L’arnaque de la clause du grand-père

Affublé d’un nom inspirant la bienveillance, la « clause du grand-père », mise en avant par le gouvernement pour faire passer sa réforme des retraites, est une véritable arnaque. En dissociant dans les régimes spéciaux du secteur public, le sort des nouveaux embauchés de celui de leurs aînés, elle met en cause de manière flagrante la solidarité intergénérationnelle fondement de notre système par répartition. Déjà appliquée à l’occasion d’autres réformes statutaires dans le secteur public pour diviser les agents, cette clause correspond en même temps au fil conducteur des stratégies patronales menées avec constance sur plusieurs décennies dans le privé.

Avec une jeune génération toujours plus diplômée, la dévalorisation de la qualification des jeunes a été utilisée pour remplacer les anciens et explique, pour une large part, le triste bilan de l’emploi des seniors aujourd’hui. Des jeunes sous- payés et des seniors au chômage ou amenés à accepter des baisses importantes de rémunération pour des jobs leur permettant de tenir jusqu’à la retraite, voilà le modèle de société néolibérale.

Le report de l’âge légal de deux ans ne ferait qu’amplifier cette contradiction : on n’emploie plus de seniors car on peut payer les jeunes moins cher et on augmente l’âge de départ à la retraite ! Gouvernement et patronat veulent le beurre et l’argent du beurre. Leur capacité d’anticipation pour recomposer la société sur plusieurs générations pourrait bien cependant rencontrer des obstacles sérieux.

93 % des actifs s’opposent aujourd’hui au projet de réforme des retraites ainsi que plus de la moitié des retraités auxquels on ne cesse pourtant d’expliquer qu’ils ne sont pas concernés.

Cet état d’esprit confirmé par la puissance des mobilisations amène une donne nouvelle. La crémière est bel et bien descendue dans la rue, signe que l’aspiration à un avenir solidaire est ancrée dans le monde du travail et du salariat tel qu’il est constitué aujourd’hui. Voilà de quoi s’atteler à construire une lucidité collective pour bousculer l’ordre des choses.

Jean-François Bolzinger

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