Avec 28,8% des voix aux comités techniques, La CGT demeure première organisation syndicale dans la Fonction publique territoriale. Le score de la CGT se renforce dans de nombreuses collectivités. La CGT remercie les personnels pour leur confiance et se félicite de leur choix, car il atteste de leur combativité et de leur exigence de politiques de progrès en rupture avec celles actuellement menées. Dans le contexte politique et social actuel, cette confiance nous confère aussi des responsabilités
Une grave crise démocratique.
Le soutien que recueille le mouvement des « gilets jaunes » dans la population ne peut que contraster avec le discrédit croissant des élites, politiques et journalistiques, et l’attitude d’un gouvernement affaibli qui joue la carte répressive.
Le sentiment grandissant des citoyens d’une captation de la démocratie par les responsables politiques est illustré par une abstention grandissante tant dans les élections politiques que professionnelles.
Qu’Emmanuel Macron ait été élu par défaut ou par un concours de circonstances est une évidence que sa mise en scène d’un présidentialisme exacerbé ne rend que plus grotesque et révoltante. Mais au passage, les formations politiques classiques de gauche et de droite semblent avoir sombré durablement. Du coup, la distance est maximale entre d’une part un pouvoir politique perçu comme l’appropriation des institutions par une petite élite parisienne de technocrates et de rentiers du monde économique et financier et, d’autre part, un peuple » ou une « base » se retrouvant plus que jamais sans représentation et sans médiation avec ce pouvoir politique. Le désarroi des élus locaux est en ce sens révélateur et inquiétant. Il est du reste passé trop inaperçu, ou bien a été lui aussi trop vite ramené à de simples questions de fiscalité. Qu’un maire sur deux déclare être à bout et ne pas vouloir se représenter aux prochaines élections municipales est un fait qui peut également être pris comme un signal d’alarme.
Les agentes et agents territoriaux : une exception ?
Avec plus de 50% de participation dans la fonction publique territoriale, ces élections professionnelles confirment la représentativité et la légitimité des représentants syndicaux des agentes et des agents territoriaux.
C’est sans doute parce que la cohésion sociale de la fonction publique territoriale fait encore sens autour de valeurs du service public, de la reconnaissance de leur travail, de l’intérêt social de leurs nombreuses activités.
Le service public et la fonction publique sont en permanence dans l’actualité : au cœur de la discussion budgétaire qui occupe chaque automne le Parlement, dans la suppression du statut des cheminots comme conséquence de la réforme du code du travail, dans l’affaire Benalla, contractuel de l’Élysée, et à propos des problèmes les plus importants de la vie quotidienne en société dans la santé, l’éducation, la sécurité, la justice, la culture, etc.
Ainsi, à travers les services publics ce sont les problèmes politiques les plus importants qui sont posés. Ils représentent environ le quart de la population active du pays, près de 7 millions de salariés des administrations, des entreprises et des organismes publics, la fonction publique représentant 80% des effectifs de l’ensemble. Mais le service public c’est aussi une histoire, une culture, une conception politique de la vie en société et, par là, un enjeu politique majeur.
Depuis 1984, le secteur public a été affaibli, jusqu’à nos jours, par des vagues de privatisations et des dérégulations. La gestion administrative a été déstabilisée par la LOLF, la RGPP et l’idéologie managériale. Le statut des fonctionnaires a subi des offensives (Galland 1987, Pochard 2003, Sarkozy 2007, Silicani 2008) et des dénaturations (225 mesures législatives – respectivement 30, 50, 84, 61 pour les quatre titres- et 300 réglementaires), mais manifeste sa solidité.
La participation électorale à ces élections, qui résiste plutôt bien, les choix confirmés par les électeurs d’une préférence accordée aux organisations combatives et en opposition avec les choix politiques actuels sont des atouts majeurs qui permettent de tenir la fonction publique territoriale à l’écart de l’état de décomposition sociale qui tend à caractériser notre société.
Les responsabilités de l’encadrement.
Les pouvoirs politiques et leur encadrement décisionnel auraient intérêt à mesurer la chance que constituent ces résultats. L’existence de représentants crédibles, à condition qu’ils soient quelque peu écoutés, peut permettre d’éviter un délitement qui s’affirme partout ailleurs. C’est la fierté d’être fonctionnaire qui a permis de garder un sens à leur travail lorsque des mutualisations, fusions de services, réorganisations totales, souvent extrêmement rapides, brutales et méprisantes, sans concertation, sans explications, sans accompagnement. Mais le développement de l’absentéisme, l’expression du mal-être au travail, les risques psychosociaux, le développement des suicides montrent que cette dernière digue est fragile.
On peut continuer à disserter sur la conduite du changement, solliciter des « experts » pour théoriser à loisir sur le sujet, développer des formations managériales pour disséquer les modalités d’action permettant « d’anticiper les tensions ». Tout cela pour réorganiser sans référence au sens de l’action publique et dans le plus total mépris humain. On peut aussi prendre une autre direction.
Un rapport du Conseil économique, social et environnemental adopté ce 11 décembre, souligne qu’il « apparaît peu conforme la réalité observée de mettre en cause le cadre statutaire […] Celui-ci implique, certes, des sujétions en termes d’affectation pour les fonctionnaires mais reste, en ce sens, une garantie pour l’égalité, la continuité et l’adaptabilité des services publics ». Plus loin, ce rapport indique que « Les employeurs publics ne devraient donc pas regretter d’avoir des salariés de niveau plus élevé que le strict nécessaire, dans une situation de complexité croissante des besoins auxquels il faut répondre. Mais ce décalage nécessite l’optimisation conjointe de l’organisation des services, des fonctions attribuées aux personnels, de la reconnaissance des qualifications réellement exercées et de l’amélioration de leur déroulement de carrière. Un dialogue social enrichi devrait assurer l’articulation de ces quatre éléments, gage de l’adaptabilité de la fonction publique à l’évolution de ses missions ».
L’encadrement a un rôle particulier à jouer dans les enjeux de compréhension et d’interprétation des orientations et du fonctionnement des collectivités. Tout à la fois vecteur réquisitionné de l’idéologie managériale et victime de cette dernière, donneur d’ordre au comportement très étroitement surveillé, il n’est que rarement en capacité d’affirmer ses positions au grand jour. L’association des syndicats par la négociation et la mise en débat des enjeux du travail peut permettre à l’encadrement de retrouver ses responsabilités dans la protection des personnels et dans une cohésion de sens qui ne peut qu’être favorable à la population. Donnons-nous les moyens, chacun à notre place, d’affirmer que oui, les agents de la Fonction publique s’honorent d’être au service de l’intérêt général ; que oui, ils méritent que leur travail soit reconnu à sa juste valeur ; que oui, nous sommes fiers d’être fonctionnaires et agents publics !
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