Forfait en jours : le ver est dans le fruit

Genèse

La loi « Aubry II » (1) a introduit un système de forfait censé répondre à l’aspiration des cadres à pouvoir bénéficier de la RTT tout en conservant la souplesse nécessaire à la fonction d’encadrement. Sauf que cette loi a supprimé toute référence à des horaires de travail ouvrant la porte à des journées de travail sans fin . Un décret du 25 août 2000(2) a repris pour la Fonction publique d’Etat la possibilité de dispositions spécifiques  pour les personnels «  chargés soit de fonctions d’encadrement, soit de fonctions de conception et bénéficiant d’une large autonomie dans l’organisation de leur travail ou soumis à des déplacements fréquents de longue durée ». L’intervention de la CGT Equipement/Environnement avec son organisation des ingénieurs, cadres et techniciens a permis à l’époque de

-limiter l’application de ce régime aux seuls cadres de 3ème niveau : 6,7 % des cadres A en forfait jours à l’Equipement contre 48,7 % tous ministères confondus en 2003(3)

-de permettre aux cadres concernés ayant un enfant à charge de moins de 16 ans ou handicapé de relever du régime commun

-de prévoir un décompte précis de leur temps de travail afin de s’assurer du respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire de travail ainsi que des temps de repos .

et développements

Si les dispositions positives sont souvent restées lettre morte, le champ d’application du forfait en jours a tendu à s’étendre : dans la loi (2002, 2005 et 2008 et projet de loi El Khomri) comme dans notre administration.Sans parvenir à ses fins (l’extension possible du forfait en jours à toute la catégorie A voire B) grâce aux actions et interventions syndicales, le ministère a introduit dans l’instruction ARTT de 2011 la possibilité pour les cadres de 2ème niveau de passer sur ce régime certes « à leur demande expresse ».

Une jurisprudence qui remet les pendules à l’heure

-l’Etat français a été condamné à 3 reprises par le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) pour violation de la Charte Sociale Européenne en raison de « la durée excessive de travail hebdomadaire autorisée, ainsi que de l’absence de garanties suffisantes ».

-la Cour de Cassation a repris cette analyse à son compte (4) en rappelant de surcroît les obligations de l’employeur, public ou privé en matière de droits à la santé et au repos de ses salariés , de respect des garanties minimales, de suivi effectif des temps et charges de travail. Des attendus qui dépassent le seul champ des forfaits en jours,

-Le conseil d’Etat a annulé, dans une décision du 20 février 2013 et suite à un recours de la CGT, l’article 5 de l’arrêté interministériel du 27 mai 2011 relatif à l’organisation du temps de travail dans les DDI qui permettait presque d’étendre à toutes les catégories la possibilité de forfait en jours.

Forfait en jours et journées sans fin : une étude de la DARES enfonce le clou

Cette étude publiée en 2013 démontre la perversité des forfaits en jours .Pour les cadres, l’horaire annuel moyen est passé de 1765 heures en 2000 à 1867 heures en 2011 et se situe à 1939 h pour les seuls salariés en forfait jours. L’accélération est intervenue entre 2007 et 2011 où « c’est surtout la durée travaillée par les salariés au forfait qui a nettement progressé, de plus de 120h soit l’équivalent de 2,4 h par semaine . Cette progression explique plus de la moitié de la hausse de la durée annuelle effectivement travaillée des salariés à plein temps sur la période ». Tout est dit là !

  1. loi 2000-37 du 19 janvier 2000

  2. décrte n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’ARTT dans la Fonction Publique d’Etat

  3. source : Etat de la Fonction Publique en 2003

  4. arrêt du 29 juin 2011 suivi de plusieurs voisins

  5. Etudes et Statistiques .Ministère du travail

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