[Podcast Ép. 59] Billet 🔊 – Orpea : l’argent n’a pas d’odeur, mais ça pue quand même

Temps de lecture : 4 minutes

La révélation de la maltraitance institutionnelle des personnes âgées dépendantes par le livre Les Fossoyeurs n’a pas fini de faire couler de l’encre, tant le caractère systémique des faits prend à la gorge et donne la nausée.

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Il aura fallu cette enquête journalistique et le courage de plusieurs lanceurs d’alerte ainsi que de nombreux témoins pour que des faits déjà connus explosent. Cette affaire confirme la nécessité d’une véritable protection des citoyens, des journalistes et des travailleurs qui osent parler, dénoncer des faits, faire émerger des affaires.

Et de ce point de vue, on ne peut que se réjouir de l’adoption le 1er février en commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs de la proposition de loi transposant la directive européenne sur les lanceurs d’alerte, portée par le député Sylvain Waserman. Une victoire saluée par la CGT des Ingénieurs, Cadres et Techniciens, le Syndicat National des Journalistes CGT et par la coalition de 36 associations pilotée par la Maison des lanceurs d’alerte. L’Ugict-CGT, qui a ferraillé depuis 10 ans pour l’adoption de cette proposition de loi, y voit « une étape très importante pour permettre aux salarié·e·s d’adosser leur responsabilité professionnelle à l’intérêt général et de faire primer leur éthique professionnelle sur les directives financières ».

Et justement, on a vu dans cette affaire Orpea combien les directives financières ont été déterminantes. Repas rationnés, personnes âgées abandonnées dans leurs excréments, laissées sans soins pendant des jours… mais aussi personnels muselés, empêchés de se défendre. Les dégâts causés par la voracité des actionnaires d’Orpea ont été couverts par un aveuglement complice des pouvoirs publics et des gouvernements trop contents de glorifier cette « silver economy » si prometteuse. On fait mine de découvrir et de s’étonner aujourd’hui que les contrôles sanitaires, que les inspections du travail aient pu être à ce point inexistantes ou inopérantes : c’est oublier à quel point les services de l’État sont depuis des années empêchés de faire tout simplement leur travail.

Souvenons-nous il n’y a pas si longtemps de l’affaire Anthony Smith, cet inspecteur du travail de la Marne sanctionné par Muriel Pénicaud parce qu’il avait osé exiger qu’une société d’aides à domicile qui s’occupe justement de personnes âgées fournisse des masques à ses salariés lors du premier confinement. Surtout, ne pas mettre des bâtons dans les roues des acteurs privés de cette économie si juteuse…  Car on parle de gros profits, qui attirent de très gros acteurs. C’est ainsi que les retraités CGT de PSA Sochaux ont exhumé le « Document d’enregistrement universel et le rapport financier annuel 2020  » de Peugeot Invest, la société financière de la famille Peugeot. Il affirme sans vergogne vouloir « tirer profit des macrotendances » et se « focalise sur des entreprises qui opèrent sur des marchés ou tendances à forte croissance ce qui réduit son exposition aux risques ». Et l’on apprend en page 42 de ce document que Peugeot est le deuxième actionnaire d’Orpea à hauteur de 5 %. Et que « le 26 juillet 2018, après onze ans au capital de la société, Peugeot Invest a cédé 550 000 titres, soit 0,85 % du capital pour 63,8 millions d’euros ». Des profits sur lesquels l’enquête Les Fossoyeurs jette une lumière glauque, d’autant que l’établissement financier du constructeur automobile est représenté au conseil d’administration d’Orpea et que son représentant siège également au comité d’audit ainsi qu’au comité des nominations et rémunérations.

Autre information édifiante tirée de ce document, le premier investisseur d’Orpea est le Canada Pension Plan Investment Board (CPP Investments), un fond de pension. De là à penser que pour payer les retraites des travailleurs canadiens on rationne les couches et les biscottes des retraités résidents en France et dans 23 pays, il n’y a qu’un pas…

 

Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT

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