exceptionnellement, elle peut atteindre jusqu’à 60 heures par semaine, toujours avec l’autorisation de l’inspection du travail.
La durée quotidienne de travail sera toujours de 10 heures, mais pourra monter à 12 heures par simple accord d’entreprise. A défaut, il sera encore possible pour l’employeur de solliciter l’inspection du travail. Elle sera aussi toujours de 48 heures par semaine, mais pourra atteindre 44 heures sur 16 semaines (contre 12 aujourd’hui) et même 46 heures par accord d’entreprise. Le gouvernement envisageait aussi de pouvoir monter à 60 heures hebdomadaire pas simple accord d’entreprise, mais la toute dernière version du texte renvoie le dispositif à une autorisation administrative.
La durée légale est de 35 heures par semaine et les heures supplémentaires sont rémunérées 25 % de plus pour les huit premières heures, 50% au-delà. Par accord collectif, cependant, cette majoration peut être réduite jusqu’à 10 %, à condition qu’aucun accord de branche ne l’interdise.
La durée légale est toujours fixée à 35 heures. A charge, pour le chef d’entreprise, de fixer, par accord avec les syndicats, le taux de majoration, sans pouvoir descendre, comme aujourd’hui, en-dessous de 10 %. Mais un accord de branche ne pourra plus s’y opposer. A défaut d’accord d’entreprise ou de branche, la majoration restera à 25 % pour les huit premières heures et 50 % au delà.
La France est le seul pays d’Europe a avoir un dispositif de forfaits jours qui permet que le temps de travail ne soit plus défini en heures mais en jours, sans apporter de protections sérieuses contre les durées ou charges de travail excessives. C’est la raison pour laquelle la France a été condamnée à 4 reprises par le Comité Européen des Droits Sociaux, que la Cour de cassation a annulé 11 accords de branches et appelé le législateur à se mettre en conformité avec le droit européen. Les forfaits jours concernent déjà 50% des cadres et 13,5% des salariés et les conduits à travailler 46h30 en moyenne au mépris de leur santé et de leur vie personnelle.
Le dispositif est assoupli et les employeurs sont sécurisés.
- Les entreprises de moins de 50 salariés n’auront plus besoin d’accord collectif
- Les 11 heures de repos quotidiens consécutifs obligatoires pourront être fractionnées, au mépris des normes européennes et du droit à la déconnexion
- L'obligation de résultat de l'employeur en matière de santé et de sécurité est remise en cause : il ne pourra plus être tenu pour responsable si un-e salarié ne prend pas ses heures de repos ou ses jours de congés. Comme si les cadres travaillaient pendant leurs congés par choix personnel !
Pour neutraliser le paiement des heures supplémentaires sur la semaine (au-delà de 35 heures), les chefs d’entreprise peuvent moduler - et donc calculer - le temps de travail sur une période plus longue. Sur un an avec l’accord des syndicats (les heures sup sont alors payées au-delà de 1 607 par an), sur un mois maxi en l’absence d’accord (heures sup payées au-delà de 151,6 heures par mois).
Si l’employeur obtient l’accord des syndicats, cette modulation pourra se faire sur une période allant jusqu’à trois ans. En l’absence d’accord, elle ne pourra dépasser un mois comme aujourd’hui, sauf pour les PME qui comptent moins de 50 salariés, qui pourront aller jusqu’à seize semaines, soit quatre mois.
La France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits Sociaux qui impose que les temps d’astreintes s’ajoutent aux temps de repos
Le projet de loi El Khomri s’assoit sur la réglementation européenne et prévoit que les temps d’astreinte peuvent être décomptés des temps de repos.
Le temps de travail des apprentis de moins de 18 ans ne peut dépasser 8 heures par jours et 35h par semaine, sauf exception décidée par l’inspection du travail
Le temps de travail des apprentis de moins de 18 ans pourra atteindre 10 heures par jours et 40h par semaine, sur simple décision de l’employeur
75% des salariés se connectent pour travailler en-dehors de leur temps et lieu de travail, 50% des cadres travaillent pendant leurs jours de congés, 30% de déconnectent jamais. L’UGICT-CGT propose depuis 2 ans la mise en place d’un droit à la déconnexion avec des trêves de mails obligatoires pour garantir les temps de repos, des systèmes de report de la charge de travail, et une négociation obligatoire dans l’entreprise sur l’utilisation des outils numériques
Le droit à la déconnexion fait son entrée à minima. Il est intégré à la négociation sur la qualité de vie au travail (sans obligation de définir des périodes de trêve de mails) et renvoyé pour les entreprises de plus de 300 à des chartes d’entreprises qui sont rédigées par l’employeur sans négociation et n’ont pas de valeur contraignante. Cerise sur le gâteau, ces dispositions pourtant minimalistes ne s’appliquent pas avant… juillet 2017
C’est le principe du plus favorable qui prévaut pour l’essentiel avec ce que l’on appelle la hiérarchie des normes : la loi prime sur l’accord de branche qui prime sur l’accord d’entreprise, sauf si l’accord de branche ou d’entreprise sont plus favorables. Ce principe a cependant été entaillé par la loi Fillon de 2008 sur le temps de travail mais prévaut tout de même encore sur de nombreux sujets.
La hiérarchie des normes est inversée, c’est l’accord d’entreprise qui prévaut sur l’accord de branche, même quand il est moins favorable. Sur de nombreux sujets, la loi ne fixe plus de normes mais délègue ce soin aux accords d’entreprise.
Un accord n’est valable que s’il est signé par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30 % des votes exprimés aux élections et si les autres organisations pesant au moins 50 % ne s’y opposent pas. Ils sont conclus pour une durée illimitée.
Un accord d’entreprise pourra être conclu s’il est paraphé par des organisations représentant au moins 50 % des salariés. Si elles ne sont que 30 %, elles pourront alors demander l’organisation d’une consultation des salariés. Si le référendum va dans le sens d’un accord, ce dernier sera alors validé et les autres syndicats, même s’ils pèsent 70 % du nombre de salariés, ne pourront plus s’y opposer. Autrement dit, le droit d’opposition des syndicats majoritaires est supprimé et remplacé par le référendum d’entreprise. Les règles de validations ne sont plus calculées sur la base des voix exprimées aux élections mais des seuls organisations représentatives. Par ailleurs, les accords seront désormais conclus pour une durée limitée - cinq ans - et devront être renégociés à l’issue de cette période.
Les niveaux de négociations reconnus par la loi sont :
- l’échelon interprofessionnel, qui donne lieu à des Accords Nationaux Interprofessionnels qui sont ensuite éventuellement transposés dans la loi
- la branche
- L’entreprise et l’établissement
Des accords de groupe sont possibles, mais sans règles de négociations ou de critères de représentativité précis. Il ne peuvent primer sur les accords de branche ou d’entreprise. Avec la financiarisation de l’entreprise, le périmètre des groupes évolue très vite, au gré des rachats, filialisations et montages financiers organisés par les actionnaires.
- Toutes les négociations prévues au niveau de l’entreprise (sans exception) peuvent être menées au niveau d’un groupe, selon les mêmes modalités. Les accords se substituent alors d’office aux accords d’entreprise conclus avant ou après.
- De même, les accords d’entreprise « écrasent » les accords d’établissement.
- C’est donc la liberté totale pour le patronat de choisir le périmètre de négociation qui lui est le plus favorable.
En cas de difficultés conjoncturelles, un employeur peut négocier avec les syndicats un accord de «maintien de l’emploi» pouvant prévoir des baisses de salaires et / ou une hausse du temps de travail, pour une durée de cinq ans maximum. Si le salarié refuse l’application de l’accord, il peut être licencié pour motif économique. Risque pour l’employeur : voir ce motif contesté devant le juge et être condamné à verser de lourdes indemnités.
En plus du dispositif précédent, de nouveaux types d’accords pourront être conclus ayant pour but la «préservation» ou le «développement» de l’emploi. Ils ne seront donc pas limités aux entreprises en difficulté. Ces seuls motifs permettront d’imposer aux salariés la baisse des garanties prévues par leur contrat de travail (rémunération, temps de travail…). Grosse nouveauté en revanche : si un salarié refuse de voir son contrat de travail modifié suite à cet accord, il sera licencié selon les règles du licenciement pour motif personnel. Une disposition qui permet de sécuriser la procédure pour l’employeur. En effet, la «cause réelle et sérieuse» du licenciement sera impossible à contester devant le juge (à la différence du motif économique) puisqu’elle sera constituée par le refus même du salarié de se voir appliquer l’accord. Cette disposition, en contradiction avec les normes internationales (convention 158 de l’OIT) permettra de tirer vers le bas les qualifications et de généraliser les logiques de déclassement.
Lorsque les juges prud’homaux considèrent qu’un licenciement est abusif, sans motif «réel et sérieux», ils condamnent l’employeur à verser au salarié des indemnités. Les indemnités sont déterminées au regard du préjudice subi, en prenant en compte l’âge ou la situation du salarié et sa capacité à retrouver un emploi. Ainsi, le juge peut décider de donner plus à un parent isolé qu’à un salarié en couple sans enfant. La loi fixe un plancher minimum de 6 mois de salaire (pour les salariés des entreprises de plus de 10 salariés ayant plus de 2 ans d’ancienneté). En 2015, la loi Macron a voulu borner davantage ce système en plafonnant ces indemnités. Mais le Conseil d’Etat a retoqué la mesure qui prévoyait un traitement différent des salariés selon la taille de la société.
Le plancher de condamnation minimum en cas de licenciement abusif est remplacé par un plafond. Pour tous les salariés ayant moins de 5 ans d’ancienneté, ce plafond serait juste égal au plancher actuel (6 mois) ! La condamnation maximum, encourue en cas de licenciement des salariés ayant plus de 20 ans d’ancienneté, ne pourra pas être supérieure à 15 mois de salaire ! De quoi limiter le rôle des juges qui n’auront donc plus, selon le Syndicat des avocats de France, la possibilité «d’apprécier la réalité du préjudice subi». Tout en dissuadant les salariés d’attaquer leurs employeurs aux prud’hommes.
Ainsi, le gouvernement légalise les licenciements abusifs. La protection en matière de licenciements constitue la clé de voûte du code du travail : comment faire respecter ses droits, réclamer le paiement de ses heures sup ou faire usage de sa liberté d’expression dans l’entreprise si on peut être mis dehors du jour au lendemain sans motif ? Cette disposition conduira à museler les salariés qualifiés à responsabilité, qui, dès lors qu’ils remettront en cause une consigne contraire à leur éthique professionnelle ou à l’intérêt général pourront aussitôt être débarqués.
Un licenciement pour motif économique n’est valable qu’en cas de fermeture d’entreprise, de réorganisation nécessaire au maintient de la compétitivité, de mutations technologiques ou de difficultés économiques. Si l’entreprise est incluse dans un groupe, la réalité de ces difficultés est appréciée dans le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise.
Une baisse du chiffre d’affaire ou du montant des commandes pendant quelques mois suffira à le justifier. De plus, l’examen des difficultés économiques d’une entreprise appartenant à un groupe sera limité aux entreprises du groupe implantées en France, même si le secteur d’activité du groupe est fortement bénéficiaire dans sa totalité. Rappelons que les conséquences d’un licenciement pour cause économique, souvent étendues aux sous-traitants et à l’ensemble de la population d’un bassin d’emploi… sont à la charge de la collectivité.
Un auto-entrepreneur ou travailleur indépendant peut être requalifié comme salarié dès lors que le lien de subordination avec le donneur d’ordre est établi, que l’on peut prouver que le donneur d’ordre exerce un contrôle sur son travail, définit les tarifs ou que le travailleur est en dépendance économique exclusive. De nombreux procès sont en cours, en France ou aux Etats-Unis et la jurisprudence est en train de s’enrichir.
Le travailleur ne pourra plus demander à être requalifié comme salarié dès lors qu’il :
« 1. exerce une activité immatriculée au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux, à un registre des entreprises de transport ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales ;
2. définit librement ses horaires, ainsi que la durée et sa charge de travail ;
3. n’a pas de lien d’exclusivité entre la plateforme et le travailleur. »
Les travailleurs indépendants, qui pour certains sont des salariés déguisés, ne bénéficient que d’une retraite et une sécurité sociale à minima (le RSI), et paient seulement 22% de cotisation. Ils n’ont aucune couverture accident du travail, pas de protection en cas de baisse d’activité (chômage), pas d’accès à la formation professionnelle…Ils n’ont aucun droit (pas de limitation de temps de travail, de protection en cas de fin de contrat…)
Pour certains travailleurs dits indépendants, mais qui en fait pourraient relever du salariat car ils ont un lien de subordination, des droits sociaux à minima sont créés.
Condition : la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix.
Conséquences :
- prise en charge par la plate-forme de l’assurance accident de travail et de la formation professionnelle,
- droit de « refus concerté de fournir les services » et de constituer un syndicat,
- les litiges relèvent du tribunal de commerce.
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