TRAVAIL À DISTANCE, TÉLÉTRAVAIL. STOP AUX NOUVELLES ALIÉNATIONS !

Ne nous y trompons pas, si nous sommes en guerre (dixit le président de la République), c’est bien la guerre menée sans cesse depuis des décennies par le capitalisme contre les biens communs dont la préservation de la planète et les services publics qui a amené à cette crise sanitaire et à ces conséquences désastreuses pour l’humanité. C’est ce même capitalisme que nous condamnons pour cette gestion de crise catastrophique, en particulier dans le monde du travail.

Depuis le confinement, les collectivités territoriales et les établissements publics ont mis en place et imposé, dans l’urgence, sans réflexion de fond ni consultation de l’ensemble des représentants des personnels, un nouveau mode de travail à domicile. Ce système fonctionne en dehors de tout droit et protection et n’est pas du télétravail.

Le cadre légal protecteur de 2016 concernant le télétravail est remis en cause. Le télétravail était défini par la Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012. Dans la Fonction publique, le décret d’application n° 2016-151 du 11 février 2016, limitait, en toute situation, le télétravail à trois jours maximum par semaine, le déterminait dans une pièce dédiée à cet usage (en cas de télétravail à domicile) et encadrait notamment les équipements indispensables à sa pratique pour prémunir les agent.e.s et les employeurs des conséquences négatives sur la qualité du travail, mais aussi de sa nocivité sur la santé, la vie sociale et la vie privée des agent.e.s.
Dès lors, et même si un bilan complet demandera beaucoup plus d’investigations et de temps, des leçons sont à tirer du confinement et sur ce travail distanciel en mode dégradé. Les conséquences sur les agents sont à déplorer et à analyser.
En effet, le déploiement dans l’urgence a engendré de gros problèmes dont certains auront des impacts à très long terme.

DE NOUVELLES DÉGRADATIONS  DES CONDITIONS DE TRAVAIL

« Télétravail, travail déployé ou distanciel, travail nomade, utilisation des outils numériques », en fait le travail à distance en mode dégradé, sont des transformations du travail qui s’additionnent à vitesse accélérée. Elles ont chacune leurs problématiques, mais aussi des traits communs : isoler l’agent.e et l’encadrant.e seul.e face à leurs écrans et augmenter les difficultés à traiter la complexité du travail au quotidien.

De très nombreux témoignages ont démontré les difficultés vécues par les salarié.e.s et les dangers du télétravail non encadré, notamment lorsqu’il est pratiqué à 100 % du temps de travail : isolement, problèmes d’objectifs trop flous, manque d’équipements, surcharge de travail, disparition des coupures entre la vie privée et professionnelle. Ces causes engendrent des problèmes graves : problème de stress, d’anxiété, de sommeil et ruptures avec les temps sociaux organisés.

En outre, le télétravail met au centre la relation entre l’agent.e et son.sa responsable hiérarchique et le rôle central du.de la cadre de proximité dans la qualité ou non du télétravail : il.elle doit gérer la relation individuelle à l’agent.e. Il.elle est également responsable d’animer l’équipe, de décliner les objectifs, d’assurer la transversalité et les relations avec les autres collègues et leurs autres strates hiérarchiques. À défaut de déontologie et de professionnalisme, les relations télétravaillées peuvent devenir autoritaires.
Les employeurs publics ont profité de la pandémie pour réduire les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées au personnel. C’est ainsi une aubaine pour les employeurs de faire baisser les coûts de l’immobilier, les assurances, la formation, les conquis sociaux comme ceux relatifs aux frais de déplacement et à la restauration. Ils ont aussi mis à distance les organisations syndicales en ne consul-tant pas les CHSCT, CT, CSE… sur les nouvelles organisations du travail et les protocoles d’accord. Auparavant pour la plupart frileux face au télétravail, voici les employeurs publics très enthousiastes à renvoyer tout le monde travailler tout seul, chez soi ou ailleurs.

Le gouvernement, pour les y aider, a créé le décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 pour assouplir le télétravail dans la Fonction publique. Il supprime la notion de « régularité » (jours fixes), opérant ainsi un aligne-ment sur la réglementation en vigueur dans le secteur privé. Il permet, en cas de situation exceptionnelle perturbant l’accès au site ou le travail sur site, de créer des autorisations temporaires de télétravail et de déroger à la limitation de la règle imposant aujourd’hui un maximum de trois jours de télétravail par semaine. Il allonge la liste des lieux dans lesquels il est possible de télétravailler. Il stipule ainsi que, dans ces situations exceptionnelles, le télétravail pourra être organisé « dans un ou plusieurs lieux, notamment au domicile de l’agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel ». Ce décret « facilite » également l’utilisation du matériel informatique personnel de l’agent.e travaillant à distance « lorsqu’un agent demande l’utilisation des jours flottants de télétravail ou l’autorisation temporaire de télétravail ».

PAS DE FATALITÉ NI DE RÉSIGNATION

Dans ce contexte, les différents modes de travail à dis-tance sont devenus un enjeu central, notamment pour les agent.e.s dont les missions sont les plus télétravaillables. Le télétravail doit donc être impérative-ment encadré pour protéger les agent.e.s des mal-traitances et de la télésouffrance vécues pendant le confinement et pour préserver la qualité du travail de développement des politiques et services publics, nécessairement complexe et pluridisciplinaire.
Des centaines de milliers d’agents sont soumis à cette forme de travail dégradée qui sera très certainement développée dans un avenir proche par les employeurs publics. Nous connaissons toutes les aliénations et les risques qu’elle comporte et nous les dénonçons. C’est pourquoi il y a urgence à poser nos revendications pour cadrer ce que doit être ou ne pas être le télétravail afin de protéger les salarié.e.s, le travail et la société tout entière en permettant d’utiliser à bon escient ces nouvelles formes de travail.

Des négociations doivent être mises en œuvre dans toutes les collectivités territoriales et tous les Établissements publics, avec les organisations syndicales pour encadrer le télétravail, le travail dé-ployé et nomade, faire appliquer à minima le droit et obtenir des garanties individuelles supplémentaires dans un cadre collectif.

AINSI, LE TÉLÉTRAVAIL, LE TRAVAIL DÉPLOYÉ
ET NOMADE DOIVENT :

  • Être basés sur le volontariat.
  • Se déployer en respectant l’équité de traitement : mêmes positions administratives, mêmes équipements sans éclatement des garanties collectives et avec la garantie d’accès à la même qualité de couverture numérique du territoire (développement des infrastructures, résorption des zones blanches par déploiement de la fibre et moratoire pour l’abandon complet de la 5G).
  • Se déployer en permettant à l’agent.e de travailler en sécurité et de ne pas être mis à défaut au vu des obligations de l’employeur vis-à-vis de la RGPD (sécurité des données personnelles et de celles de l’institution) avec des outils sécurisés par l’employeur (VPN, logiciels, applications et progiciels de la collectivité respectant le RGPD…).
  • Se déployer dans le respect du Code du travail, qui stipule que le travail ne doit rien coûter aux salarié.e.s : fourniture par l’employeur (ce qui doit rester la règle principale – si achat par l’agent.e, cela doit rester exceptionnel et cadré par les situations prévues comme telles par la loi et doit se faire par avance de frais), y compris pour les autorisations temporaires de télétravail (flotte), de tous les équipements professionnels devant être adaptés (PC, téléphone, VPN, voire imprimante et scanner en fonction des missions…), de tous les logiciels et de leurs mises à jour, de tous les consommables et les frais de connexion dans le respect strict des règles d’ergonomie et de qualité des équipements des postes de travail, des organisations et usages numériques du travail.
  • Créer de nouveaux droits protégeant les télétravailleurs.euses, les travailleurs.euses dé-ployé.e.s et nomades et notamment leur vie privée : décomptes précis du temps de télétravail qui doivent tous être comptabilisés dans le temps de travail, prise en compte des temps de déplacement vers les centres de télétravail, des temps de travail gris (à l’hôtel, dans le train…), reconnaissance des accidents sur les parcours vers les tiers lieux comme des accidents du travail, favoriser le télétravail dans les tiers lieux publics et non à domicile (pour protéger la vie privée, contre les discriminations d’accès à l’emploi…), faire respecter l’aspect exceptionnel des dérogations à l’encadrement du télétravail dont la limitation à 3 jours maximum par semaine qui doit rester la norme, respect des droits à la formation professionnelle des télétravailleurs.euses…
  • Créer et appliquer un droit opposable à la déconnexion respectant le temps de travail et sa séparation de la vie privée, des plages horaires de travail fixées en concertation préalable avec l’agent.e, les temps de repos…
  • Exiger des négociations obligatoires sur les Risques Psycho-Sociaux : renforcement des prérogatives des CT paritaires et des CHSCT en matière de défense des droits concernant le télétravail et le contrôle du télétravail, d’application systématique du principe de précaution…
  • Créer l’obligation pour tout employeur public de quantifier le coût écologique du télétravail dans le schéma de développement durable de sa collectivité ou de son établissement public et de le présenter dans le cadre de son bilan social.

Pour aller + loin 

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