La conférence sociale : une perte de temps pour les ingés, cadres et techs.

Le 16 octobre 2023 étaient réunies, au conseil économique social et environnemental (CESE), les organisations syndicales et patronales à l’invitation du gouvernement. Il s’agit de la première conférence sociale organisée par le gouvernement depuis qu’Emmanuel Macron est aux responsabilités. La mobilisation historique sur les retraites en 2023 a contraint le président de la République à recevoir publiquement les représentant·es des salarié·es. Sans nous, il n’y a pas de démocratie sociale.

L’Ugict-CGT a porté un nombre conséquent de revendications

L’Union générale des ingés, cadres et techs était présente à ce rendez-vous dans le cadre de la délégation CGT. Elle a porté ses constats et revendications pour les salaires.

Le gouvernement s’était engagé à ce que la conférence sociale ne porte pas uniquement sur les bas salaires. Force est de constater que les quelques mesures proposées en sortie ne concernent que ces niveaux de salaires et n’apportent donc aucune réponse immédiate à la perte de pouvoir d’achat des ingés, cadres et techs.

Le ministère du travail documente tous les trimestres la perte de pouvoir d’achat des cadres et professions intermédiaires depuis le début de la crise inflationniste. Au 1er trimestre 2023 leurs salaires réels ont baissé respectivement de 2,1 et 1,5 % (DARES, 2023).

Pourquoi ?

  • Parce que les salaires des ingés, cadres et techs n’augmentent pas en même temps que le Smic et les prix,
  • Dans les entreprises et administrations, les employeurs choisissent de renvoyer les travailleurs·ses qualifié·es en responsabilité à des primes et à des  hausses individuelles de salaires, plutôt que de leur appliquer des hausses générales en pourcentage… Alors que cette solution prendraient pourtant en compte leurs qualifications !

En ne répondant pas aux problématiques immédiates de baisse des salaires réels des ingés, cadres et techs le gouvernement choisit de nous faire perdre du temps et de l’argent. Tout ça au seul bénéfice des employeurs et des actionnaires.

Décryptage de la conférence sociale par l’Ugict-CGT :

1 : « Création dans la loi d’un Haut Conseil des rémunérations pour dynamiser la progression des salaires  ».

Cette instance permettra de rendre visible le décrochage de nos salaires par rapport à la hausse des qualifications. Cependant, pour l’instant le gouvernement n’envisage pas qu’elle remplace le comité d’experts sur le Smic.

2 : « Sanctionner les branches professionnelles qui continueraient à avoir des minima en dessous du SMIC après le 1er juin 2024 en modifiant le mode de calcul des exonérations de cotisations patronales  ».

La première ministre a annoncé que les branches dont les minima sont durablement inférieurs au Smic :

  • seraient reçues par le ministère du travail pour qu’elles s’expliquent sur l’absence d’accord pour augmenter les minima
  • verraient leurs noms publiés

Si à échéance du mois de juin 2024 aucun “progrès” n’est réalisé, le gouvernement proposera au vote du parlement un texte de loi qui permettra de “sanctionner” les entreprises des branches concernées. Comment ? En modifiant le mode de calcul des exonérations de cotisations sociales qui ne se fera pas sur la base du Smic, mais sur celle du minima de branche.

3 : « Refondre l’index de l’égalité professionnelle créé en 2018 pour le rendre plus ambitieux, plus transparent, plus fiable et mieux contrôler son application  ».

Enfin ! La CGT critique l’index égalité professionnelle depuis de nombreuses années car il permet à des entreprises qui n’appliquent pas le principe de “salaire égal pour un travail de valeur égale” d’avoir de bonnes notes à l’index. Les critères de l’index sont par ailleurs opaques et biaisés. Malgré de nombreuses lois, une négociation de l’égalité professionnelle plus fréquente au niveau des grandes entreprises, l’égalité réelle est toujours loin d’être atteinte. En effet, les écarts de salaire restent conséquents, autour d’un quart en moins pour les femmes : tout confondu, selon l’INSEE, en 2019, l’écart de salaire serait de 22 %, mais selon une autre étude de l’Insee de 2020, sur des données de 2017, l’écart était de 28,5 %… Si la plupart des données Insee montrent un léger recul de cet écart, il n’est dû qu’à un tassement des salaires des hommes depuis la crise de 2008 et non à un rattrapage des salaires des femmes.

Par contre la fonction publique de l’état va mettre en œuvre l’index (lancien…)

4 : « Favoriser la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle en ouvrant rapidement une concertation sur la réforme du congé parental pour qu’il évolue vers une période d’interruption choisie mieux rémunérée et partagée entre les parents  ».

La CGT a posé ses lignes rouges en ce qui concerne la réforme du congé parental : il faut certes mieux le rémunérer, mais pas en réduire la durée !

5 : Les autres annonces.

En plus de ces annonces publiées sur le site du Gouvernement, la première ministre a annoncé d’autres mesures dans son discours.

Les temps partiels.

Sur les temps partiel la première ministre a annoncé l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle sur les temps partiels qui intégrera l’examen du compte épargne temps (CET), et la mise en place de dispositifs permettant aux salarié·es de cumuler les temps partiels qui seront portés par le service public de l’emploi (“France Travail”, c’est-à-dire Pôle emploi) et par l’impulsion de négociations collectives au niveau territorial.

Pour les femmes ingés, cadres et techs, le temps partiel choisi en lien avec l’organisation de la vie de famille devient rapidement un frein à la carrière. Ainsi 25 % des femmes cadres à temps partiel ont une responsabilité hiérarchique contre 38 % des femmes cadres à temps plein (Apec, 2013). C’est ce que la CGT appelle le “plafond de mère” et dénonce avec la campagne “Vie de mère” de l’Ugict-CGT depuis 2016.

La hausse des solutions d’accueil pour les jeunes enfants

La CGT revendique la création de 100 000 places d’accueil pour la petite enfance.

La mise en place d’une mission confiée à des expert·es sur les aides publiques, dont le rôle sera d’analyser les intéractions entre les salaires, la prime d’activité, les exonérations de cotisations et les exonérations fiscales.

La mission devra rendre son rapport d’ici 6 mois et ces conclusions serviront de cadre pour de “prochaines discussions”. Les cadeaux aux entreprises atteignent 200 milliards d’euros pour l’année 2022. Ces aides publiques sont versées sans contrôle ni contrepartie et représentent un tiers du budget de l’Etat. Parmi ces aides il y a des exonérations de cotisations sociales dont le montant a été multiplié par 2,8 entre 2012 et 2022. Pour la CGT, les cotisations sociales (part salariale et part patronale) représentent le salaire socialisé qui permet de financer la protection sociale de manière interprofessionnelle et collective.

La Fonction publique

Sur les salaires des 5,6 millions de fonctionnaires qui sont à 54 % des travailleurs·ses qualifié·es de catégories A et B  la première ministre a renvoyé aux prochaines annonces de son ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, sur les négociations “Accès, parcours, rémunérations (APR)” dont les premiers éléments que nous avons sont très inquiétants. La réunion avec le ministre du 18 octobre 2023 a donné lieu au départ de l’ensemble des organisations syndicales car le ministre n’a apporté aucune réponse aux revendications de mesures salariales d’urgence qu’elles portaient unanimement.

Lors de la conférence sociale la CGT a rappelé que L’État et les employeurs publics ont un rôle d’exemple à jouer.

  • Les fonctionnaires ont subi 16 % de baisse de leur pouvoir d’achat depuis 12 ans.
  • De nombreux employeurs privés ne vont pas au-delà des mesures appliquées dans la fonction pour leurs salarié·es (hausse de 1,5 % du point d’indice et des primes pour les plus bas niveaux de rémunération).

6 : Conclusions.

L’Ugict-CGT ne se satisfait pas de ce bilan de la conférence sociale qui ne répond pas aux besoins immédiats des ingés, cadres et techs en matière de salaire et d’égalité professionnelle. Nous n’en restons pas là, le patronat et le gouvernement doivent reconnaître et augmenter nos rémunérations !

Quelles suites donner à la conférence sociale sur les salaires ? 5 priorités pour l’Ugict-CGT

On peut d’abord noter que le gouvernement et le patronat ont été obligés de répondre aux sujets qui ont été mis à l’ordre du jour par la CGT et par les salarié·es, notamment dans le cadre du mouvement historique contre la réforme des retraites. Nous pouvons continuer à donner de l’ampleur à ces thèmes pour gagner des hausses générales de salaire.

1  Continuer à s’organiser pour gagner l’indexation des salaires sur le Smic et les prix

2  Poursuivre la lutte pour les salaires sur nos lieux de travail

3  Donner la priorité aux salaires sur les “dispositifs de partage de la valeur” 

4  Obtenir le conditionnement des aides publiques devient impératif 

5  Mettre la bataille de l’égalité au centre des enjeux salariaux

Et des outils pour mener la bataille des salaires :

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