GRH d’une fonction publique de carrière à la gestion par les compétences

En 30 ans, le mode de gestion des trois versants de la fonction publique a profondément changé, pour passer d’une fonction publique de « production » à une fonction publique de « missions » ce qui induit de fait un changement de mode de gestion. Notre ministère est fortement impacté par ces évolutions.

L’évolution d’un ministère de l’Equipement avec un rôle global de production, vers des ministères qui accompagnent et contrôlent les politiques publiques, fait que globalement nos missions évoluent. Ce n’est pas sans impacter les personnels tant au travers des réformes statutaires liées aux missions, qu’au travers des modes de gestion, avec une tendance forte à la globalisation (logique de gestion par macro-grades) et à l’individualisation. De plus, le contexte de transformation numérique et le développement de l’intelligence artificielle vient aussi percuter l’organisation du travail et les métiers.

N’oublions pas non plus le pilotage du budget de l’Etat en mode LOLF depuis 2001 et la politique de contractualisation qui s’est développée depuis.

La GRH n’est que la transcription de l’application d’une politique.

Alors que ces évolutions sont maintenant à l’œuvre depuis une dizaine d’années, les organisations syndicales ne les ont prises en compte que tardivement.

Après avoir été introduit dans la gestion de l’encadrement, aujourd’hui le mode de gestion « par les compétences » s’installe dans toutes les catégories de personnel, avec la construction de parcours professionnels et la contractualisation de gré à gré entre l’agent.e et la ou le manager, avec quelques principes évoqués ci-dessous :

  • Les directeurs-trices d’établissements deviendront des managers à part entière, à l’instar du privé ;
  • La logique de gestion par la masse salariale va donner des pouvoirs non négligeables aux managers : choix de recrutement (quantité / qualité), fixation des primes (dans une enveloppe contrainte), promotion de grades… ;
  • les prérogatives des CAP sont réduites aux seuls recours, plaçant les agent.es dans une situation de concurrence pour la mobilité (au sein et entre corps, mais aussi avec les personnels d’autres ministères ou collectivités, via la publication des postes sur la BIEP, Bourse Interministérielle de l’Emploi Public)
  • ) et pour la promotion. Les garanties du statut laissent place à la logique d’employabilité et de contractualisation des objectifs à atteindre pour dérouler une carrière ;
  • la rémunération se décompose désormais en 3 parties dans laquelle le gain de pouvoir d’achat ne dépend plus de la revalorisation stricte de la valeur du point, mais bien de l’atteinte des objectifs de chacun ;
  • Dans ce cadre, l’entretien professionnel avec obligation de résultats a pour objectif de mesurer les efforts de chacun.e ; il redevient un outil d’évaluation ;
  • Les primes telles-que le RIFSEEP et le CIA sont des outils parfaitement adaptés à ce management. Cependant, même si les objectifs sont atteints, cela ne garantit pas une évolution positive de la part indemnitaire de sa rémunération.

Face à l’individualisation, besoin de reconstruire des garanties collectives

Dans les services, les droits d’intervention des représentant.es des personnels se heurtent au dogme du management par l’individualisation. En voici quelques illustrations :

Primes :

Avant  : les commissions indemnitaires permettaient de faire la transparence sur la répartition de l’enveloppe indemnitaire et de corriger des situations.

Demain  : les OS sont seulement informées collectivement de l’application correcte des textes par l’administration. L’agent.e n’est plus défendu et n’a plus comme possibilité que d’introduire un recours après notification de son montant indemnitaire (recours gracieux, en CAP et dans les instances juridiques de la fonction publique).

 Promotions :

Avant  : une concertation permet aux OS de s’assurer que chaque agent.e promouvable est pris en compte dans l’élaboration de la proposition du service ou de la direction dont elle/il est issu.e.  les CAP et CCP sont consultées sur les dossiers de promotion mais revendique la transparence des décisions d’harmonisation. c’est aussi l’instance où l’attention peut être portée sur les enjeux d’égalité professionnelle. Elles et ils peuvent restituer les débats aux agent.es qui en font la demande.

Demain  : est stipulé dans la circulaire 2020  que  « la proposition de promotion est un acte de management de la hiérarchie de proximité… La promotion s’établit en examinant la qualité des parcours professionnels et non plus en regardant seulement les  critères classiques ». De plus elle ne prévoit qu’une concertation par macro grade. Les CAP n’ont plus vocation à traiter des promotions, sauf en cas de recours !

Mutations :

Avant  : la CAP, bien qu’instance consultative joue un rôle majeur pour permettre un déroulement de carrière des agent.es et veiller à l’égalité femme-homme. Les représentant.es du personnel veille notamment à articuler les demandes de mutations issues de différentes instances, mais pour un même poste. Comme pour les promotions, elles et ils peuvent restituer les débats aux agent.es qui en font la demande.

Demain  : les principes régissant la mutation des personnels est remplacé par une logique de mobilité dans laquelle se mettent en place des speed dating et des salons de l’emploi inter fonction publique. La BIEP illustre cette mise en place : elle est le « pôle emploi » de la fonction publique. Dans le service, la directrice ou le directeur procède aux mutations et aux affectations sans rendre compte à qui que ce soit. La ou le manager choisit parmi les candidats, celui dont l’employabilité est immédiate avec un potentiel à développer. Le lien entre statut, missions et postes est directement mis en cause. La mise en place de ce système réduit de fait la place et le rôle des CAP, qui n’est plus qu’une instance de recours à l’initiative de l’agent, ce que le projet de loi fonction publique va officialiser.

Face à ces situations et aux pouvoirs de décision des managers, des contre-pouvoirs doivent être construits.

L’OFICT-CGT mettra ces enjeux au cœur de son congrès les 21, 22  et 23 mai prochain  Il s’agit de répondre aux aspirations des personnels mais dans un cadre de garanties qui n’exclue et ne discrimine personne. 

La CGT doit s’emparer de ces questions et proposer des alternatives en termes de garanties collectives et individuelles aux agents.

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