L’affaire Concorde

 Hommage aux techniciens et à leurs syndicats

L’émergence des catégories techniciennes.
En 1969, l’UGIC devient l’UGICT et regroupe dorénavant les techniciens. Les luttes et les occupations de 1968 ont en effet révélé la capacité collective des techniciens d’intervenir dans la gestion et les orientations stratégiques des entreprises. Les années 1960 ont vu le savoir-faire des techniciens se matérialiser spécifiquement avec des qualifications et des responsabilités les rapprochant des ingénieurs et cadres.
Nous rendons compte ici d’une publication de 1965 produite Jean TOUSCOZ fondateur du CERCI (Centre d’études et de recherches sur la coopération internationale) pour l’Annuaire français de droit international.
Au début des années 1960 la France et l’Angleterre s’engagent sur un projet de construction d’un avion supersonique. Au-delà de l’intérêt de ce nouvel avion qui divise par deux le temps de transport aérien, c’est aussi l’occasion de s’émanciper des USA et de développer des domaines de haute technicité qui auront des utilisations multiples dans l’industrie
Suite à des changements gouvernementaux et à la volonté des Britanniques de revenir sur leurs engagements en abandonnant le projet, le gouvernement français tentait avec difficultés de maintenir la coopération mais c’est l’intervention syndicale qui fut décisive.
Un projet sauvé par les hommes chargés de le réaliser.
Jean TOUSCOZ : « Ce qui va être déterminant, c’est l’intervention des syndicats des industries aéronautiques française et britannique auprès du gouvernement anglais. L’abandon du projet Concorde entraînerait en effet de lourdes conséquences sur l’emploi et le niveau de vie des travailleurs de l’aéronautique en France comme en Angleterre. »
Le secrétaire général de la fédération de la métallurgie CGT intervient alors, ainsi que les fédérations FO de la métallurgie et des transports. Des échanges ont lieu à Paris puis à Londres entre les syndicats français FO, CFDT, CGT et CGC et les syndicats britanniques. Ils débouchent sur un communiqué commun pour que le projet soit poursuivi avec des mobilisations qui vont amener le gouvernement travailliste à rouvrir la coopération sur le projet.
Cette mobilisation, note Jean TOUSCOZ, « a revêtu un caractère remarquable : les syndicats qui sont intervenus dans l’affaire Concorde sont uniquement représentatifs des techniciens associés à la réalisation du projet, les syndicats d’ouvriers ne sont pas intervenus directement.
Les arguments évoqués ont été non seulement économiques et sociaux mais aussi d’ordre technique …notamment l’intérêt du projet Concorde pour le développement de l’industrie aéronautique. Ces probabilités de réussite technique ont été démontrées.
Il ne paraît donc pas excessif d’affirmer que le projet Concorde a été sauvé par les hommes qui sont chargés de le réaliser.
Cette émergence des syndicats à la vie internationale, leur rôle comme groupe de pression à ce niveau présente un grand intérêt pour la science des relations internationales. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas nouveau et a déjà fait l’objet de nombreuses études.
Ce sont des techniciens de nationalités différentes mais habitués depuis plusieurs années à unir leurs efforts pour réaliser une entreprise internationale commune qui sont intervenus pour en permettre la réussite.
Ainsi la coopération internationale établit-elle des liens réels vécus à d’autres niveaux que celui des gouvernements et peut entraîner dans certains cas une redistribution du pouvoir de décision internationale qui ne peut être exercée discrétionnairement par les organes étatiques ».
On pourrait rajouter « et capitalistiques » lorsqu’il s’agit de firmes multinationales.

Jean-François BOLZINGER

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