Télétravail : la forfaiture du forfait en jours !

Un dangereux précédant à l’occasion du confinement

Lors du premier confinement, la majorité des agents en situation de télétravail a basculé automatiquement dans un système de forfait -jours sans décompte horaire. C’est ainsi que 85 % des « télétravailleur.se.s » ayant participé à notre consultation sur le management furent dans ce cas. Impossible de faire valoir dès lors les dépassements d’horaires. Ceux-ci furent souvent importants, notamment parmi les cadres et manageurs de proximité . Une situation d’autant plus préoccupante que les exemples se multiplient de services voulant généraliser cette disposition.

Retour sur l’histoire du forfait en jours

Le décret du 25 août 2000, relatif à la mise en œuvre de l’ARTT dans la fonction publique d’Etat, en transposant la loi  « Aubry 2 », introduit un système de forfait en jours censé répondre à l’aspiration des cadres de pouvoir bénéficier de la RTT en tenant compte de leur besoin de souplesse. L’OFICT-CGT avait, dans le ministère de l’époque réussi à limiter aux seuls cadres de 3ème niveau cette disposition particulière, soit 6,7 % des cadres A contre 48,7 % tous ministères confondus (Rapport sur l’ Etat de la Fonction Publique 2003). Notre administration a réussi fin 2010 à en étendre le champ aux cadres de 2ème niveau et assimilés « sous réserve de leur demande expresse ». Mais l’instruction du 6 janvier 2011 sur l’ARTT dans notre champ ministériel continue de porter la marque des mobilisations de l’époque. L’ajout de cette réserve ou bien encore la possibilité pour les cadres de 3ème niveau ayant un enfant handicapé ou de moins de 16 ans, de relever du régime commun l’illustre.

Mythe et réalité

A l’inverse d’un régime fantasmé où chacun ferait ce qu’il veut quand il veut, le forfait en jours pousse, en fait, à des journées sans fin . C’est ce que confirme, par exemple, une étude de la DARES publiée en 2013. Celle-ci faisait le constat d’une nette progression de la durée annuelle de travail des salariés au forfait entre 2007 et 2011. Cette progression compte plus de 120h, soit l’équivalent de 2,4h par semaine. Cette progression explique « plus de la moitié de la hausse de la durée annuelle effectivement travaillée des salariés à temps plein sur la période ».
La jurisprudence confirme également cela. Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a condamné à trois reprises l’Etat français pour violation de la Charte Sociale Européenne. Les raisons ? « la durée excessive de travail hebdomadaire autorisée » et « l’absence de garanties suffisantes ».
La Cour de Cassation a repris cette analyse à son compte en rappelant de surcroît les obligations constitutionnelles de l’employeur :

  • droits à la santé et au repos de ses salariés,
  • respect des garanties minimales,
  • suivi effectif des temps et charges de travail.

Imposons le décompte horaire du temps de travail dans tous les cas !

Le décompte horaire a permis de mettre en évidence les temps de dépassement et leur évolution, de limiter certains abus. C’est au contraire sa généralisation qui doit être à l’ordre du jour !

L’OFICT CGT se bat pour :

  • le télétravail avec un mode déclaratif et non intrusif
  • limiter les cadres en forfait-jours et appliquer l’instruction précitée en vigueur (voir paragraphes ci-dessous)
  • une mise en œuvre effective du droit à la déconnexion

Extrait de l’instruction ARTT du 6 janvier 2011 (en vigueur mais guère appliquée)

Même dans le cadre d’un décompte en jours de travail, la durée maximale journalière et hebdomadaire ainsi que les repos devront être respectés. Afin de s’assurer du respect par ces agents des temps de travail maximums et des temps de repos minimums prévus par les garanties minimales, il sera nécessaire d’assurer le décompte exact de la durée de leur travail.
Ainsi, il sera demandé à ces agents de mentionner, chaque jour, leur heure de prise de service, la durée de la pause méridienne et l’heure de fin de prise de service. Ces éléments devront être tenus à jour et présentés à toute demande de leur hiérarchie, notamment à l’occasion des contrôles hiérarchiques internes. En effet, leur supérieur hiérarchique pouvant éventuellement être tenu responsable du non respect de ces garanties minimales, il lui appartient d’en exercer le contrôle.
Si un dispositif d’horaire variable a été mis en place, les modalités de décompte qui y sont liées pourront être utilisées.

Extrait de la note de gestion ministérielle sur le télétravail du 28 novembre 2016

S’agissant des agents soumis au décompte en jours de la durée du travail, et sans préjudice de l’application des garanties minimales que doit respecter l’organisation du travail, ils peuvent être joints, sous les réserves rappelées ci-dessus pour l’utilisation de ces termes, pendant l’intégralité des périodes d’ouverture du service définies par le règlement intérieur de leur structure de rattachement.

Les cadres en forfait jour sont par exemple joignables entre 7h  et 20h, bonjour le progrès social !

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