Le travail en pandémie : Pour les Cadres et Techs, quels impacts ?

La pandémie de coronavirus et le confinement de toute la population qui en résulte représente  un choc considérable pour toutes et tous.

La loi d’urgence sanitaire et les ordonnances dessinent un contexte problématique pour nos libertés individuelles, pour le monde du travail et pour le devenir du service public :

  • le numérique joue un rôle majeur dans la gestion de la crise, dans l’organisation du travail mais aussi dans les risques de “fichage” que peut induire une application telle que “stop-covid” ;
  • le code du travail et les droits et garanties des agent.es de la fonction publique sont dangereusement mis en cause, le MEDEF et le gouvernement ne cachant pas leur volonté de les entériner en “sortie de crise” ;
  • la crise économique induite par le covid19, les aides massives au secteur privé, nécessaires… mais sans garantie d’alimenter l’activité réelle, l’emploi et les qualifications et avec des risques importants de reléguer les enjeux écologiques,
  • absence de mesures financières pour le service public, et notamment le secteur de la santé.

Le discours gouvernemental, et celui de la DGAFP sont porteurs de lourdes contradictions : « restez chez vous ! » et « allez travailler si vous ne pouvez pas télétravailler ». Même la SG du MTES en introduction du CHSCTM du vendredi 27 mars a estimé que cette situation était paradoxale … !

Pour les cadres, les ingénieur.es et technicien.nes, il nous faut faire avec ces contradictions.

Le cadre habituel de nos activités a volé en éclat et l’exercice de nos responsabilités tant managériales que opérationnelles s’en trouve d’autant compliqué..

Dans nos services, le confinement a été organisé le plus souvent dans l’improvisation. Une nouvelle organisation s’est imposée sans concertation et sans moyens :  télétravail généralisé sans tenir compte ni des conditions de travail – en particulier celles liées à la charge des enfants – ni des difficultés posées par l’équipement informatique et la qualité des connexions, isolement prolongé des agent.es comme des équipes de directions, conditions de travail problématiques des personnels maintenus en présentiel….

Après le 11 mai, l’impératif de protection de la santé des personnels sera omniprésent : éviter les transports en commun autant que possible, éviter les contacts rapprochés, se laver les mains en permanence pour éviter la contamination par les objets etc…consignes répétées à satiété par les médias, consignes justifiées et souvent difficiles à mettre en œuvre dans un environnement de travail.

Dans ces conditions, comment faire le mieux possible son travail, reconstruire des repères, construire les conditions de la reprise d’activité ?

L’encadrement est contraint de faire des choix d’autant plus que les directives peuvent être floues et contradictoires. Cela fait autant appel à l’esprit critique qu’à l’esprit de responsabilité. Sur quoi s’appuyer ?

Limiter au maximum la présence sur le lieu de travail et la sécuriser

Pour la CGT, la mise en sécurité des salarié.es est la première préoccupation à porter : il s’agit donc de limiter l’activité en présentiel aux seules activités essentielles et impossibles à télétravailler. L’administration doit alors mettre en oeuvre les  protections nécessaires au personnel qui se rendent sur leur lieu de travail, y compris dans le cadre des déplacements domicile-travail.

Le gouvernement, dans une logique économique de court terme (qui ne peut pas télétravailler doit aller à son travail), se refuse à faire clairement cette distinction, d’où le conflit dans le BTP, chez Amazon ou PSA.

Dans nos services et encore plus au début du déconfinement annoncé à partir du 11 mai, si ces conditions ne sont pas réunies, le personnel peut déposer un droit d’alerte ou droit de retrait pour se protéger individuellement.

Tout salarié, a fortiori l’encadrement, a un devoir d’alerte face à une situation ne permettant pas de préserver la santé.

 Définir les activités essentielles

Qu’est-ce qui est essentiel dans nos activités de service public ? C’est une question qui s’apprécie en fonction des missions des services, mais dont on peut dire que son absence représente un danger pour la population. Les soignants, en mettant leur vie en danger, le font par nécessité absolue, ce n’est pas le cas d’autres activités. Mais au-delà ?

L’actualisation des Plan de Continuité d’Activité (PCA), qui requiert l’expertise des cadres et ingénieure.s et technicien,nes, doit permettre de définir les activités essentielles à poursuivre pendant la crise.

Les CHSCT doivent continuer leurs activités à distance et analyser les situations de travail : en premier lieu, sont-elles essentielles ? Ils doivent être consultés et disposer de toutes les informations leur permettant d’apprécier l’impact des PCA sur la santé et la sécurité des personnels.

Quant aux Comités Techniques ils auraient dû être consultés sur le périmètre des activités essentielles,mais l’administration s’y est refusée.

Les procédures pour réaliser ces activités essentielles doivent être mises à jour pour respecter les gestes barrières et toute possibilité de contamination. Les chef.fes de service ne doivent pas se contenter de faire le maximum, elles et ils ont une obligation de résultat.

Animation de l’équipe

Comment animer le collectif de travail en situation de crise et de risque important pour sa santé et celle des personnels ou lorsque des proches ou des collègues sont touchés par le COVID19 ? Comment arbitrer entre objectifs à faire tenir et  trop souvent des moyens de travail inadéquats en télétravail ?

D’autres problèmes surviennent pour les personnels qui peuvent rester en contact avec le public ou qui vont sur le terrain, dont les disponibilités et le niveau de protection des masques…

Dans certains services remontent des témoignages de contradictions fortes entre volonté de continuer à obtenir un certain niveau de réalisation des objectifs et de qualité du travail et les moyens concrets…

La réglementation du travail est restée valable, jusqu’à la promulgation de l’ordonnance  Dussopt sur le temps de travail, prise sans aucune consultation des représentants syndicaux. Elle autorise des durées de travail pouvant aller jusqu’à 60h hebdomadaires et prévoyait la consultation des instances pour faire passer 6 jours de congés en confinement).

L’ordonnance du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la FPE et la FPT au titre de la période d’urgence sanitaire est venue aggraver un peu plus les tensions en forçant les agent.es à poser des congés pendant la période de confinement selon leur position et quotité de travail :

  • en autorisation spéciale d’absence (ASA) y compris garde d’enfant : 10 RTT ou congés annuels proratisés selon quotité de travail et arrêts maladie
  • en télétravail : jusqu’à 5 jours selon décision de la ou de du chef.fe de service
  • en service : pas d’obligation

Nous contestons vivement cette ordonnance et conseillons :

  • d’abord aux agent.e en ASA de systématiquement faire reconnaître leur situation comme situation de télétravail dès que leur hiérarchie ou l’un de leur collègue les interpelle ou leur demande de réaliser un travail
  • aux chef.fes de service, de trouver toute parade pour contourner cette ordonnance qui mine le moral des personnels et impacterait certainement les conditions de la reprise en sortie de confinement.

Pendant que les directions des services et établissements publics prennent position, localement, avec plus ou moins de netteté sur les modalités de poursuite des activités et les difficultés managériales ; elles demandent par contre souvent à l’encadrement d’être particulièrement attentif aux agents de leur équipe, d’avoir avec eux des contacts réguliers par mail, téléphone ou en visio, activité nécessaire mais consommatrice de temps et et inductrice d’une charge mentale supplémentaire.

L’exacerbation des tensions induites par des conditions de travail dégradées et fatigantes et par le ciblage injuste de certaines positions d’activité pour remettre en cause des droits font re-surgir des réflexes anti-cadres.

Sous la pression du gouvernement, il ne faut pas attendre des directions qu’elles prennent comme priorité la situation des agent.es. Elles voudront par contre que l’encadrement se charge de faire appliquer des directives pas toujours justifiées pour le service public et contraires à l’intérêt la protection des personnels.

La CGT : une démarche qui répond aux attentes de l’encadrement

L’OFICT-CGT travaille pour permettre à l’encadrement supérieur et intermédiaire au sens le plus large de pouvoir exprimer ses questionnements, ses problématiques et d’y construire des réponses, de porter des revendications afin d’éviter des situations de fractures ou des situations dangereuses ou injustes pour les personnels.

Plus que jamais la logique syndicale spécifique d’organisation de l’activité syndicale pour permettre à l’encadrement de s’exprimer et de revendiquer, tout en construisant les convergences paraît pertinente.

Les cadres de proximité se retrouvent plus que jamais en première ligne et face à des contradictions difficiles.

Il y a  nécessité est de pouvoir s’informer et en débattre.

L’encadrement doit pouvoir discuter les Plans de Continuité d’Activité

  • Les FAQ mises en place par l’administration suffisent-elles ?
  • Pourquoi ne pas mettre en place des forums de discussion de l’encadrement permettant de partager les problèmes rencontrés ?
  • L’information syndicale, en particulier de proximité doit pouvoir parvenir aux personnels dont l’encadrement ;
  • Les élu.es en CT et en CHSCT sont des ressources importantes. Les réunions de ces instances, qui se mettent peu à peu en place, représentent des moyens d’expression importants ;
  • Les sections syndicales et syndicats ne sont pas que virtuels et sont une source de liens et d’initiatives dont l’encadrement doit bénéficier.

L’UGICT-CGT a mis en place un site grand public « Lutte Virale » qui a pour vocation de se faire l’écho des initiatives et donc des actions, notamment de l’encadrement. C’est aussi le moyen de participer à l’enquête nationale “le travail sous épidemie”.

 

L’OFICT se prépare à proposer à l’ensemble des personnels une consultation sur les questions de management, largement rédigée avant l’épidémie. Mais comme on le voit, les problèmes posés sont au fond les mêmes « qu’avant » sauf que cette crise met en relief de manière crue l’urgence pour l’encadrement de s’exprimer, de débattre et de trouver des solutions ensemble.

Cette consultation est selon nous plus que jamais pertinente !

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