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Sur quoi porte l’entretien annuel d’évaluation ?

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Sur quoi porte l’entretien annuel d’évaluation ?

Pour être licites, les critères d’évaluation doivent relever du savoir-faire professionnel et le cas échéant des codes de déontologie ou des règles de l’art des pratiques métiers (référentiels, formation professionnelle, textes réglementaires…). Leur corrélation avec l’activité professionnelle précise du salarié doit être évidente tant pour les évaluateurs que pour les évalués.

L’évaluation ne doit pas être détournée de sa finalité, ni glisser vers le terrain disciplinaire. Les juges pourront ordonner la suspension des procédures d’évaluation qui ne respectent pas les conditions fixées par la loi, article L.1222-3. « Les méthodes d’évaluation doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie, c’est- à-dire l’appréciation des compétences du salarié. »

Les critères ne doivent pas avoir de connotation morale. Un dispositif d’évaluation qui recueille et analyse des données appartenant à la sphère personnelle du salarié (croyances, opinions politiques, religieuses, philosophiques…) est illicite.

> C’est ainsi, que le 21 septembre 2011, la cour d‘appel de Toulouse a ordonné à l’employeur AIRBUS OPERATIONS de suspendre le processus d’évaluation professionnelle mis en œuvre dans l’entreprise auprès des cadres en raison du caractère illicite de ses critères et de sa finalité disciplinaire.
« Attendu que si pour apprécier les aptitudes professionnelles d’un cadre dont l’activité n’est pas toujours quantifiable (animation de projet, direction d’équipes…), des critères reposant sur le comportement ne sont pas à priori illicites, encore faut-il qu’ils soient exclusivement professionnels et suffisamment précis pour permettre au salarié de l’intégrer dans une activité concrète et à l’évaluateur de l’apprécier avec la plus grande objectivité possible ». (cour d’appel de Toulouse, 21 sept. 2011)

> Le TGI de Nanterre a décortiqué le système complexe d’évaluation, reposant sur les « six valeurs du groupe Wolters Kluwer », tels le « focus client », « l’intégrité », « l’innovation ».
Celui-ci est déclaré illicite et le tribunal valide le refus des IRP (Comité d’entreprise et CHSCT) de donner un avis en l’état. La direction devra reprendre les consultations sur d’autres bases en fournissant des éléments précis et concrets sur ses objectifs d’évaluation : fiches descriptives des postes de travail, explicitation de ses critères par métiers, etc. (TGI de Nanterre, 5 septembre 2008, RG n°08/05/737)

La cour d’appel de Versailles a détaillé les dangers des critères comportementaux

« Considérant que la direction a précisé que ce nouveau mode d’évaluation avait pour objectif :
Non plus seulement des résultats dans l’évaluation des salariés, et de créer un nouveau modèle de leadership basé sur la recherche de résultats -le quoi -, mais aussi sur la façon dont ces résultats sont atteints- le comment.
Que ce nouveau dispositif s’appuie sur un guide de compétences comportementales, un formulaire d’évaluation et un outil informatique (…) faisant entrer dans l’évaluation du salarié une accumulation de critères se déclinant autour de sept compétences clefs, variant en fonction de sept positionnements de référence, déterminées par le guide selon quatre messages fixant des objectifs comportementaux dont l’ambiguïté de l’énoncé (Cap sur la performance durable. Parler le même langage. Faire le pari du Capital humain. Réinventer notre culture managériale), n’est pas de nature à rasséréner les élus du personnel.

Considérant que si un système d’évaluation personnelle des salariés existait déjà dans l’entreprise, la modification de celui-ci et l’instauration d’un nouveau mode d’évaluation déterminant non seulement la carrière des salariés, mais également leur rémunération, atteint nécessairement leurs conditions de travail.
Qu’en l’espèce, l’importance de la modification mesurable, est à l’aune de celle des interrogations légitimes des membres du CHSCT sur l’adéquation des critères retenus à la finalité poursuivie. »

Pour éviter des différences de traitement (salaires, primes, promotions, offres de formation, etc.), il faut veiller à l’objectivité des critères d’évaluation

Conformément à la formule systématiquement utilisée par la cour de cassation depuis 2008, une inégalité de traitement entre salariés « effectuant un même travail ou un travail de valeur égale » doit reposer sur des « raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».

La mention relative à la discrimination est importante : la Cour rejette ainsi des critères d’évaluation qui, malgré leur caractère objectif, auraient des conséquences négatives, directes ou indirectes, sur des salariés e raison de leur sexe ou pour tout autre motif discriminatoire (exemple : disponibilité appréciée sans tenir compte de l’état de santé ou de mandats syndicaux ou d’un état de grossesse).

> C’est ce qu’exprime cet attendu d’un arrêt du 5 novembre 2009 :

« et attendu, ensuite, qu’à condition de ne pas mettre en œuvre un dispositif d’évaluation qui n’a pas été préalablement porté à la connaissance des salariés, l’employeur tient de son pouvoir de direction né du contrat de travail le droit d’évaluer ses salariés ; que les résultats d’une telle évaluation peuvent constituer une justification objective des décisions de l’employeur dès lors qu’elle est fondée sur des motifs objectifs étrangers à toute discrimination prohibée. » (Cass. soc., pourvoi n°08-43112)

 

Focus fonction publique Le cadre juridique garantit une évaluation fondée exclusivement sur les mérites exempte de toute considération fondée sur un critère discriminatoire : l’article 17 de la loi n°83-634 précise que les « notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires » expriment « leur valeur professionnelle ». Aux termes de l’article 3 du décret n°2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d’évaluation, de notation et d’avancement des fonctionnaires de l’État, l’entretien d’évaluation « porte, principalement, sur les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire au regard des objectifs qui lui ont été assignés et des conditions d’organisation et de fonctionnement du service dont il relève, sur ses besoins de formation, compte tenu notamment des missions qui lui sont imparties et sur ses perspectives d’évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité (…) ».

Cette page a été mise à jour le 22 octobre 2019