Projet de loi fonction publique : quelles conséquences pour les cadres territoriaux ?

Le projet de loi dit de transformation de la fonction publique a été rejeté au CCFP et au CSFPT par l’ensemble des organisations syndicales. Faisant preuve de surdité sociale, le gouvernement maintient ce projet de démantèlement du statut de la fonction publique et du service public.

Le new management public a tendu à faire des cadres territoriaux des Cost killer, sommés de réduire les moyens de fonctionnement du service public. La loi de transformation de la Fonction publique vise à en faire des postes killer. Armés de la rupture conventionnelle et des directives issues de la contractualisation financière, ils auront à gérer des équipes de collaborateurs précarisés ; tels des chefs d’agence d’intérim. Leur formation évoluera afin de les adapter à cette nouvelle structuration de la fonction publique qui n’en aura plus que le nom. Les conséquences sur le service public seront à l’aune de ces processus et irons de pair avec une autre conception de la fonction publique substituant au principe d’égalité de traitement des usagers, des critères de solvabilité des clients et d’abandon de missions. Une fonction publique réduite au minimum, où la qualité cède le pas à l’austérité budgétaire, et qui n’a besoin que de quelques cadres aux ordres, privés de leur éthique professionnelle et citoyenne.

Des chefs d’agence d’intérim gérant des équipes précarisées

Les cadres territoriaux sont amenés à devenir des chefs d’agence d’intérim. En effet, une bonne part de leurs collaborateurs sera recrutée sous la forme juridique du Contrat de Projet. Il s’agit d’un CDD de 6 ans maximum, sans déroulé de carrière, sans droit à intégration, sans droit réel à formation.

Comme le souligne Emilie Chalas, députée LaREM de l’Isère et future rapporteure du projet de loi de transformation de la fonction publique, « Le contractuel est embauché très vite à la discrétion de l’employeur public sur un salaire avec une mission pour un temps donné. En revanche, il n’est pas possible de faire évoluer la personne sur ce contrat-là. »

Qui décidera qu’une mission relève d’un Contrat de Projet ? Les cadres n’auront absolument pas leur mot à dire. Ils ne

seront plus décideurs en matière de recrutement. Les employeurs imposeront le recours à cette nouvelle forme de précarité. En effet, cet outil a été élaboré pour eux. Pour Emilie Chalas, ce CDD de projet est « au service des employeurs publics, puisqu’il leur offre plus de souplesse dans la gestion de la masse salariale. »

Quant aux ruptures conventionnelles, elles s’inscriront dans des logiques financières. A l’image de ce qui prévaut déjà avec la contractualisation financière et qui conduit à la suppression mécanique de 10 000 à 13 000 postes dans la fonction publique territoriale chaque année. Les cadres territoriaux seront donc réduits à gérer des flux d’effectifs avec des entrées (en CDD) et des sorties (rupture conventionnelle) comme le ferait le chef d’une agence d’intérim.

Le cœur du métier de cadre territorial n’est pas d’être un cost killer ou un poste killer. Ce changement de modèle de gestion des personnel.le.s de la Fonction Publique est en opposition avec nos valeurs et percute directement les notions d’éthique professionnelle. Ces dispositions augurent d’un changement radical de la conception et de la reconnaissance de l’encadrement de direction, dont l’indépendance vis-à-vis du politique dans le cadre de la continuité du service public laissera la place au devoir de loyauté quel que soit le contenu des directives.

La contre –réforme de la fonction publique vise à mettre fin à l’indépendance, notamment au principe de la séparation du grade et de l’emploi. Elle signifie la fin du fonctionnaire citoyen La fragilité des futurs contractuels de projets ne leur permettra pas de résister à la pression d’un élu si celle-ci est contraire l’intérêt général.

Gestionnaires de l’individualisation des carrières et des salaires

La remise en cause des prérogatives des CAP en matière de promotion et d’avancement de grade signifie la fin de toute garantie collective en matière d’évolution de carrière. La remise en cause de l’augmentation du point d’indice, associée au corsetage de la masse salariale par la contractualisation

et à une reconnaissance de la qualification aléatoire, selon des critères opaques et réduits annonce également la fin de toute garantie en matière de rémunération. Aussi, L’entretien annuel devient l’outil central dans l’individualisation des carrières et des salaires.

Comment faire peser sur ce moment et sur l’évaluateur les volets carrières et traitements de ce qui se nomme politique RH ?

Il s’agit ni plus ni moins d’une défausse sur les cadres territoriaux qui seront chargés de faire avaler le gel des carrières et des rémunérations. Il s’agit d’une action visant à masquer l’identité de celles et ceux qui imposent à la fonction publique des mesures austéritaires et des reculs sociaux.

Mobilité réduite et carrières gelées

La mobilité horizontale et verticale des cadres territoriaux, en d’autres termes leur évolution de carrière va fortement être limitée. La fin des prérogatives des CAP en la matière va réduire le  contrôle collectif sur les mobilités verticales (promotions, avancements) et horizontale (changements de fonctions à grade égal).

Les dispositifs de mobilité trans-versants de la fonction publique ne sont pas destinés à assurer la mobilité des cadres territoriaux, mais bien celle des cadres de la FPE.

Les employeurs territoriaux auront de l’appétence pour des contractuels précarisés privés des protections que confère le statut ; malléables car soumis à l’épée de Damoclès que constitue la rupture conventionnelle et amovibles à tout moment en raison de celle-ci.

Quant aux 7.000 emplois fonctionnels de direction des collectivités territoriale et de leur EPCI, ils seront ouverts aux contractuel.le.s. Il s’agit là d’importer une caste de mercenaires technocratiques, hors sol, porteurs d’un management désincarné, imposant des standards organisationnels et financiers sans respect pour l’intérêt général, les usagers/ usagères et les réalités de territoires.

Adapter les cadres A par l’altération de leur formation professionnelle

Ce changement de paradigme passe par la question de la formation. La loi de transformation de la fonction publique annonce la refonte complète de la formation des cadres A. Il s’agit de les adapter au nouveau cadre statutaire, organisationnel et financier. Il s’agit de faire évoluer leur corpus éthique et d’en extraire le sens du service public, l’intérêt général, la neutralité et l’indépendance. Cette transformation s’inscrit, au demeurant dans le projet de démantèlement du CNFPT transformé en EPIC.

Quant à la formation des contractuels recrutés par le biais d’un CDD de projet, le changement de modèle conduit à une rupture du processus de développement des compétences managériales, une rupture du continuum entre formation initiale, formation continue, développement des acquis et des compétences issus de l’expérience professionnelle ou de l’appartenance à des collectifs de travail. Il annihile toute démarche de projection et de développement dans le temps des compétences des cadres.

L’UFICT-CGT, un outil pour les cadres territoriaux

Plus que jamais, les cadres territoriaux sont en 1ère ligne. Plus que jamais, la nécessité de s’organiser pour résister se fait sentir. L’UFICT-CGT porteuse du syndicalisme spécifique aux cadres au sein de la CGT, leur est entièrement ouverte.

La CGT des services publics et son UFICT se mobilisent pour informer et organiser les agent.e.s et cadres territoriaux pour un progrès social et humain des territoires passant par le maintien et le développement des services publics associé au redéveloppement industriel et la défaite des projets ultra-libéraux du gouvernement.

Cela passe aujourd’hui par le retrait du projet de loi fonction publique et la fin de la contractualisation financière.

 

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